𝖻𝗋𝗎𝗆𝖾 𝖽'𝖾𝗌𝗉𝗈𝗂𝗋 ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐮𝐧

soixante-six

jade ;

L'impression d'avoir fait un bon dans le temps me frappe l'esprit quand j'entre dans le supermarché de ma ville natale, et je souris à l'agent de sécurité avant de parcourir les rayons avec une certaine liberté que je n'ai plus l'habitude de fréquenter.

Je suis seule, Danaë est chez mes parents et fait une sieste, alors j'en profite pour sortir, pour m'aérer.

Pourtant je manque d'air et me fige lorsque je vois en face de moi une silhouette très loin de m'être inconnue.

Suis-je à ce point maudite pour me retrouver à quelques mètres de mon ex mari, genre là ? Maintenant ?

Prise de panique, je lâche mes articles avant d'emprunter le chemin de la sortie, soulagée de l'avoir vu que de dos mais apeurée de la possible chance de le recroiser.

J'inspire profondément en sortant et me dirige à pas de course jusqu'à ma voiture pour rentrer à l'intérieur le plus rapidement possible.

Mais une main s'empare de mon poignet pour me retourner, et je déglutis lentement quand je reconnais ses traits.

- Je savais que c'était toi...

Il sourit et me regarde de haut en bas pendant que moi, je reste silencieuse.

- Ça va Jade...?

J'hoche la tête.

- Et toi ?

Il imite mon geste et sa main s'approche de mon visage mais comme si je venais d'être ramené à la réalité, j'interviens pour l'en empêcher.

- Détends toi... je voulais juste t'enlever un truc

Je fronce les sourcils.

- Comment ça se fait que t'es ici ?

- Je suis venue rendre visite à mes parents

Il hoche la tête.

- Tu sais... j'ai appris hein...

Je reste un moment dans l'incompréhension avant qu'il poursuive :

- Les nouvelles vont vite ici. J'ai su que tu attendais le deuxième, puis que tu l'as perdu. Et je sais aussi que ta fille, c'est une autiste

J'ouvre la bouche mais me retrouve incapable de répondre.

- T'es belle Jade...

Je fronce les sourcils.

- Regarde comment il t'a rendu...

Il penche sa tête sur le côté alors que moi je recule jusqu'à me retrouver contre ma voiture.

- Tu te rappelles à quel point c'était bien nous deux ? À quel point on était heureux ?

Je secoue la tête, pendant que lui, enchaîne à nouveau :

- J'peux te faire oublier tout c'qu'il t'arrive. J'peux te faire voir ce que moi je peux t'offrir. Comme quoi lui, même s'il a l'argent, il peut pas tout contrôler, ni même te rendre heureuse visiblement. J'suis même sûr que nos enfants auraient été en bonne santé

Il sourit.

- Et tu sais pourquoi ?

Maël s'approche, et murmure :

- Parce-que l'amour Jade, le vrai, celui qui est pur, ne fait ressortir que des choses saines

Mes yeux s'ecarquillent et se posent sur sa main gauche habillé d'une alliance.

- T'es marié Maël ?

Il rit nerveusement et retire sa bague avant de la placer dans la poche de sa veste.

- S'il y a bien une personne sur cette terre pour qui je pourrais bafouer toutes mes valeurs Jade, c'est bien toi

Il rit encore une fois avant de baisser la tête et de la relever pour continuer :

- Puis en plus toi, t'es pas à ça près nan ? On sera quitte comme ça. T'as kiffé vite fait avec lui, il t'a prouvé qu'il était pas à la hauteur. Si tu retournes vers celui qui te connais mieux que personne, j'vois rien de choquant...

Il sort un paquet de cigarettes et en saisie une pour l'allumer avant de me proposer de faire la même chose que lui.

- Je ne fume pas

Il hausse les sourcils.

- Nan, tu ne fumes plus, nuance, amore mio

Je ferme les yeux.

- Ne m'appelle pas comme ça

- Ah bon ? Pourquoi ?

J'ouvre les paupières et j'ai envie de vomir lorsque je remarque qu'il me reluque sans gêne.

- Parce que je suis mariée, amoureuse et comblée

- Comblée ?!

J'hoche la tête.

- Oui

- Mais putain t'es tombé aussi bas ? Il t'a ramené quoi dans ta vie ? Regarde toi... t'as l'air de porter le poids du monde

- Et c'est le cas. Mais il n'est pas responsable. Ken me rend heureuse depuis le début, mais genre à un point j'te jure que tu n'imagines même pas. Et ma fille autiste comme tu le dis si bien, c'est la petite fille que j'ai toujours rêvé d'avoir. Intéressante, jolie, attachante, polie et surtout pleines de valeurs. Et ça, je peux te l'assurer que c'est pas uniquement grâce à moi. Elle a un père sur qui elle peut compter, qui remuerait ciel et terre pour qu'elle soit heureuse, sur qui elle peut compter et avec qui elle a un lien indescriptible

Je m'avance et m'arrête une fois proche de son visage.

- Être face à toi me rappelle que j'ai pris la meilleure décision de ma vie. Je pourrais devenir pauvre, stérile, malade, tout ce que tu veux, j'aimerais toujours Ken, plus que jamais, au delà de toutes les fois où j'ai crû aimer. Parce que l'amour Maël, le vrai, le pur, il nous permet de tout surmonter

Il ancre ses yeux dans les miens, il me regarde avec rage.

- Dieu merci je n'ai pas un mari qui enlève son alliance à la moindre occasion. Construis ta vie et essaie de devenir quelqu'un de bon. Y'a du taff Maël... bonne continuation

Je le pousse et ouvre la portière pour démarrer en trombe, je ne relève même pas quand je l'entends jurer en donnant un coup de pied sur le bas de caisse de ma voiture.

Sur le trajet mes mains tremblent, et quand j'arrive chez mes parents, je rentre precipitement et souris à pleine dents quand je retrouve Danaë assise devant la fenêtre de la cuisine.

J'avance rapidement vers elle et elle se retourne quand elle m'entends arriver, ma petite brune n'a pas le temps de faire quoi que ce soit que je l'emprisonne dans mes bras pour la bercer contre moi.

- Mon amour, mon amour, mon amour...

J'inspire profondément son odeur et je sens ses bras se serrer autour de mon cou, mon cœur se comprime alors et je crois rêver quand elle s'éloigne pour me sourire et sécher mes larmes.

- C'est papa qui te manque ?

Je souris tristement avant d'hocher la tête en continuant de pleurer en même temps.

- Oh ma chérie si tu savais...

Elle fait une moue peinée.

- Faut pas pleurer maman... c'est bientôt finis les vacances

Je la serre une nouvelle fois dans mes bras en lui murmurant que je l'aime de tout mon cœur.
Qu'elle est ma raison de vivre, en lui rappelant qu'elle est la personne pour qui je pourrais subir encore et encore, juste pour l'épargner.

Jusqu'à ma mort.