II.VI « Le Roi Jedusor »

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Les vacances de Halloween se passèrent dans la plus lugubre des ambiances dans le monde des sorciers. Pendant ces deux semaines, chaque jour avait apporté sont lot de mauvaises nouvelles des quatre coins du monde. Malgré les efforts du Ministère pour mettre les sorciers vivants à l'étranger à l'abris, ceux habitant en Pologne n'avaient pus échapper à temps à la malfaisance de Grindelwald. Peu avaient survécus et vivaient désormais cloîtrés entre les murs capitonnés de l'hôpital Sainte-Mangouste, ayant trop peur de revivre l'horreur en remettant un pied dehors. Depuis ce jour où la Gazette avait fait ses gros titres de ce massacre, le monde des sorciers semblait être figé hors du temps. Seuls la peur et le désespoir semblaient régir la vie de ceux qui osaient encore vivre comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ce fut pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore qui demeuraient secrètes, que la rentrée à Poudlard se fit sous l'étroite surveillance des Aurors. Aux quatre coins de King's Cross ou marchant de long en large au bord du quai, ou encore en embuscade sous les hauts-plafonds à scruter la foule, comme les aigles cherchent leur proie de la cime des arbres ; les Aurors étaient omniprésents et semblaient transmettre aux parents, tout autant qu'aux élèves, une angoisse dont ils se seraient bien passés. Il fallait dire qu'en Une de la Gazette ce matin là, les nouvelles s'avéraient être moins réjouissantes que d'ordinaire. Les reporters n'avaient pas hésité a tirer la sonnette d'alarme de la communauté magique en disant que la prochaine cible de Grindelwald serait « la jeunesse sorcière », autrement dit : les élèves de Poudlard. D'après la Gazette, la situation était si terrible que le Ministre de la Magie avait dût appeler à l'aide les membres du Magenmagot qui, outre le fait d'être de hauts magistrats, étaient également les soldats de réserve du Ministère. Pourtant, ce qui fit pâlir les élèves de Poudlard fut la rumeur selon laquelle un de leur professeur aurait prit part au combat contre Grindelwald.
Ce fut sur cette rumeur que débuta le nouveau trimestre à Poudlard et il ne faisait plus l'ombre d'un doute que Dumbledore était ce fameux sorcier. Les absences répétées du professeur et ses traits fatigués lorsqu'il se montrait enfin n'avaient bernés personne. Officiellement, il se remettait d'une « terrible maladie » mais Freya Dane, Préfète-en-Chef de Serpentard, avait surprit une conversation entre Dippet et Dumbledore où se dernier faisait part de son projet de se rendre en Autriche où la rumeur disait que Grindelwald se terrait. Aussitôt la conversation eut-elle franchit ses oreilles, que Freya le répéta à tout le monde, même à ceux qui ne voulaient rien savoir. Aéla et Björn étaient de ceux-là. Étrangement, l'un comme l'autre étaient d'une pâleur inquiétante et, bien que cela ne soit pas pour les mêmes raisons, ils n'en demeuraient pas moins relégués à la catégorie des « élèves à surveiller » d'après Miss Vina, qui avait été peu convaincue par leur passage à l'infirmerie à la rentrée, pour une évaluation psychologique obligatoire. Si Björn ne cessait de se plaindre et trouvait du réconfort auprès de Sibbie, qui se montrait plus attentionnée que jamais avec son cousin, Aéla demeurait silencieuse, s'enfermant un peu plus dans son mal-être au fil des jours. Quelqu'un, pourtant, aurait pu la tirer des ses sombres pensées d'un seul mot, d'un seul geste mais celui-ci semblait lui avoir filé entre les doigts. Il semblait pourtant à la jeune fille qu'ils s'étaient quittés en bon terme et elle n'avait pas le souvenir d'avoir fait quoi que ce soit pour lui déplaire depuis la rentrée, quelques semaines plus tôt.

