—Bonjour madame Conti, asseyez vous je vous en prie, dit poliment le lieutenant Bérard en indiquant la chaise face à son bureau.
Intimidée, Louisa s'assoit devant l'homme aux cheveux grisonnants. Ses profondes rides entre les yeux et son tain pâle montrent une certaine ancienneté dans la carrière d'enquêteur avec son lot d'action, de danger et surtout de fatigue. Un autre homme, beaucoup plus jeune et en uniforme est assit à autre bureau situé dans le coin opposé de la pièce.
Le lieutenant Bérard attrape un dossier épais sur lequel est inscrit « Attaque du Louvre ». Il prend ses lunettes, essuie les verres méticuleusement, les enfilent sur son nez aquilin et daigne enfin regarder Louisa dans les yeux.
Cette dernière, anxieuse, sert discrètement la hanse de son sac à dos.—Vous voulez quelque chose à boire avant de commencer ? demande le lieutenant.
—Non merci, ça ira, répond-elle poliment.L'homme appuie sur ses lunettes pour les repositionner correctement.
—Donc madame Conti je suis en charge de l'enquête concernant l'attaque terroriste rue du Louvre. Vous êtes serveuse dans le bar « Au Louvre Doré » depuis deux ans maintenant, c'est exact ?
—Oui c'est exact. Je me charge surtout de la terrasse extérieure.
—Là où vous vous trouviez lors de l'incident.
—Oui, lorsque la voiture a fauché ces pauvres gens.Comme un flash, Louisa revoit le regard de monsieur Del-Orti juste avant l'impact de la berline. Elle revoit son cou se fracasser contre la chaussée. Les hurlements. La panique. La peur.
—Pourtant lors de votre déposition, vous avez déclaré que vous vous trouviez sur le trottoir de la rue juste en face du carrefour, et non sur la terrasse. Est-ce exact ?
Louisa montre un moment d'hésitation.
—Euh... oui. Mais vous savez, j'ai été interrogé à peine une demi-heure après l'attaque. J'étais en état de choc.
—Oui c'est tout à fait normal. Mais pourquoi étiez-vous sur le trottoir et non à votre poste de travail ?Louisa ne peut dire la vérité. Évoquer la clé laissée par monsieur Del-Orti dans la coupelle amènerait forcément à d'autres questions encore plus gênantes.
—Je sais plus vraiment, répond Louisa timidement. Tout c'est passé extrêmement vite, j'étais peut-être sur la terrasse. Mais elle donne sur le trottoir donc finalement c'est la même chose.
Le lieutenant fronce les sourcils et frotte sa tempe gauche comme pour donner plus de force à sa réflexion.
—Je vois. Mais selon les caméras de surveillance positionnées aux quatre coins du carrefour, on vous voit courir après un individu. Mais fort heureusement, vous vous arrêtez juste au moment où la berline déboule au coin de l'avenue pour foncer sur ces pauvres gens. Vous avez une explication ?
Louisa est prise au piège, elle ne peut décidément pas éviter le sujet de Del-Orti. Elle doit la jouer fine.
—Ah oui effectivement, un client avait oublié une affaire sur sa table et je voulais lui rendre avant qu'il parte mais malheuresement ... la voiture est arrivée tellement rapidement, dit Louisa la voie tremblotante.
À sa grande surprise, le lieutenant Bérard reste stoïque face au visage faussement triste de la jeune femme.
Ses longues années à interroger une grande quantité d'individus lui ont appris la patience pour entretenir ce lien essentiel qu'est la confiance.—Prenez votre temps madame, dit-il d'un ton réconfortant. Vous êtes sûr que vous ne voulez pas un verre d'eau ?
—Non ça ira, répond Louisa en reniflant.
—Très bien. Ce client était monsieur Salvador Ricci c'est ça ? reprend instantanément le lieutenant.Louisa comprend que malgré tout ses efforts, elle n'arriverait pas à changer de sujet. Le lieutenant Bérard est coriace et semble avoir quelque chose en tête.
—Oui un client quotidien du bar. Il était très gentil.
—Vous le connaissiez bien ?
—Non pas vraiment, enfin nous parlions normalement quoi... La routine, l'actualité et d'autres choses.L'homme se frotte à nouveau la tempe.
—Il vous parlait de sa famille, de ses amis ou de son travail peut-être ?
Le cœur de Louisa fait un bond à l'évocation de « son travail ».
—Non pas vraiment, comme je vous le dis on discutait de tout et de rien comme je le fais avec tout mes clients. C'est pour entretenir la fidélité.
—Oui je comprend madame Conti. Et avez-vous déjà vu des amis ou des connaissances avec lui au bar ?Louisa ne sait pas ce que le lieutenant veut lui faire dire mais elle a la certitude qu'il est sur une piste. Son cœur accélère.
—Non, il était toujours seul. Je ne comprend pas on dirait que vous le suspectez alors que c'est une victime de l'attaque.
—Enfaite, lorsqu'on a récupéré les papiers d'identité de monsieur Ricci nous avons évidemment appliqué les procédures de vérifications standards. Il s'avère que monsieur Salvador Ricci né à Rome en 1951 est mort il y a quatorze ans. Il est enterré au cimetière de Palerme en Sicile. Votre client fidèle a menti sur son identité et j'aimerai bien découvrir pourquoi. Il y a peut-être un lien avec l'attaque qui ne serai donc pas terroriste.Louisa reste silencieuse. Voilà maintenant plusieurs jours que le lieutenant Bérard enquête sur monsieur Del-Orti et aujourd'hui, sans même le savoir, il a en face de lui l'héritière de son empire de la drogue.
—Vous êtes sûr que vous vous souvenez pas d'un détail qui pourrait nous servir ? redemande l'homme.
—Non désolé, j'aimerai mais je ne peux pas.L'homme marque un moment d'arrêt et se met à la fixer rendant Louisa légèrement mal à l'aise.
—Très bien madame Conti, je vous dérange pas plus longtemps.
—Merci, répond Louisa en se levant. Passez une bonne fin de journée.Le lieutenant se lève en guise de politesse puit se rassoit immédiatement après que la jeune femme aie quitté la pièce.
—Alors ? demande son collaborateur à l'autre bureau resté silencieux tout du long.
—Alors je sais pas. On a rien de nouveau et son témoignage n'a servi à rien. Mais il y a quelque chose chez cette fille, elle a passé son temps à m'épier, à contourner mes questions. Toutes ses réponses sont restées très vagues.Il referme le dossier « Attaque du Louvre » et se frotte une nouvelle fois la tempe persuadé que cette affaire est beaucoup plus complexe que ce qu'il envisageait.
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À LA TÊTE DU CARTEL
AksiLouisa, vingt ans, est propulsée au sommet du trafic de drogue le plus important d'Europe. Cet étrange héritage légué par monsieur Ricci, une connaissance, changera à jamais son destin. Plongée dans le monde dangereux des cartels de la drogue, Loui...