Samain, ou Halloween comme l'appelaient les profanes, avait toujours été une période particulière pour Aéla. C'était le moment de l'année où elle se sentait le plus à l'aise, le plus en paix avec elle-même et la chose en elle. C'était certainement dû au fait qu'il semblait y avoir plus de magie dans l'air, et un petit quelque chose mystérieux et effrayant aussi. Aéla s'en délectait, du moins d'ordinaire car en cette année, Samain lui laissait un goût amer. Les vacances approchaient à grands pas et la jeune fille se désolait un peu plus chaque jour de constater que la situation avec Tom ne s'arrangeait pas. Ils étaient enlisés dans un statu quo, chacun ignorant l'autre, ne lui adressant ni un mot ni un regard ; du moins pas quand l'un d'eux pouvait s'en rendre compte. Plus le temps passait et plus Aéla désespérait que leur relation ne s'arrange pas avant que chacun parte de son côté pour les vacances d'Halloween.
Toutefois, Aéla pouvait compter sur ses amis Sibbie et Björn. Les cousins suédois semblaient prendre le mal-être de la jeune fille avec plus de sérieux que nécessaire et se relayaient afin qu'elle ne reste jamais seule. Particulièrement Björn qui voyait là le moyen de se rapprocher un peu plus d'Aéla après l'épisode de l'escalier, se confondant encore en excuse et la traitant comme une Reine en satisfaisant ses désirs avant même que la jeune fille ne les prononce. Oui, si la relation entre Tom et Aéla battait de l'aile au point d'être proche de s'écraser au sol, celle qu'elle avait avec Björn se portait mieux que jamais, apportant pendant quelques instants dans sa journée un peu de baume à son coeur meurtri. Bien sûr, Aéla savait parfaitement pourquoi Björn agissait ainsi. Il était si amoureux d'elle qu'il aurait fait n'importe quoi pour s'assurer que ses sentiments soient réciproques mais, malgré toute l'affection qu'Aéla lui portait et bien que Björn soit un jeune homme avec plus de qualités qu'on ne pouvait en espérer chez un Serpentard, elle ne pouvait se résoudre à l'aimer en retour. Son coeur, depuis toujours, appartenait à quelqu'un d'autre même si cela signifiait en souffrir. Elle se sentait désolée pour lui et essayait de ne pas lui donner de faux espoirs mais plus le temps passait, plus Tom s'éloignait d'elle et plus Aéla se rapprochait de Björn pour combler un peu du manque que le jeune homme laissait derrière lui. C'était un cercle vicieux où Aéla et Björn étaient condamnés à se blesser mutuellement mais, pour l'heure, aucun d'eux ne voulait en sortir. Car il y avait quelque chose d'étrangement réconfortant dans cette souffrance, une sorte de présence fidèle et rassurante, comme ne pouvait l'être aucun homme, aucune femme, sur cette Terre.
— Tiens, mange ça ! fit Björn.
Comme tous les matins depuis quelques semaines, le garçon se faisait un devoir de lui préparer son petit-déjeuner. Aéla savait que c'était plus par espoir de toucher son coeur que par réelle préoccupation pour sa santé mais elle ne parvenait pas à le décourager. Et puis, elle devait reconnaître que Björn savait faire les meilleures tartines au miel qu'elle avait jamais mangées.
Aéla lui offrit un sourire reconnaissant et entama sa première tartine avec appétit sous le regard ravi de Björn. Le rouge aux joues, le garçon l'observait avec cette chose dans les yeux qu'Aéla ne voulait pas nommer, ne voulait pas connaître. Alors elle se contenta de manger et manger encore, accordant plus d'attention que nécessaire à ses tartines de miel et à la lecture de la Gazette que faisait Sibbie, assise à côté d'elle.
A l'autre bout de la table se trouvait un garçon qui ne décolérait pas. Tom Jedusor ne savait pas ce qui le mettait le plus hors de lui. Était-ce sa querelle idiote avec Aéla ? Ce Dunharrow un peu trop entreprenant avec la jeune fille ? Ou bien les sourires que celle-ci offrit à ce crétin pour le remercier de la moindre attention ? Non, vraiment, il n'arrivait pas à choisir mais peut-être était-ce l'ensemble de tout cela.
Tom s'était rendu compte qu'il avait été trop loin à la minute même où il avait dit à Aéla qu'elle pouvait changer de maison. Bien sûr qu'elle ne le pouvait pas ! Il ne le permettrait jamais ! Tom se posait beaucoup de questions sur beaucoup de choses mais il y en avait une sur laquelle il n'avait pas le moindre doute : la place d'Aéla était à ses côtés. C'était plus qu'un fait ou qu'un désir de sa part, c'était simplement que la jeune fille avait toujours été prédestinée à être avec lui. Il l'avait su le jour même où ils s'étaient rencontrés. Ils pouvaient se quereller, se dire des choses blessantes, s'éloigner mais au final, arrivait toujours un moment où l'un revenait vers l'autre. Seulement, plus les jours passaient et plus Tom enrageait de voir ses retrouvailles prendre leur temps. L'absence d'Aéla avait laissé un vide au fond de lui, dans un endroit qu'il redoutait d'explorer, et il voulait qu'il soit à nouveau comblé. Comblé par sa présence, par son odeur, par son sourire, par ses regards. Par elle, tout simplement.
— Tom, que veux-tu pour ton petit-déjeuner ? Demanda Elayne avec un peu trop d'enthousiasme au goût de Tom.
— Rien qui puisse venir de toi, répondit-il dans un grimace de dégoût.
Voilà encore une chose qui l'énervait prodigieusement. Comment pouvait-il se défaire aussi facilement d'Aéla alors qu'elle était la seule personne en ce monde qui lui importait, mais pas d'Elayne Wisby de qui il n'en n'avait rien à faire ?
Loin d'être découragée par la mauvaise humeur du jeune homme, Elayne posa son coude sur la table et attendit patiemment que Tom lui offre une réponse plus cordiale. Sachant qu'il ne lui servirait à rien de lui crier dessus, Tom réfléchit à une solution plus rusée, plus sournoise et plus mesquine.
— Je veux que tu disparaisses !
— Quoi ? demanda Elayne dans un rire désabusé.
— Ce que je veux pour mon petit-déjeuner, c'est que tu disparaisses !
— Peut-être que si tu arrêtais de regarder à l'autre bout de la table, tu serais de meilleure humeur.
— Ce que je fais de mes yeux ne te regarde pas. En revanche, si tu tiens à garder les tiens, je te conseille de dégager d'ici et vite !
Elayne soupira, ne prenant pas la réelle mesure des avertissements de Tom, et consentit à se lever de table. Non pas pour aller à un endroit où Tom ne pourrait plus la voir, mais pour s'installer à côté de Walpurgia Black, deux places plus loin. Ce n'était pas assez au goût de Tom mais c'était mieux que rien. C'était mieux que de voir Elayne Wisby occuper une place qui ne lui revenait pas, une place qui appartenait déjà à quelqu'un d'autre.
En voulant reporter son attention sur Aéla, le regard du jeune homme croisa celui de Darrick Selwyn qui le toisait comme s'il savait parfaitement à quoi il pensait. Et peut-être était-ce vrai. De tous ceux qui gravitaient autour de lui, Darrick était le moins imbécile de tous et celui pour lequel il éprouvait une once de respect. Peut être aussi était-ce dû au fait que Darrick n'éprouvait aucune animosité envers Aéla et traitait toujours la jeune femme avec respect et bienveillance.
Tom haussa un sourcil, demandant silencieusement à celui qu'il pourrait presque considérer comme un « ami » s'il avait un commentaire à faire.
— On devrait aller en cours. Les Potions vont bientôt commencer.
Ce qui était vrai mais Tom voulait voir Aéla une dernière fois.
Il tourna son regard vers la jeune femme et, pendant un instant fugace, il tomba dans les deux yeux bleus qui lui manquaient tant. Pourtant, cela il ne l'avouera jamais. Tom détourna son regard et se leva de table en prenant son sac, se dépêchant de rejoindre les escaliers, Darrick sur ses talons, afin d'échapper à Elayne et, plus encore, aux yeux d'Aéla qu'il avait sentit lui transpercer le dos.
Dans la salle de Potion, Tom s'installa au fond, contrairement à son habitude qui lui avait octroyé une place attitrée au premier rang. Ce n'était pas qu'il voulait se cacher mais plutôt de pouvoir observer qui il voulait sans se faire surprendre, ni avoir à justifier ses oeillades permanentes. Darrick s'installa à côté de lui, occupant de fait une place qu'Elayne Wisby aurait réclamé dès son arrivée si elle était restée libre. Tom aurait pu le remercier pour cette attention mais jamais il ne s'abaisserait à une telle chose. Remercier quelqu'un lui laisser entrevoir une faille, une faiblesse, une bonté qu'il pouvait exploiter par la suite pour faire du mal, pour blesser, pour anéantir. Tom n'avait pas assez confiance en Darrick pour commettre une telle erreur. A vrai dire, il n'avait confiance qu'en une seule personne et même avec elle, il supportait à peine de se montrer humain. Pourtant quand les regards des deux jeunes hommes se croisèrent, il fut évident qu'aucun d'eux ne fut dupe. Darrick hocha la tête et continua à sortir ses affaires de son sac, quant à Tom, il prêta de nouveau attention à son livre de Potion, essayant de deviner quelle mixture Slughorn allait leur faire préparer.
Une dizaine de minutes plus tard, la salle fut envahie par les Serpentard. Mr.Slughorn, nullement gêné par le bruit ambiant, s'avança devant la classe et monta sur l'estrade grinçante sur laquelle se trouvait son bureau surchargé de chaudrons, parchemins, fioles et manuels en tout genre.
— Bien le bonjour, mes chers élèves ! annonça t-il dans son éternel sourire bienheureux. Je suis si content de vous retrouver. Aujourd'hui nous allons nous atteler à la très difficile potion Furonculus. Qui peut me dire de quoi il s'agit ?
Sans surprise, seuls deux élèves levèrent la main. Aéla, assise dans le milieu de la salle avec Sibbie et Björn, et Tom. Slughorn sembla hésiter un instant mais, encouragé par la difficulté que représentait le fait de communiquer avec la jeune fille, il donna la parole à Tom. Le jeune homme fut quelque peu irrité face à cette réaction puérile. Était-ce si compliqué de donner le temps à Aéla d'écrire sa réponse sur un bout de papier ? Toutefois il ne fit aucune remarque, trop heureux d'attirer l'attention sur lui et de montrer à ses camarades qu'une fois encore il était le plus brillant d'eux tous.
— Mr.Jedusor, pouvez-vous nous éclairer ?
— La potion Furonculus est une potion d'altération physique. Elle fait apparaître des pustules sur le corps de la personne qui en est victime.
— C'est exact ! Dix points pour Mr.Jedusor, fit Slughorn en applaudissant. Je me permets de rajouter que, lorsqu'elle est particulièrement bien réussie, la potion Furonculus laisse des cicatrices sur la peau des victimes. Aussi, pour la sécurité de chacun, il vous sera formellement interdit d'en emporter un échantillon avec vous.
Des soupirs de mécontentement traversèrent la salle. Visiblement, le fait de pouvoir donner des pustules à toute l'école avait ravi les Serpentard et ceux-ci voyaient leur désir de plaisanterie partir en fumée.
— Bien ! Ouvrez vos manuels à la page soixante-deux. Vous avez deux heures pour préparer votre potion et pas une minute de plus ! N'est-ce pas Miss.Blackwood ? demanda Slughorn avec sous-entendu. Alors mettez-vous au travail. Je passerai dans quelques minutes pour voir comment vous vous en sortez.
Tom ouvrit son manuel et détailla la recette. Celle-ci n'avait rien de complexe. Du moins, pas pour lui. Elle nécessitait seulement un peu de dextérité et de rigueur, rien qui était hors de sa portée.
— Tu veux que je t'aide, Tom ?
Voilà une présence déplaisante dont il se serait bien passé ! Elayne Wisby. Finalement, Elayne était parvenue à se faufiler jusqu'à leur table, se créant une place là où il n'y en avait pas et s'assurant d'être plus prêt de Tom que la nécessité l'exigeait. Par Merlin, c'était elle qu'il allait faire bouillir dans le chaudron ! Aussitôt que cette pensée lui traversa l'esprit, Tom sentit un frisson lui remonter l'échine et son regard se porta sur Aéla qui s'attelait à sa préparation à côté de Björn. Non, il ne pouvait pas faire ça, pas devant Aéla. Cela remuerait de terribles souvenirs chez la jeune femme.
Toutefois, Tom était bien décidé à traiter Elayne comme elle le méritait, c'est-à-dire comme la sorcière de bas étage qu'elle était. Il attrapa tous les ingrédients nécessaires pour la potion et les fit glisser devant Elayne, ne lui accordant aucun regard.
— Découpe ça ! ordonna t-il.
Elayne observa les yeux de crapauds, les queues de rats, les ailes de mouches, les racines de Tintagel et la bave de Pitiponk. De toute évidence, lorsqu'elle avait proposé son aide à l'élève le plus brillant de leur maison, elle ne s'était pas imaginée être réduite à la tâche aussi ingrate qu'était la préparation des ingrédients. Elle attrapa avec dégoût, dissimulant avec peine un haut-le-coeur, une queue de rat et commença à la découper en petits morceaux du bout des doigts.
Tom jubilait. S'il n'y avait pas autant d'élèves autour de lui, il en aurait ri à gorge déployée. Il tenait enfin une revanche sur cette exécrable Elayne Wisby ! Cependant, il devait reconnaître que cela avait un bon côté puisque, à présent débarrassé de la tâche fastidieuse de la préparation des ingrédients, Tom était libre de faire ce qu'il voulait. Et ce qu'il voulait par-dessus tout en cet instant, c'était Aéla. En portant son regard sur la jeune fille, il eut l'agréable surprise de la voir installée face à lui, deux tables plus loin. Bien qu'elle était concentrée sur sa potion et les babillages de ses deux camarades à côté d'elle, Tom surprenait son regard se porter sur lui de temps à autre. Il aurait aimé être encore plus prêt d'elle pour savoir à quoi elle pensait mais, même de loin, il se doutait que c'était lui qui occupait la moindre de ses pensées. Ça avait toujours été lui. Cette certitude le faisait se sentir puissant, invincible et redoutable. Ça éveillé quelque chose de brutal en lui, quelque chose de tendre aussi même s'il se plaisait à l'ignorer. Il aimait que le regard d'Aéla se porte sur lui, plus que celui de n'importe qui d'autre. Avec elle, il avait l'impression d'être véritablement unique, d'être véritablement lui-même. Avec elle, il ne voulait pas se cacher derrière un masque. En vérité, il ne pouvait pas le faire. Aéla le rendait vulnérable et sensible, à la fois faible et incroyablement fort, sincère et spontané. Parfois cela l'énervait. Parfois cela l'effrayait. Mais la plupart de temps, Tom était simplement trop sous le choc de cette double personnalité pour s'y intéresser. Après tout, du moins que ce n'était qu'avec Aéla, où était le problème ?
A la fin du cours, Tom fut plutôt satisfait de sa potion. Cela aurait pu être mieux, Darrick ayant suivi ses instructions à la lettre comme s'il s'agissait de paroles d'Evangile, mais Elayne avait pris tellement de temps à découper tous les ingrédients que Tom avait dû écourter le temps de cuisson. Toutefois, en jetant quelques regards dans les chaudrons alentour, il fut rassuré de constater qu'il était celui qui s'en était le mieux sorti.
Du moins le crut-il jusqu'à ce que le professeur Slughorn s'arrête à la table d'Aéla.
— Par la barbe de Merlin ! s'exclama Slughorn, les yeux comme des billes. Cette potion est parfaite ! Vous avez fait un excellent travail, les enfants.
Aéla, Sibbie et Björn affichèrent des sourires joyeux, trop heureux de leur réussite pour prêter attention aux commérages de leurs camarades mauvais perdants.
Tom aussi aurait voulu s'offusquer de cette réussite qui n'était pas la sienne. Il aurait dû être le seul à avoir les félicitations de Slughorn. Mais voir le sourire sur le visage d'Aéla lui fit ravaler son orgueil blessé et, parce qu'il devait bien faire passer sa frustration d'une manière ou d'une autre, accorda un regard noir à Elayne, lui faisant comprendre que leur échec était de sa faute. Elayne Wisby se tassa sur sa chaise, accusant le coup.
Slughorn finit son tour de table, ne trouvant aucune autre potion sur laquelle s'extasier. Bien au contraire ! Il ne put que constater encore une fois à quel point le niveau de ses élèves était bas dès que cela concernait les potions.
— Avant de quitter la salle, laissez vos chaudrons sur vos tables ! Je ne veux pas prendre le risque qu'une goutte tombe sur vous.
— Oui, professeur ! répondirent les élèves, trop heureux d'échapper à la corvée de récurage de chaudron.
— A la semaine prochaine ! Et n'oubliez pas de revoir les chapitres six et sept pour le devoir de fin de semestre.
Les Serpentard soupirèrent, déjà assommés par des révisions qu'ils n'avaient même pas commencées.
En s'attardant dans la salle pour ranger ses affaires, Tom vit Aéla se chamailler avec Björn. Le jeune homme semblait vouloir la convaincre de prendre quelque chose, ce qu'Aéla refusait à grands gestes. Cependant, la jeune fille abandonna le combat et prit ce que Björn lui tendait, cachant rapidement le mystérieux objet dans sa poche. Tom tiqua. Il voulait savoir ce que l'autre crétin lui avait donné. Il voulait savoir pourquoi Aéla l'avait refusé avant de céder. Il voulait savoir pourquoi elle avait besoin de le cacher. Il n'en eut pas l'occasion. Les trois amis quittèrent la salle de potion pour rejoindre la salle commune de Serpentard pour profiter de la fin de matinée qu'ils avaient de libre. Tom avait encore mille choses à faire. Des recherches notamment mais il se dit qu'une petite pause dans la lecture des livres consacrés à la légilimencie ne lui ferait pas de mal. Il avait l'étrange conviction qu'il devait suivre Aéla.
— Tu viens ? demanda Darrick.
D'ordinaire, il demandait cela par simple politesse car il recevait toujours la même réponse négative. Il fut cependant surpris de voir Tom le suivre dans le couloir, jusqu'à leur salle commune où des elfes leur avaient apporté des collations. Les Serpentard eurent le plaisir de découvrir une profusion de bonbons, gâteaux, crème dessert, jus de citrouille et autres fruits, chocolat chaud et tartines de différentes confitures et miel. Tom ne s'imaginait pas avoir si faim seulement deux heures après le petit-déjeuner et peu de temps avant le déjeuner. Pourtant, à l'instar de ses camarades, il s'empara de quelques gâteaux et d'un verre de chocolat chaud. Il s'installa sur un fauteuil, à l'écart des autres, près des grands vitraux qui donnaient sur les profondeurs du Lac Noir. Du coin de l'oeil, il vit Aéla, Sibbie et Björn s'installer sur un canapé non loin, alors que Darrick et Abraxas Malefoy le rejoignirent sur d'autres fauteuils.
Aucun Serpentard ne put profiter de ces petites douceurs. Un cri strident traversa leur salle commune et un jet de jus de citrouille frappa le visage de quelques élèves assis face à Elayne Wisby. Celle-ci venait de cracher son verre dans un cri beaucoup trop aigu pour être agréable. Ses yeux s'exorbitèrent tandis que sa peau frémissait comme-ci des parasites grouillaient en dessous. Tom posa son verre et son assiette sur un guéridon et observa le spectacle avec fascination alors que ses camarades hurlaient de dégoût et de terreur mêlée. Des pustules grosses comme des châtaignes apparurent sur le visage et les bras d'Elayne. Il était évident qu'elle en avait désormais sur tout le corps à la manière dont elle se contorsionnait pour se gratter. Les Serpentard explosèrent de rire, n'ayant aucune pitié pour la pauvre Elayne Wisby qui se retrouvait défigurée. Du moins, une seule élève semblait ne pas partager l'hilarité générale.
S'accordant quelques secondes de rire avec ses camarades, Tom reprit vite contenance et son air froid. Il était, certes, heureux qu'Elayne subisse un sort aussi terrible, mais il ne voulait pas que qui que ce soit puisse se rendre compte que cela lui faisait plaisir. Il se réinstalla confortablement sur son fauteuil, prêt à reprendre sa collation là où il l'avait laissé lorsque son regard tomba sur Aéla. Et alors il comprit.
Prostrée sur le canapé, coincée entre Björn et Sibbie hilares, Aéla n'osait plus quitter le tapis des yeux. Tout ça était de sa faute ! Elle s'était bêtement laissée convaincre par Björn de prélever quelques gouttes de Furonculus pour donner une bonne leçon à Elayne Wisby. Et quelle leçon d'ailleurs ! Aéla ne s'attendait pas à ce que la réaction soit aussi rapide et impressionnante. Elle ne s'était pas attendu non plus à avoir aussi brillamment réussi sa potion comme le professeur Slughorn l'avait dit. Tout ce qu'elle avait voulu faire, c'était donner quelques boutons à Elayne pour qu'elle soit enfermée à l'infirmerie pendant plusieurs jours, et ainsi octroyer un peu de répit à Tom. Voilà la raison de son acte puéril : encore et toujours Tom Jedusor ! Un jeune homme à qui elle ne parlait plus et qui était la quintessence même de ce qu'elle détestait chez les autres... mais pas chez lui. Parce que dans son coeur Tom était à part et valait toutes les blessures, toutes les souffrances, tous les sacrifices, toutes les bêtises. Y compris celle de verser un peu de la potion Furonculus dans le jus de citrouille d'Elayne Wisby.
Celle-ci quitta la salle commune en courant et en hurlant, escortée par les Serpentard qui voulait absolument assister à sa transformation.
— Nom d'un dragon, je dois voir ça ! s'exclama Sibbie en se levant d'un bon et se jetant à la suite de ses camarades.
— Bien joué ! fit Björn.
— Ne dis pas ça. J'en suis pas fière ! Je n'aurais pas dû faire ça.
— Pff, quelques boutons ne lui feront pas de mal. Elle en avait déjà sur la figure de toute façon.
Aéla cherchait encore quoi lui répondre lorsqu'une ombre les surplomba tous les deux et le coeur de la jeune fille s'arrêta une seconde avant de s'emballer. Tom.
— Qu'est-ce que tu fiches ici ? demanda Björn avec hargne.
— Va voir ailleurs, Dunharrow !
— Certainement pas ! Je ne vais pas te laisser seule avec Aéla. Tu la délaisses et lui reparles comme bon te semble, sans prendre en compte ses sentiments.
— Ne parles pas de choses dont tu ne sais rien, siffla dangereusement Tom.
Les deux jeunes hommes s'affrontèrent du regard et il ne fit aucun doute qu'ils étaient prêt à en venir aux mains.
Aéla se leva et s'interposa entre eux.
— Ça suffit !
La tension était toujours palpable, toutefois Tom délaissa complètement Björn pour reporter son attention sur Aéla.
— Peux-tu dire à ce crétin de nous laisser seuls ?
Il était inhabituel que Tom demande quelque chose, encore moins à Aéla. D'ordinaire il prenait et faisait ce qu'il voulait s'en s'embarrasser de convenances, de politesse ou de courtoisie. Aéla hésita et observa Björn qui était toujours prêt à se jeter à Tom à la première occasion. Leurs regards se croisèrent et Aéla compris à l'expression blessée de son ami qu'il céderait face à Tom, une fois de plus. Björn se leva et se dirigea vers le passage de la salle commune, non s'en prendre la peine de bousculer Tom sur son passage, ce qui n'eut aucun effet. Le jeune homme était aussi solide qu'un roc et avait les deux pieds plantés dans le sol.
Une fois seuls, leur attention entièrement vouée à l'autre, Tom explosa d'un rire tonitruant et sincère. C'était la première fois de sa vie qu'il riait d'aussi bon coeur, sans s'inquiéter d'avoir une spectatrice ni de ce qu'elle pourrait penser de lui, car il s'agissait d'Aéla. Il rit si fort qu'il en eut les larmes aux yeux et dut se plier en deux pour se calmer et reprendre son souffle.
Sous le choc de cette réaction inattendue, inespérée, presque inquiétante, Aéla ne savait pas quoi faire ni dire.
— Je te croyais capable de bien des choses mais pas de voler de la potion Furonculus pour en donner à Elayne ! parvint à dire Tom entre deux rires. Non pas que cela me dérange. Tu es tellement surprenante.
Le coeur d'Aéla fit un bond si fort que cela lui fit presque mal à la poitrine. Elle aussi avait les larmes aux yeux désormais mais ce n'était pas de rire, c'était de voir Tom aussi heureux, d'entendre des mots sincères sortir de sa bouche.
Une fois son calme complet retrouvé, Tom plongea son regard dans celui d'Aéla. Un courant passa entre eux, quelque chose qui réchauffa l'air et électrisa leur peau, quelque chose qui fit s'emballer leur coeur et rougit leurs joues. Tom leva sa main et attrapa une mèche des cheveux d'Aéla qui s'était échappée de sa tresse. Il en éprouva la douceur l'espace d'une seconde, la tournant entre ses doigts pour en admirer les reflets et la brillance, puis il la replaça derrière son oreille. Il s'attarda sur le contour de son oreille, cet endroit si sensible qui fit frissonner la jeune fille. Ce contact, sa peau qui se couvrit de frissons, ce moment hors du temps, réveilla une bête en lui qu'il ne pensait pas héberger, qu'il n'avait jamais connu auparavant.
— Aéla ! Tu ne devineras jamais ! s'exclama Sibbie en fracassant le portrait du passage contre le mur.
Et ainsi, cet instant de tendresse prit fin.
Tom s'écarta brusquement et foudroya Sibbie du regard, coupant cette dernière dans son élan. Sibbie observa ses deux camarades avec un regard un peu trop perçant au goût de Tom.
— Oh, fit-elle. J'interromps quelque chose.
— Puisque tu le sais, pourquoi t'es encore là ? cracha Tom.
— Parce que c'est aussi ma salle commune ! répondit Sibbie comme si la réponse était évidente. La prochaine fois, tu n'as qu'à trouver un endroit plus discret !
Aéla doutait qu'il y ait une prochaine fois. Tom n'était pas quelqu'un de tendre. En fait, il n'aimait pas les contacts physiques. Cette fois-là était une anomalie, une parenthèse, un événement inattendu qui ne se reproduirait jamais quand bien même elle l'espérait de tout son coeur.
Tom parti se rasseoir sur le fauteuil tandis que Sibbie prenait place sur le canapé, entraînant Aéla avec elle. Elle entreprit de lui raconter la fuite d'Elayne Wisby vers l'infirmerie dans les moindres détails. Cependant, trop prise dans son récit, Sibbie ne s'aperçut pas que son amie ne l'écoutait absolument pas, bien trop occupée à échanger un regard plein de promesses avec Tom Jedusor.
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Tale of Jedusor : les jeux du sort
Fanfiction« - Vous êtes faible ! Vous ne connaîtrez jamais l'amour. Je vous plains sincèrement ! Voldemort abaissa quelques instants sa baguette, un sourire grimaçant sur les lèvres. Qu'est-ce que ce sang-mêlé de Potter venait de lui dire ? Il eut terriblemen...