III.VI « Le spectre d'une famille »

528 36 3
                                    


Jédediah Feynes n'avait jamais pensé avoir un enfant un jour. Tout d'abord, il n'était pas de ces hommes ayant un instinct paternel développé et ensuite, il pensait avoir suffisamment d'ennuis avec son travail pour s'en rajouter sur les bras avec un marmot. Pourtant, lorsqu'il avait rencontré Poppie Swington lors du gala annuel de la police de Southampton, plus de vingt ans auparavant, Jédediah s'était dit qu'il serait fabuleux d'avoir un petit bout de cette femme extraordinaire à dorloter. Mais le destin en avait voulu autrement. Après des années à essayer, en vain, d'avoir un enfant ; Poppie et Jédediah s'en étaient remis aux experts médicaux pour comprendre pourquoi les autres pouvaient tenir un nourrisson dans leur bras et pas eux. Il s'avéra que Poppie, même avec toute la bonne volonté du monde et son désir d'enfant en bannière, ne pouvait pas en avoir. Pas naturellement. Il fallut des années au couple Feynes pour digérer la nouvelle, des années durant lesquelles Jédediah Feynes mit sa frustration au service des enfants à travers son travail. Il se fit un devoir de protéger tous les mineurs victimes de délit ou de crime, de les défendre et de les aider. Il était fier de pouvoir dire que pas un enfant sous sa charge n'avait été laissé pour compte. Pas un ! Jusqu'à ce soir d'octobre, lorsque son équipe avait été appelée en renfort sur un incendie criminel. Jédediah ne vit rien de la maison en flammes car dès qu'il su qu'une enfant s'était trouvée à l'intérieur et qu'elle avait été transporté à l'hôpital, il s'était presque jeté dans la voiture pour être le premier arrivé sur les lieux. Jamais il n'oubliera la première fois où il avait vu Aéla Wayne. Jamais il n'oubliera son petit corps chétif au milieu de ce grand lit aux draps blancs, cette petite fille au visage si joli qui était branchée à toutes sortes de machines effrayantes. Il avait d'abord voulu l'emmener loin de cet endroit à l'odeur d'antiseptique et de désespoir, avant de se raviser car ça n'aurait rien eu de professionnel. Alors il la veilla toute la nuit, sursauter à chaque gémissement, se précipitant au bureau des infirmières au moindre mouvement, agaçant son coéquipier en demandant toutes les trente secondes si c'était normal pour une enfant de rester inconsciente aussi longtemps. Il s'était inquiété pour Aéla à la seconde où il l'avait vu, plus que pour tous les autres enfants dont il s'était occupé. Dès cet instant, il avait voulu la protéger et l'aimer. Ce fut pour cela que l'abandonner à l'orphelinat Wool avait provoqué une déchirure abominable en lui. Ce fut également la première et unique fois où il détesta son travail de policier et voulut désobéir aux ordres. Tout le monde lui avait dit de se sortir cette petite fille de la tête parce qu'il ne la reverrait jamais et que c'était pour le mieux.

Mais il ne put s'y résoudre. Il ne le voulait pas. Jédediah avait donc tout raconter à sa femme et se lancer à la recherche de la petite fille avec la complicité de Poppie qui, si elle n'avait jamais vu Aéla Wayne, était tombé sous son charme. Après tout, elle ne pouvait qu'aimer une petite fille qui rendait fou son mari, au point qu'il était prêt à remuer ciel et terre pour la retrouver. Cependant, Aéla Wayne semblait avoir disparue sans laisser de trace. Lorsqu'il se rendit à Wool pour la revoir, Aéla n'était plus là et la vieille mégère qui tenait l'endroit avait refusé de lui révéler où elle était allée. Jédediah crut devoir user de la force ce jour-là mais le désespoir eut raison de sa colère. Il enchaîna les échecs, essuya nombre de critiques pour son entêtement, et l'espoir renaquit de façon inattendue. Poppie était descendu à la cuisine un matin, le visage fermé et ne pouvait s'empêcher de danser d'un pied sur l'autre. Elle lui avait dit : « Je l'ai trouvé ». D'abord abasourdi, Jédediah explosa d'une joie qui ne sembla pas atteindre sa femme. Et alors, elle lui avoua tout. Poppie n'était pas une femme comme les autres, cela il n'en avait jamais douté, en revanche il ne s'attendait pas à ce qu'elle lui avoue faire parti de la communauté magique. Qu'était-ce donc que cela, la « communauté magique » ? Sorcier, dragon, troll et gobelin ; Poppie lui décrit ce monde auquel elle appartenait à moitié sans pour autant pouvoir le revendiquer comme sien. Car même dans le monde des sorciers, Poppie Swington était différente, presque insignifiante ; elle était une Cracmole. Une personne née de parents sorciers mais dépourvue de pouvoirs magiques. Jédediah aurait pu en rire si Poppie n'avait pas été absolument persuadée que cette révélation signait la fin de leur histoire. Balivernes ! Jédediah l'aimait, sorcière ou non, cracmole ou pas, déjantée ou ennuyante. C'était sa femme et, certes il était étonné et y croyait à peine mais il était bien trop heureux d'avoir retrouvé Aéla Wayne. Mieux que ça, que sa femme ait retrouvé Aéla Wayne.

Alors il lui pardonna les années de mensonges et le manque de confiance qu'elle avait eu en lui, il lui pardonna aussi d'avoir douté de leur amour et d'avoir mené ses recherches dans son dos. Tout ce qui comptait désormais, c'était cette petite fille qui attendait une famille d'accueil pour les vacances d'été et les Feynes ne perdirent pas une seconde pour se porter volontaire.

Ce fut un bonheur inexplicable de retrouver Aéla Wayne, un an auparavant, sur le quai de la gare King's Cross. Ça l'était toujours. Ça le devenait de plus en plus chaque jour passé avec elle, chaque jour à penser à elle, chaque jour à lui écrire une lettre ou à regarder les nombreuses photos qu'ils prenaient tous ensemble à chaque vacances. Aéla avait naturellement eu sa place dans leur famille, comme si elle avait toujours été là, comme s'ils n'attendaient plus qu'elle pour enfin vivre leur rêve. Aéla était leur fille et si ça n'était pas couché sur du papier, c'était un fait que personne ne pouvait ignorer. Pas Aéla elle-même.

Les vacances d'Halloween se firent que confirmer l'impression générale. Aéla appris à cuisiner avec Poppie, surtout des gâteaux car c'était ce qu'elle et Jédediah préféraient. Elle apprit aussi à peindre et à jouer du piano. Avec Jédediah, elle passa de longs après-midi à monter à cheval et à se balader sur la plage ou en forêt. Il l'emmena au poste de police pour rencontrer ses collègues et entreprit de lui faire découvrir toutes les pâtisseries de Southampton, au grand damne de Poppie qui leur répétait sans cesse que tant de sucre les rendrait malade. Mais Jédediah et Aéla ne l'écoutait jamais et s'éclipsaient dès qu'ils le pouvaient pour aller manger un gâteau ou faire une balade. Ils s'entendaient comme larrons en foire. Comme père et fille.



Ce jour était le dernier des vacances, le dernier jour à passer auprès de cette famille d'accueil qui emplissait son coeur de bonheur et d'amour. A chaque qu'elle y pensait, Aéla en avait les larmes aux yeux. Elle était si heureuse que parfois, tout d'un coup et s'en comprendre pourquoi, elle se mettait à craindre que tout cela ne soit qu'un rêve et que ce bonheur vole en éclats.

Tiens, ma chérie, fit Poppie en glissant une assiette pleine de pancakes devant elle. Tu as besoin de force pour tout à l'heure.
Tout à l'heure ?
Oh ! Oui ! s'exclama Poppie, soudain gênée. J'ai oublié de te dire, ma chérie, que quelques membres de la famille vont venir pour déjeuner. Il est temps que l'on te présente à tout le monde. Ils ont tellement hâte de te rencontrer !
Vraiment ? demanda Aéla, perplexe.
Bien sûr ! Crois-moi, tu n'as rien à craindre, ma chérie. Tout va bien se passer.

Aéla ne pouvait que l'espérer.
Poppie lui avait longuement parlé de sa femme, surtout de ses parents sorciers, et Jédediah lui avait fait un portrait encore plus détaillé de la sienne. Aéla avait l'impression de tous les connaître sans jamais les avoir vus, éprouvant de l'affection pour certains, comme les grands-parents de Jédediah, ou de l'indifférence pour d'autres, comme la grand-tante aristocrate de Poppie. Les familles des Feynes et des Swington étaient vastes et aussi nuancées que les tableaux qu'Aéla peignait avec Poppie tous les matins. C'était fascinant et mystère, mais cela l'angoissait aussi. Et si elle n'était pas à la hauteur ? Et si l'image qu'elle se faisait d'eux était fausse ? Et si ils ne l'aimaient pas ? Aéla ne voulait même pas penser à cette dernière option. Elle préféra porter son attention sur son assiette et entreprit de manger ses pancakes avec plus de sirop d'érable qu'il n'en fallait pour jeune femme de son âge, trouvant l'appétit à chaque bouchée. Poppie était vraiment une excellente cuisinière !
Soudain, la porte de la cuisine s'ouvrit et Jédediah s'avança dans l'encadrement, semblant se débattre avec une poule récalcitrante qu'il tenait à deux mains.

Petite fée, cette chose a atterri sur moi dans le jardin. Je crois que c'est pour toi.

Aéla sentit son coeur se gonfler au surnom « Petite fée » que Jédediah lui avait donné dès son premier jour avec eux. C'était un surnom affectueux, familier et tendre. C'était un surnom paternel. Un sourire étira immédiatement ses lèvres et se fit encore plus grand lorsqu'elle réalisa que ce n'était pas une poule que Jédediah tentait de maîtriser mais un hibou.

C'est le hibou de Nerva ! signa t-elle avec frénésie. Il a répondu à ma lettre.

Elle arrivait à peine à y croire. Pourtant, elle avait échangé des lettres avec Nerva Marvick pendant toutes les vacances, dès le premier jour. Bien qu'ils ne soient pas de la même année, ni dans les mêmes maisons, Aéla considérait le jeune homme son ami et, bien qu'il lui reste des relents de culpabilité, elle était soulagée d'avoir sauvé le jeune garçon des tourments des Serpentard.

Eh bien, si tu veux mon avis, cette chose devrait apprendre à voler ! s'exclama Jédediah en lâchant la bestiole qui alla se poser sur la table, près d'Aéla. Et tu es prié de ne pas faire caca sur la table comme la dernière fois, mon cher !

Le hibou émit un ululement aigu, outré qu'on l'accuse d'être un malpropre, tandis que Poppie et Aéla partaient dans un grand rire. Il était vrai que le hibou de Nerva était encore jeune et maladroit mais il était plein de bonne volonté, et trop fier pour accepter la moindre remontrance.
Aéla offrit un morceau de pancake à l'animal et poussa son assiette de côté. Elle défit la lettre de sa patte et déchira aussitôt l'enveloppe.

Fais attention, ma chérie, dit Poppie dans un rire. Un jour, tu finiras par déchirer la lettre avec.
Oui. Désolée !

Jédediah et Poppie échangèrent un regard entendu, sachant très bien qu'Aéla ne pouvait jamais contenir son empressement à ouvrir une lettre. C'était encore pire lorsqu'elle recevait celles d'un dénommé Tom Jedusor, bien que celles-ci soient moins fréquentes. Pourtant, elles étaient les seules qu'Aéla gardait précieusement dans une petite boite sous lit. Poppie n'était pas censée le savoir mais, un jour, en faisant le ménage, elle avait trouvé ce petit trésor et, depuis, elle ne pouvait s'empêcher de se demander qui était réellement ce Tom Jedusor. Elle aurait pu le demander à Aéla mais quelque chose en elle, l'instinct maternel sans doute, lui disait qu'il valait mieux attendre que la jeune fille se confie d'elle-même. Et puis quelle importance cela pouvait avoir du moment que les lettres de ce garçon rendait Aéla heureuse ?
Aéla lut la lettre de Nerva d'une traite, appréciant son récit de ses vacances en Irlande, chez ses grands-parents. Il avait même un calmar de compagnie ! Ce qui faisait beaucoup rire Aéla qui trouvait bien plus agréable de câliner un chien.

Il faut que je lui réponde tout de suite ! signa-t-elle, la lettre à peine finit de lire.
Mais tu le vois demain, non ? demanda Jédediah, la bouche pleine de café et de pancake.
Oui... Mais j'ai peur d'oublier ce que je veux lui dire si j'attends demain. Je n'ai pas tant d'amis que ça, vous savez.

Le coeur de Jédediah se serra, comme à chaque fois qu'Aéla signait cela. Comment une petite fille aussi formidable et adorable qu'elle pouvait ne pas être avoir des centaines, des milliers, d'amis ? Il ne comprenait pas. Ce qu'il comprenait en revanche, c'était le besoin presque maladif d'Aéla à entretenir un lien avec le peu d'amis qu'elle avait ; que ce soit Nerva Marvick, Tom Jedusor ou Sibbie et Björn Dunharrow. Seulement quatre personnes. Quatre personnes sur qui, il l'espérait, Aéla pouvait compter lorsqu'il n'était pas là pour l'épauler.

Très bien, ma chérie, répondit Poppie. Mais fini ton petit-déjeuner avant.
D'accord.

Aéla retrouva le sourire, transportée de joie pour toutes ces petites attentions parentales que les Feynes lui accordaient chaque jour. Elle était si bien avec eux !



La première chose que comprit Aéla lorsque les familles de Poppie et Jédediah arrivèrent pour le déjeuner, fut qu'ils avaient grandement surestimé le nombre de personnes invitées. La deuxième chose, et ce fut sans doute la plus importante, fut qu'ils n'avaient aucune idée de ce que les leurs pensaient véritablement d'Aéla.
Il ne fallut pas longtemps après les embrassades de bienvenue et les échanges politesses pour que les regards curieux et craintifs s'abattent sur Aéla. Si les Feynes ne connaissaient pas sa véritable nature et jugeaient son étrangement uniquement sur son mutisme et son manque de sociabilité, les Swington savaient qu'elle était une sorcière. Une sorcière orpheline ayant déjà eu une famille d'accueil dont elle avait été retirée pour une mystérieuse raison. Une sorcière de la maison Serpentard. Une sorcière qui avait déjà eu à faire avec le Ministère de la Magie alors qu'elle n'était encore qu'une élève. Cela fut sans doute trop pour la famille de Poppie, qui émettait des doutes sur la bonne idée que représentait la présence d'Aéla dans cette famille. Poppie et Jédediah affrontaient les critiques avec courage et renvoyaient paître tous ceux qui osaient dire, ou sous-entendre, qu'Aéla était bizarre et serait beaucoup mieux dans une autre famille.

Est-ce que je te demande d'aller te refaire les dents, moi ?! avait hurlé Jédediah lorsque son frère lui avait suggéré de faire voir un psychologue à Aéla. Ma fille est tout à fait normal !

Sa fille. Oui, pour Jédediah et Poppie Feynes, Aéla était leur fille. Elle ne leur ressemblait pas, ne portait pas le même nom, n'avait pas leurs sangs dans ses veines ; mais c'était bien leur fille, celle qui avait pris place dans leur coeur. Dommage que leurs familles ne puissent pas comprendre cela aussi bien qu'ils l'avaient cru, qu'ils l'avaient voulu. Dommage aussi qu'Aéla prennent leurs doutes et leurs questionnements à coeur, au point de remettre en question sa présence parmi eux et l'amour que les Feynes lui portaient.
Le déjeuner vira au fiasco, la tablée se séparant en deux camps : ceux pour qui il était évident qu'Aéla était un membre de la famille et ceux qui ne parvenaient pas à comprendre le choix de Poppie et Jédediah de l'accueillir chez eux. S'en fut trop pour Aéla. Elle ne voulait pas être la raison d'une dispute entre ces familles. Elle ne voulait pas non plus gâcher son dernier jour avec les Feynes. Peut être que si elle disparaissait, la tension redescendrait ? « Morhèr n'a pas à se cacher ! Morhèr n'a pas à partir ! Les mortels sont à elle. Si Morhèr veut cette famille, elle l'aura ! ». La chose s'agitait en elle et Aéla su qu'il était temps de partir. Elle ne voulait pas prendre le risque de perdre le contrôle au milieu de tout le monde, devant les Feynes. Elle ne voulait pas prendre le risque que ça se finisse comme cette fois-là.
Aéla quitta discrètement la table, chacun étant trop occupé à faire des reproches à un autre pour s'apercevoir de son départ, et rejoignit sa chambre à l'étage. Elle referma la porte derrière elle, s'isolant des éclats de voix et retrouvant un semblant de calme qui apaisa la chose grondante en elle. Assez de calme pour sécher les larmes qui commençaient à envahir ses yeux. Pourquoi à chaque fois qu'elle trouvait un peu de bonheur dans ce monde, il fallait que quelque chose ou quelqu'un vienne le gâcher ? Était-elle si détestable ? « NON ! » rugit la chose en elle et Aéla se sentit vaciller. Elle alla s'allonger sur son lit et sortit le livre qu'elle avait hérité de sa mère. Cela faisait si longtemps qu'elle ne l'avait plus touché, si longtemps qu'elle n'y avait plus repensé. Pourtant, à peine toucha-t-elle les pages racornies qu'elle eut la sensation que ce livre ne l'avait jamais quitté. Après tout, elle le connaissait par coeur bien qu'elle ne comprenait pas le quart de son contenu. Il y avait encore tant de mystères autour de ce livre, de sa mère, de son père, d'elle-même. Tant de questions. Tant de doutes. Aéla feuilleta le livre, s'arrêtant sur certains passages qu'elle savait écrit par sa mère, les parcourant du bout des doigts comme si elle pouvait sentir sa présence à travers les lignes. C'était sûrement le cas car une chaleur réconfortante l'envahit. Elle s'arrêta sur un dessin fait par sa mère, un pentacle. Aéla adorait ce symbole sans savoir pourquoi. Plusieurs fois elle avait tenté de le reproduire sans y parvenir. Elle en retraça les contours, ressentant un bien-être au fur et à mesure que ces doigts redessinaient inlassablement le symbole.

Ma chérie, je peux entrer ? demanda Poppie derrière la porte.

Aéla referma brusquement son livre et le cacha parmi la multitude d'autres qui encombraient sa table de chevet. Elle ne s'était pas attendu à ce que Poppie ou Jédediah la rejoignent aussi vite. En vérité, elle avait même douté qu'ils s'en donneraient la peine.
Poppie était pourtant là, derrière la porte, attendant avec impatience qu'Aéla lui ouvre sa porte. Elle n'avait pas mis longtemps à s'apercevoir de l'absence de la jeune fille, paniquant aussitôt et n'ayant plus aucun désir que de retrouver Aéla. Poppie toqua à nouveau à la porte et celle-ci s'ouvrit doucement, dévoilant le beau visage tourmenté d'Aéla. Poppie ne savait que trop bien à quoi elle pensait et cela la peinait autant que ça la rendait furieuse.

Oh, ma chérie ! fit-elle en prenant fermement Aéla dans ses bras. N'écoute pas ces imbéciles ! Nous n'avons pas besoin d'eux pour t'accueillir chez nous, dans notre famille. Car c'est ce que nous sommes, Aéla ! Nous sommes une famille. Nous trois. Et c'est plus que suffisant, non ?

Aéla observa longuement Poppie, les larmes à nouveau aux bords des yeux.
Oui, c'était plus que suffisant pour Aéla. C'était même plus que ce qu'elle avait connu, plus qu'elle n'aurait pu espérer et sans doute plus qu'elle ne méritait. Aéla resserra son étreinte autour de Poppie, essuyant silencieusement ses larmes sur le tissu doux de sa robe du dimanche.

Nous t'aimons très fort, ma chérie ! Nous t'aimons pour tout ce que tu es et tout ce que tu deviendras. Tu comprends ?
Oui.
Voilà ! J'ai mis tout le monde dehors, certains avec un peu d'aide mais nous sommes tranquilles maintenant, dit Jédediah en entrant dans la chambre. Et moi ? J'ai pas le droit à un câlin ?

Il paraissait sincèrement outré d'avoir été oublié. Aéla et Poppie éclatèrent de rire tandis que Jédediah les prit toutes les deux dans ses bras, déposant un baiser sur leur tête à tour de rôle.

Ma petite fée, souffla Jédediah comme s'il se parlait à lui-même.

Et rien qu'avec ces mots, Aéla sentit son coeur s'alléger et sa joie refit surface, balayant tous les doutes qu'elle avait pu avoir auparavant. Elle se trouva idiote d'avoir pensé que les Feynes ne voudraient plus d'elle après ce déjeuner catastrophique, idiot d'avoir pensé qu'ils ne l'aimaient pas autant qu'elle les aimait, idiote de ne pas avoir compris qu'elle était bien plus qu'une jeune fille recueillit pour les vacances scolaires.
Aéla avait une famille. Une famille de coeur. Une famille qui l'avait choisi, elle.

Tale of Jedusor : les jeux du sortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant