𝖻𝗋𝗎𝗆𝖾 𝖽'𝖾𝗌𝗉𝗈𝗂𝗋 ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐮𝐧

soixante-huit

jade ;

- Ça a commencé quand ?

Je tourne ma tête vers Ken qui fait une moue dubitative avant de soupirer.

- La vérité c'est que j'sais même pas. C'est Mikaël qui m'en a parlé la première fois, après j'ai commencé à faire attention, mais moi quand je vais à l'école la seule chose qui m'importe c'est Danaë hein. Et j'suis pas le dernier des enfoirés pour draguer une meuf devant ma môme...

J'acquiesce avant de regarder à nouveau l'horizon, afin de continuer le chemin à ses côtés.
On s'est réveillés plus ou moins tard puis en fin de journée, Ken a demandé à ce qu'on ait une discussion, et pour la première fois, j'ai accepté.

Alors on est sorti et depuis plusieurs minutes maintenant, on marche dans les rues de la ville qui m'a vu grandir.

- Je sais pas ce que t'en penses, tu ne me dis rien du coup moi j'attends, je sais pas ce dont tu as besoin. Je sais pas si tu veux que je me tienne loin d'elle, ou si tu veux que rien ne change. Si ça ne tenait qu'à moi je te jure que j'y serais allé le lendemain et j'aurais tout brûlé. Mais le truc c'est que... moi j'ai les nerfs par rapport à toi, parce que le temps d'un moment t'as douté, sinon me concernant, avant que tu l'apprennes j'm'en foutais. Jade je lui ai jamais laissé espérer quoi que ce soit

Je l'entends se racler la gorge, afin d'éclaircir sa voix.

- J'suis pas le meilleur des hommes et j'suis sûrement le plus maladroit d'la terre mais je pense que je voulais juste te protéger. Danaë se sentait bien à l'école, j'avais pas envie de tout niquer pour un truc qui, je savais, n'allait jamais déraper

Je l'observe pendant qu'il continue de parler en regardant en face de lui.

- En plus, tu le sais très bien ça Jade. T'as jamais été jalouse, et tu le seras jamais mais... j'vois bien que l'épreuve qu'on est en train de vivre t'as mis un sacré coup. Mais ne te remets jamais en question face à n'importe quelle meuf, moi je t'ai choisi, toi, pas une autre...

Je souris malgré moi et baisse la tête avant de lui répondre enfin :

- C'est juste que... on venait à peine de perdre le petit et... j'me suis dit que... dans un moment de faiblesse... t'avais pu...

Il rit nerveusement.

- Nan, la seule personne que j'ai envie de toucher c'est toi, moi je baise pas hein, je te fais l'amour. Quel intérêt de soulever quelqu'un, même pour extérioriser quoi que ce soit, alors que je t'ai toi ?

Je tourne ma tête vers lui et il fait de même.

- Je sais pas...

- J'ai vécu la scène la plus traumatisante de ma vie, mais cette scène on l'a vécu ensemble, alors on surmontera l'après ensemble. C'est comme ça Jade, pour le meilleur et pour le pire non ?

Je souris pendant qu'il poursuit :

- C'est de ça dont parlait le maire hein... de ce genre d'épreuves qui peuvent tout faire voler en éclat...

- J'arrive pas à m'y faire Ken. Des fois j'ai l'impression de le sentir encore en moi...

Le bras de mon brun passe par dessus mes épaules pour me rapprocher un peu plus de lui, ses lèvres se posent sur ma tempe et je ferme les yeux en me laissant guider aveuglément par lui.

- C'est peut-être horrible ce que je vais dire, mais crois moi qu'à choisir, je préfère avoir connu ça, que d'avoir à subir la mort de mon enfant bien après sa naissance... tu sais, le docteur nous a dit que c'était dû à son cœur. Aussi bien il aurait eu une vie super compliquée... et même si j'ai aucun doutes sur le fait qu'on aurait été aussi attentionnés qu'avec Danaë, s'il s'en est allé et qu'il n'a pas pu faire partie de ce monde, je ne peux que me consoler en me disant qu'il y avait une raison à ça...

J'hoche la tête en ouvrant les yeux.

- Puis peut-être qu'un jour, on redeviendra parents

Je le regarde et fronce les sourcils.

- Ken non... je suis désolée mais non... moi je ne veux plus hein... c'est pas possible, je ne veux plus revivre ça

Il tourne sa tête vers moi et j'ajoute :

- Je ne me vois pas passer neuf mois dans une angoisse terrible...

- Ok... ok... je te forcerai jamais à rien de toutes façons bébé...d'accord ?

Je souris tendrement en joignant ma main à la sienne qui est toujours posée sur mon épaule, puis je divague dans mes pensées, et même si je l'ai déjà répèté trop de fois, c'est bon de vivre avec Ken.

Car il est attentionné, doux, apaisant.

Il me rend meilleure, me tire vers le haut chaque jour un peu plus.

Et même si je suis toujours meurtrie, je sais que la seule personne qui peut m'accompagner dans mon deuil, dans ma renaissance, c'est lui.

Car il me connaît mieux que quiconque, et il est celui que j'ai choisi pour finir ma vie, pour la construire, il est celui que j'ai choisis pour ma fille.

Pour mon fils.

Il est celui pour qui je ferais tous les sacrifice.