Quand je pense qu'on est obligés d'être ici, à l'air libre, sans protection contre ce qui pourrait arriver du ciel ! râla Björn en levant les yeux au ciel. Ça me fout la trouille.
C'est parce que tu commences à devenir un brin parano !
Je ne suis pas parano ! C'est simplement que je trouve irresponsable de maintenir les matchs de Quidditch alors que d'après la Gazette-
D'après la Gazette il devait faire beau aujourd'hui et il pleut comme dragon qui pisse ! le coupa Sibbie, fatiguée des peurs irraisonnées de son cousin. Il ne faut pas croire tout ce que dit un bout de papier, Björn.
Donc je ne dois pas croire que Grindelwald a massacré six cent sorciers ? siffla t-il, amer.

Sibbie eut une moue contrite. Elle ne voulait pas blesser son cousin mais celui-ci devenait de plus en plus insupportable, ne cessant de sursauter au moindre bruit ou d'hurler à la mort à chaque fois qu'un élève le frôlait d'un peu trop près. Tous les Serpentard se moquaient déjà de lui, bien qu'eux-mêmes aient une trouille de tous les diables.

Tu vois le mal partout, Björn.
Et toi, tu ne le vois nulle part ! renchérit-il d'un ton véhément. Pas vrai, Aéla ?

Se tournant vers sa camarade, Björn eut l'ennui de découvrir que celle-ci avait le regard perdu sur le terrain de Quidditch où les équipes de Serpentard et Gryffondor s'échauffaient avant le début du match. La jeune fille n'avait pas décroché un mot depuis qu'ils s'étaient retrouvés et passait de plus en plus de temps seule, totalement coupé de toute présence humaine, dans la volière ou la salle des trophées. Si Björn eut l'air déçu, il n'en montra rien car il savait que son amie n'avait pas une vie facile et ne voulait pas l'affliger en plus de reproches. Il se contenta de visser son regard sur le terrain tout en restant attentif au moindre geste de la jeune fille assise à côté de lui.
A une centaine de mètres de là, perché gracieusement sur son balai, Tom observait les joueurs de Gryffondor d'un air carnassier. En tant qu'attrapeur de Serpentard, il s'était fait un devoir d'assister en secret à tous les entraînements de l'équipe rouge et or, au point de mieux connaître leurs tactiques de jeux que celles de sa propre équipe. Pour lui, il ne faisait aucun doute que Serpentard avait un avantage et celui-ci s'appelait Tom Elvis Jedusor. Il s'était donné la peine de faire ce que ses coéquipiers jugeaient « d'absurde » : espionner l'adversaire et le connaître mieux que soi-même. Puis il s'était entraîné deux fois plus que les autres joueurs, conscient que son jeune âge pouvait être un frein face à l'expérience des autres qui jouaient au Quidditch depuis des années. Tom se devait d'offrir la victoire à son équipe. C'était une obligation pour lui ! La défaite n'était pas une option. Il avait travaillé trop dur, s'était trop investit dans cette rencontre, avait écarté trop de personnes ou de distractions de sa vie, afin de mieux se concentrer, pour échouer si près du but.

Que tous les joueurs se regroupent au centre du terrain pour le lancement du match ! scanda Emily Watermoll, élève de dernière année à Serdaigle, dans un mégasonorus.

Aussitôt tous les joueurs fondirent vers le sol d'un seul mouvement, mélangeant leur cape si bien qu'on ne put discerner les Serpentard et les Gryffondor. Ils s'arrêtèrent à ras du sol plus ou moins adroitement tandis que le professeur de vol sur balai, Gidéon Feunoyr, s'avançait sur la pelouse avec la malle contenant les balles de match.

Bien, comme vous le savez ce match est un peu spécial ! commença Feunoyr, un peu mal à l'aise. Il vous est formellement interdit de voler en-dehors du stade, compris ?
Et comment on fait pour attraper le vif d'or si il s'en va ailleurs ? demanda une poursuiveuse de Gryffondor.
Vous attendez qu'il revienne dans l'enceinte du stade.
Ce match pourrait s'éterniser pendant des jours !

Une salve d'approbations suivie les paroles du capitaine des Serpentard. Si les nouvelles règles instaurées par Dippet ne déplaisaient pas autant aux joueurs, ce brusque moment d'union entre ces deux maisons rivales depuis la construction de l'école aurait paru étrange. Cela aurait même était perçu comme suspect.

Ce sont les règles ! tonna Gidéon Feunoyr, faisant preuve du peu d'autorité dont il était capable. Si je vois un seul balai hors de ce stade, la maison à qui il appartient pourra immédiatement dire adieu à la victoire ! Compris ?
Oui, professeur, répondirent les joueurs sans grande conviction.
Bien, maintenant allez vous mettre en place !

Les joueurs reprirent leur envol et se dispersèrent aux quatre coins de l'espace aérien du stade, les Serpentard occupant la zone est, tandis que les Gryffondor se répartissaient sur celle de l'ouest. Dans les tribunes le silence se fit jusqu'au coup de sifflet de Volka Zakharov, arbitre du match. A peine le vif d'or, les cognards et le souaffle furent-ils lancés dans les airs que les joueurs se précipitèrent sur eux, manquant de peu pour certains d'entrer dans une collision dangereuse, sous les cris hystériques de leurs supporter. Même si la situation internationale était des plus préoccupante, le professeur Dippet se félicita de ce moment d'insouciance où les élèves de son école pouvaient être eux-mêmes, c'était-à-dire de simples enfants innocents et naïfs.

Serpentard et Gryffondor s'affrontèrent pendant deux longues heures dans les airs sans que personne ne puisse dire laquelle des deux équipes allait l'emporter. Il fallut attendre la dernière minute de jeu pour que dans un élan rageur, Tom s'empare du vif d'or qui ne cessait depuis le début de la rencontre à sortir du terrain, obligeant le garçon et son adversaire de Gryffondor à faire preuve de patience et à prier tous les dieux pour que la balle dorée revienne sur le terrain. Dans les gradins, un grand silence s'était abattu sur tous les spectateurs, certains n'en revenant pas que Serpentard ait gagné, d'autres suffoquant de voir Gryffondor faillir de son pied d'estale. Il fallait dire que l'équipe vert et argent n'avait pas remporté de victoire face à la maison de Godric depuis près de douze ans. Douze longues années à s'affronter sans jamais remporter un seul match et il fallut l'arrivée de Jedusor dans l'équipe pour que Serpentard réussisse l'exploit. Après la stupeur vînt le temps des « Hourra », des « Serpentard ! Serpentard ! » ou bien des « Jedusor ! Vive le Roi Jedusor ». Roi Jedusor, voilà un surnom qui plaisait bien à Tom et qui lui donna le sourire aux lèvres. Ce fut à peine s'il eut le temps de descendre de son balai avant qu'une marée de Serpentard ne le soulève de terre pour le porter à bout de bras vers le ciel qui s'éclaircissait après des jours de pluie et de grisaille.
La maison de Salazar fut si euphorique de cette victoire inespérée que la fête se poursuivit jusque tard dans la nuit, tous les élèves voulant féliciter leur équipe et plus encore Tom, en buvant un verre de jus de citrouille avec les vainqueurs. Pourtant, parmi la masse vert et argent, deux élèves manquaient à l'appel. Assis dans un coin reculé de la salle commune, affichant un visage morne et un regard perdu, Björn et Aéla ne prenaient pas part aux festivités exceptionnellement autorisées par Dippet. Pourtant, au fond d'elle, Aéla fut ravie de la victoire de Serpentard et aurait voulu, elle aussi, féliciter Tom pour cette longue bataille face à Hope Cokarhd pour récupérer le vif d'or. Seulement elle ne semblait plus exister pour le garçon qui ravivait son ego par les « Félicitation, Tom ! T'es le meilleur ». Pour Jedusor, seule sa victoire de l'après-midi comptait. Il n'y avait plus que lui et ce sentiment de puissance qui lui donnait l'agréable sensation qu'un feu embrasait ses veines et se propageait dans le moindre de ses organes. Un peu plus et il aurait juré pouvoir cracher du feu comme un dragon !

Je vais aller me coucher, souffla Björn, à bout de fatigue. J'en ai assez vu pour aujourd'hui. Tu restes là ?
Non, signa Aéla, pour la première fois depuis la rentrée. Je vais aller me coucher aussi.

Les deux amis se levèrent d'un même mouvement et, reposant leur verre intact sur la table basse, se dirigèrent vers leur dortoir respectif. Après un « Bonne nuit » pour le moins las et dénué de sens, chacun se coucha dans son lit sans même prendre la peine de se mettre en pyjama, tandis qu'à quelques mètres la joie et la bonne humeur de la maison Serpentard se poursuivaient en les ignorant.


La joie de Serpentard s'exprima encore quelques jours puis l'euphorie retomba comme un ballon d'hélium percé par une aiguille. Ce matin, la Gazette des Sorciers n'était pas rassurante. Plusieurs pages étaient consacrées aux communautés sorcières que le Ministère avait dût faire évacuer en urgence et dans le plus grand secret car, d'après les dires du journaliste Peter Skeeter, Grindelwald avait déployé ses partisans dans toute l'Europe pour des attaques. Pourtant, si Aéla accorda de l'attention à la lecture de l'article par Sibbie, elle demeurait bien plus préoccupée par leur premier cours de la journée : Sortilège. Elle n'était passé en deuxième année qu'à la condition que sa pratique de la magie s'améliore et la jeune fille avait eu la naïveté de croire que Tom l'aiderait dans cette tâche difficile. Force était de constater qu'il l'avait abandonné à son triste sort dans ce domaine, ayant totalement oublié son rôle de « professeur » après avoir pourtant promit à Dumbledore qu'il lui donnerait toutes les clés pour user des sorts informulés. Le professeur Hammond attendait des résultats mais Aéla n'avait rien à lui montrer, rien à lui donner pour le convaincre qu'elle avait fait des progrès, parce que le problème était là : faute d'exercice, elle stagnait au niveau de première année qu'elle était l'an passé. La jeune fille soupira bruyamment, attirant l'attention de Sibbie et Björn.

Qu'est-ce qu'il y a ?
Je redoute que le professeur Hammond me demande de passer devant toute la classe. Je sais à peine transformer un verre d'eau en cygne.
Tout le monde n'a pas l'aisance de Jedusor en matière de sortilège ! répliqua Björn en faisant allusion à l'exploit de Tom en début d'année, qui avait transformé son verre en faucon. Je trouve que tu t'es bien amélioré et puis tu sais faire des choses sans utiliser ta baguette, ce qui est très rare pour un sorcier !

Malgré elle, une moue s'installa sur les lèvres d'Aéla. Il était clair que Björn parlait de la fois où elle lui avait infligé une brûlure cuisante sur la joue sans qu'elle-même ne sache comment ni pourquoi. Son ami avait toujours crut depuis lors qu'il s'agissait d'une manifestation spontanée de sa magie, mais Aéla savait au fond d'elle-même que c'était quelque chose d'autre. Quelque chose de bien plus sombre, incontrôlable et imprévisible.

On y va ? demanda t-elle pour couper court à la conversation. Je n'ai plus faim.

Björn et Sibbie acquiescèrent et lui emboîtèrent le pas. Pour le plus grand damne d'Aéla, la salle de Sortilège du professeur Hammond se trouvait non loin de la grande salle, ne lui laissant qu'un court trajet pour mettre de l'ordre dans ses pensées. Beaucoup d'élèves s'étaient déjà installés aux meilleures tables, ne laissant aux retardataires qu'une vieille table bancale au bout de la salle, sur laquelle il était particulièrement difficile d'écrire sans faire un trou dans son parchemin. Peu importait ! La jeune fille se consola en se disant qu'elle aurait au moins l'avantage d'être caché du regard perçant du professeur Hammond. Manque de chance, celui-ci arriva par la porte du couloir, alors que d'ordinaire il empruntait celle qui donnait directement sur son bureau devant le tableau, en offrant un regard appuyé à la jeune fille et ses amis qui se tassèrent sur leur chaise. Si Aéla avait jusqu'ici toujours apprécié les cours de Hammond, on ne pouvait pas en dire autant de Björn et Sibbie qui préféraient de loin les Potions ou la Défense contre les Forces du Mal, une matière qu'Aéla ne suivait plus depuis sa mésaventure.

Bien le bonjour, les enfants ! chantonna Hammond, visiblement de bonne humeur.
Bonjour, professeur ! répondit la classe d'un ton morne.
Aujourd'hui nous allons apprendre un sortilège très particulier qui est celui de l'Aguamenti. Quelqu'un peut me dire à quoi sert ce sortilège ?

Des toussotements gênés et des reniflements répondirent à Hammond, qui ne perdit pas pour autant son éternel sourire. Son regard navigua parmi la flopée de têtes juvéniles qui le regardaient avec des yeux désespérés et l'espace d'un instant un trait barra son front plein de rides.

Où est Monsieur Jedusor ?
Il est à un entraînement de Quidditch, professeur, répondit Dominic Bullstrode. Le professeur Slughorn et le professeur Dippet lui ont rédigés une autorisation exceptionnelle pour s'absenter des cours jusqu'au prochain match.
Ah oui, c'est vrai ! souffla Hammond comme si sa cervelle venait de se remettre en marche. J'avais oublié.

Alors que le professeur reprenait tranquillement son cours, expliquant en long, en large et en travers que le sortilège qu'ils allaient apprendre servait à faire jaillir de l'eau de sa baguette ; Aéla resta figée sur sa chaise comme si une décharge électrique avait raidit tous ses os. Elle n'était pas au courant que Tom allait être absent pendant plus d'une semaine afin de préparer le prochain match de Serpentard. Depuis la rentrée ils ne s'étaient pas reparlés, Tom ne lui avait accordé aucune attention ni aucun regard et la seule consolation de la jeune fille fut l'infime plaisir de voir son visage lorsqu'ils étaient en cours et d'entendre sa voix répondre à toutes les questions des professeurs. Ces brefs moments où elle pouvait l'apercevoir étaient ce qui lui donnait envie de se lever le matin. S'il n'était plus là, qu'allait-elle faire ? Une angoisse étouffante s'empara de la jeune fille qui eut l'impression que deux mains titanesques se refermaient sur sa gorge en se resserrant de toute leur force.
Aéla ne reprit conscience qu'elle se trouvait en classe que lorsque Björn lui décocha un coup de pied dans le tibia, qui lui provoqua une douleur assez aiguë pour qu'elle en oublie son malaise. Tous ses camarades étaient tournés vers elle et au bout de la salle, se dressant sur la pointe des pieds bien qu'il fut sur une estrade, Hammond la regardait avec une once d'inquiétude.

Miss Wayne tout va bien ? demanda Hammond.

Pour toute réponse, Aéla hocha sa tête raidit et se tassa un peu plus sur sa chaise. Elle aurait voulu disparaître six pieds sous terre et se faire oublier du reste du monde.

Miss Wayne, pouvez-vous venir ici et montrer à vos camarades à quoi sert ce sort ?

La jeune fille manqua de défaillir à nouveau. Voilà que ce qu'elle redoutait tant était sur le point de se produire. Du coin de l'oeil Björn et Sibbie virent leur amie pâlir et le garçon se proposa de prendre sa place, mais Hammond fit mine de ne rien entendre. Le professeur voulait que ce soit Aéla et personne d'autre, non pas pour la mettre en difficulté mais parce qu'il savait que la jeune fille avait un grand potentiel en matière de sorcellerie. Cela fut une évidence dès qu'il l'avait vu s'entraîner avec Tom Jedusor dans le parc de l'école l'année précédente.
Aéla prit une grande inspiration et, poussée par les encouragements de Björn, elle se dirigea vers l'estrade qui surplombait la salle. Hammond tenait dans ses mains un verre en cristal, semblable à celui que le professeur Dumbledore leur avait donné à transformer lors de leur dernier cours de Métamorphose. Aéla monta sur l'estrade en tenant fermement sa baguette qui lui paraissait toujours aussi démesurée pour ses mains frêles.

Bien ! Jeter ce sortilège est très simple, la rassura Hammond, sans grand résultat. Pensez fort à la formule « Aguamenti » et dirigez le bout de votre baguette vers le verre.

Aéla s'exécuta et mit un point d'honneur à suivre les consignes de Hammond à la lettre. Elle ancra profondément dans ses pensées les lettres « A-g-u-a-m-e-n-t-i » et pointa le bout de sa baguette vers le verre en cristal. Faisant tant bien que mal le vide dans son esprit, la jeune fille resta immobile pendant plusieurs minutes sur l'estrade, à fixer le verre, mais rien ne se produisit. Tout ce qui se déclencha fut les quelques rires de ses camarades face à ce piètre spectacle. Aéla abaissa sa baguette, à la fois honteuse et découragée.

Silence ! ordonna Hammond en durcissant sa voix. Miss Wayne, ne vous découragez pas. Il n'est jamais facile d'user des sortilèges informulés. Je sais que vous pouvez y arriver ! Réessayez en visualisant de l'eau dans votre esprit !

La jeune fille ravala ses larmes et s'exécuta à nouveau, ne voulant pas décevoir le professeur Hammond ni Dumbledore qui lui avait accordé la chance de passer en deuxième année. Elle pointa de nouveau sa baguette vers le verre et se remémora les vagues qu'elle avait vu enfant lorsque sa mère et elle étaient allés à la mer pour la première fois.
Une minutes, deux minutes, trois minutes et un jet d'eau cristalline sortit de la baguette avec tant de puissance que le verre éclata en milles morceaux, mouillant la robe de Hammond. Passé la stupeur, le professeur éclata de rire, suivit des élèves de Serpentard.

C'était un très beau sortilège, Miss Wayne ! la félicita Hammond. Je donne dix points à Serpentard pour la réussite de votre camarade. N'oubliez jamais, Miss Wayne, de visualiser les effets de votre sort dans votre esprit, ajouta Hammond. Cela pourrait grandement vous faciliter l'usage de la magie.

Aéla le remercia pour ce conseil avisé. Elle n'y avait jamais pensé et pourtant, à présent, cela lui paraissait logique.
La jeune fille regagna sa place en ayant reprit un peu de couleurs alors que Björn et Sibbie s'empressèrent de la féliciter. Hammond continua d'expliquer les vertus du sortilège Aguamenti, captivant de nouveau l'attention de la classe, tandis qu'Aéla savourait sa petite victoire. Le conseil du professeur Hammond allait lui permettre de faire d'énormes progrès en sortilège. Des progrès qui lui permettront d'assurer son passage en troisième année et de convaincre le reste de ses camarades qu'elle avait bien sa place au sein de Poudlard et de la maison Serpentard. Peut être même cela allait-il lui permettre de se passer des conseils de Tom. Elle n'était pas sûr de vouloir cela mais le garçon ne l'aidait plus, alors pourquoi devrait-elle continuer à espérer une chose qui n'arriverait plus ? Un sourire se dessina sur les lèvres d'Aéla sans qu'elle ne s'en rende compte. A côté d'elle, pourtant, Björn savoura ce petit étirement qui créait deux fossettes sur les joues de son amie. Il avait l'impression que cela faisait des siècles qu'il n'avait plus vu la jeune fille sourire alors que c'était une vision qui le remplissait de joie. Il se félicita qu'Aéla ait suffisamment oublié l'absence de Tom pour retrouver un peu de joie et pria pour que cela dur le plus longtemps possible.

Tale of Jedusor : les jeux du sortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant