Le néant sous-marin

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Au cœur des courants aquatiques nocturnes, le scotch adhésif est accroché précautionneusement à la paroi métallique immergée.
Dans les ténèbres des eaux du Port de Marseille, les deux plongeurs remontent la coque du navire solidement amarré au quai. Équipés de leur combinaison, bouteilles d'oxygène et lampes frontales en guise d'éclairage, ils fixent à intervalle régulier des bâtons d'explosifs sous l'imposant bateau.
Chaque bombe est méticuleusement collée tout les cinq mètres et armée d'un détonateur indiquant l'heure de 00h45.

Une fois les hélices atteintes, les deux individus continuent leur plongée nocturne pour regagner un petit zodiaque ancré non loin, là où les puissants spots lumineux du port ne peuvent les éclairer.
Une fois dessus, ils s'aident mutuellement pour retirer leur attirail de plongée ainsi que leur combinaison puis se sèchent.
L'un des hommes regarde sa montre.

Il est 43, dit-il froidement à son partenaire. 

Son camarade acquiesce puis remontre l'ancre du petit pneumatique pour s'éloigner et se positionner aux abords de la digue séparant du large. Il stoppe le bateau à nouveau puis se mettent à attendre dans un silence religieux.
L'homme regarde à nouveau sa montre au moment où l'heure affiche 00h45.

On y est... marmonne-t-il doucement.

Instantanément, un bruit sourd transperce le son monotone des vagues contre le bateau.
L'eau autour des deux mastodontes métalliques se soulève lorsqu'une puissante explosion retentit. La puissance de la déflagration produit une onde de choc rasant l'eau du port et projetant violemment en arrière les deux individus présents sur le zodiaque, manquant de les renvoyer à l'eau.

L'explosion atteint les réservoirs d'essence des deux navires provoquant un immense flash lumineux dans le port. Le champignon de feu jaillit sur une centaine de mètre.
L'une des cheminées d'un navire est propulsée en l'air et vient heurter la grue du port servant à hisser les conteneurs qui vient s'écraser au sol dans un immense fracas métallique.
Des centaines de débris de métal sont projetés en l'air dont certains frappent le sol tels des petites météorites ardentes alors que d'autres finissent leur course aérienne dans la mer en disparaissant dans un léger panache de vapeur.
Au loin, des sirènes de voitures retentissent. La vision apocalyptique qui s'offre aux deux hommes les émerveille et un profond désir de satisfaction du devoir accomplit survient en eux. Ils s'empoignent de façon très viril.

On va l'avoir notre prime du mois, dit l'un d'eux en souriant.

D'autres explosions retentissent, cette fois plus faibles, mais finissent par achever les deux navires amarrés. Lentement, ils sombrent dans les eaux noires du port de Marseille.
Le nom de « ALLOS » inscrit en lettres blanches sur chacun des navires finit par disparaître dans le néant sous-marin.

À LA TÊTE DU CARTEL Où les histoires vivent. Découvrez maintenant