𝖻𝗋𝗎𝗆𝖾 𝖽'𝖾𝗌𝗉𝗈𝗂𝗋 ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐮𝐧

trente-huit

jade ;

- Arrête s'il te plaît, ça me stress

- Il est en retard non ?

- C'est long les échographies obstétriques Ken, c'est normal que ça déborde toujours un peu, t'es au courant maintenant, pas vrai ?

Il ne me réponds pas et continue comme depuis le début à regarder le sol avec un air absent, il est stressé et sûrement pas bien, mais j'arrive pas à m'attarder sur son état, vu que j'arrive même pas à gérer le mien.

À peine cinq mois et demi de grossesse et c'est au moins la sixième fois qu'on vient ici.

J'ai eu des contractions les jours qui ont suivi mon troisième mois, nous poussant à se rendre à l'hôpital, et résultat, mon col est déjà ouvert et depuis, je dois me ménager et faire le strict minimum.
S'en ai suivi de long moment à m'en vouloir, sachant que j'avais un rythme assez soutenu, je me sens plus que coupable, alors j'obéis à la lettre aux recommandations des spécialistes qui me disent que pour avoir un bébé en bonne santé, il faut être très vigilant. Je suis donc suivi de très près, je multiplie les examens, et je ne peux pas penser à autre chose qu'à ça, je ne peux rien faire d'autre qu'attendre.

Ken est aux petits soins, il est toujours à mes côtés et présent à tous les rendez vous, et faute de pouvoir rendre visite à nos proches, ils viennent à nous, mes parents ont donc fait le déplacement, et j'crois que c'est à partir de là qu'ils ont commencé à se décoincer avec Ken, ayant sûrement compris que plus simple que lui, ça n'existe pas.

Naïs vient me voir au moins deux fois par semaine avec des tonnes de cochonneries et vêtements pour bébé, la famille de Ken aussi a fait le déplacement et ça, ça m'a plus que touché.
Je sais qu'avec leur travail, ils ne peuvent faire des déplacements à leur guise, mais lorsque mon brun leur a annoncé la nouvelle en panique, ils ont pris le premier train, voulant nous soutenir comme ils le pouvaient dans cette épreuve assez difficile.

Attendre un enfant, c'est avoir des tonnes de doutes, des attentes sur sois même, sur la personne qui va devenir parent avec nous, sur le monde en général. J'aime être enceinte, j'apprécie de sentir mon bébé bouger, avoir ce lien exceptionnel avec, mais je n'ai jamais envisager vivre cela comme ça.
J'en suis malade, j'aurais voulu marcher, me balader, voir mes proches, mais pour son bien et sa santé, je dois m'économiser.

Alors à défaut de pouvoir utiliser mon corps, j'utilise mon cerveau en continuant mes études comme je peux, et ça me permet de ne pas perdre le fil de ma motivation et surtout de ma patience.

- Jade, eh Jade, c'est à nous, viens

Ken saisit ma main pour m'inciter à me lever afin de le suivre jusque dans le bureau, dans lequel le praticien me demande :

- Comment vous sentez-vous ?

- Ça va un peu mieux, je suis moins fatiguée, même si j'arrive pas trop à dormir

Le docteur prend note de ce que je lui dis, il me pose les questions habituelles avant de m'inviter à m'allonger afin de procéder à l'échographie.

Ken est assis à côté de moi, et je ris lorsque je le vois regarder avec concentration l'écran alors que l'examen n'a même pas débuté.

- Ken, ça a pas commencé encore

- Je sais mais faut être vif, j'ai trop envie d'voir

Il s'adresse au docteur en ne lâchant pas l'écran des yeux :

- Dites, vous pourrez nous dire le sexe maintenant, non ?

- Si bébé coopère, normalement je pourrais, mais si il fait comme la dernière fois, ça va être compliqué

En lui répondant, il m'applique le gel, puis place la sonde sur mon ventre avant de rester silencieux quelques secondes, faisant les vérifications habituelles, et je sens Ken se tendre, alors je prends sa main, et la caresse à l'aide de mon pouce pour essayer de le rassurer, alors que moi même, je suis tétanisée.

- C'est bon, tout est bon

Je reprends ma respiration.

- C'est vrai ? Tout va bien...?

- Tout va bien, le bébé est en très bonne santé et au vu de vos résultats, vous aussi. Ce qui vous arrive, malheureusement énormément de femmes le vivent, c'est long et c'est éprouvant, mais je vous assure que si c'est bien géré, tout ira bien mademoiselle, ne vous en faite pas, essayez maintenant de vous libérer l'esprit, afin de vivre au mieux les dernières semaines qu'il vous reste

Ken est aux anges, il sert ma main tellement fort, on est tout les deux soulagés.

- Ah, et je peux même vous communiquer le sexe aussi, c'est ce que vous souhaitiez ?

Ken hoche vivement la tête.

- C'est une fille, félicitations

- Raaaah putain je le savais ! Bébé j'ai gagné

Je ris tout en adressant au docteur un regard blasé.

Ken avait parié que c'était une fille, et le deal, c'est que si ça a avait été un garçon, j'avais à ma charge l'attribution du prénom, mais là, comme il s'agit d'une fille, c'est lui qui doit s'en charger.
Et même si au début je trouvais ça chou, j'ai eu connaissance de quelques prénoms qu'il trouvait « joli » et ça ne m'a pas rassurée du tout.
Je connais son penchant pour les mangas, pour la culture japonaise, et j'ai pas envie de devoir appeler toute ma vie la chaire de ma chaire Bulma ou bien Chichi.

Lorsqu'on arrive à la maison, je me dirige en direction de ce qu'est mon lieu de vie depuis quelques semaines déjà : notre lit.
Je souris lorsque j'entends Ken appeler tous le monde pour leur annoncer que nous attendions officiellement une petite fille, si au début il a eu un coup de panique, aujourd'hui il est plus qu'impliqué dans ma grossesse.

Il doit sûrement être en conversation FaceTime avec les gars en train de leur montrer les clichés en noir et blanc de notre futur enfant, ce qui expliquerait les remarques des gars que j'arrive à entendre.

«  Putain elle a le front de son père j'suis dead, elle commence mal

« Gros, prie fort pour qu'elle ait pas ton nez »

« Vous êtes sérieux là les gars ? Félicitez le merde, il a de la chance qu'c'est pas un garçon, il aura pas de problème de pilosité déjà »

J'éclate de rire suite à la déclaration de Théo et Ken m'a entendu vu ce qu'il leur répond :

« Les gars, vous avez fait rire Jade, arrêtez, elle va accoucher »

Même si le temps est long et que mes journées sont assez monotones, j'ai un soleil quotidien avec lui, et pour rien au monde je n'aurais voulu vivre ça avec un autre.