quatre

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ken ;

Accoudé à la rambarde du balcon de la propriétaire de l'appartement, je joue avec mon cure dent, car l'envie de céder à la tentation m'est venue plusieurs fois dans la soirée, j'ai donc décidé de m'éloigner de l'amas de fumée créé par mes amis qui contrairement à moi, n'ont pas arrêté de fumer.

Je soupire une bonne fois pour toute, puis essais de me concentrer sur autres choses en regardant les passants en bas de la rue.
On vient d'entrée dans le mois le plus détesté, celui qui annonce une nouvelle année d'étude, de travail, de galères.
Et même si je n'ai plus ce genre de contraintes, j'ai toujours une boule au ventre en début de ce mois.

J'avoue saturer un peu et avoir besoin de repos.

Néanmoins je masse mes tempes en remarquant que même en voulant penser à la pluie et au beau temps, j'arrive pas à oublier son rire et sa voix, pourtant je sais que je ne devrais pas.

J'ai pas écouté Hakim, ni mon gars Amine, et encore moins Douma.

Je suis en train de foncer dans un mur, et pour la première fois de ma vie, je crois que je peux ressentir comme une sorte de préventions, la douleur qui m'attend à la fin du tunnel.

J'ai le cœur serré à chaque message de sa part, c'est à dire quotidiennement.

En fait, Jade et moi, on ne s'est pas lâché depuis mon appel lorsqu'elle était en Grèce.

Elle m'envoie des photos, des messages vocaux, des vidéos, j'ai l'impression de vivre à son rythme, oubliant complètement le mien.
Elle m'a transmis l'envie de voyager, de tout plaquer et de vivre au jour le jour, alors que c'est tout le contraire de ce qu'est sa propre vie.

Elle ne voyage que très peu, vit continuellement dans l'organisation des jours à venir, elle est pleine d'habitudes. Le mardi elle mange avec sa meilleure amie, le mercredi c'est un film avec son mari et le week-end elle rend visite à sa famille ainsi qu'à celle de son conjoint. Et moi, je vois bien que j'ai pas ma place dans cette symphonie parfaitement paramétrée.
Tout est fait pour qu'aucun débordement n'interagisse. Elle est ordonnée, ponctuelle, a un taff qui la met en sécurité, un toit sur la tête, elle est la parfaite femme de maison. Mais pourtant, j'ai l'intime conviction qu'elle pourrit dans une prison dorée.

Elle a seulement vingt-quatre ans et pourtant, elle possède déjà le quotidien d'une quarantenaire, et une femme débordante de joie comme elle, devrait éclore au lieu de faner.

Je décide de laisser au diable mes songes, puis quitte le balcon pour reposer mon arrière train sur le vieux canapé de Laurie, qui nous a invité pour fêter la fin des vacances, concept chelou qu'elle a sûrement inventé juste pour se bourrer la gueule, à en voir ce qu'elle s'est enfilé depuis le début.

Elle est d'ailleurs à côté de moi et passe parfois sa main sur ma cuisse qui n'a pas arrêté de répéter machinalement un mouvement nerveux.

- Ken, ça va ?

- Ouais, j'suis juste fatigué

- Tu veux dormir ici ?

J'ai réussis à esquiver ses avances tout le long de la soirée, mais celle-ci est trop direct, et je suis trop poli pour ne pas lui répondre, après tout j'ai jamais mis les choses au clair avec elle, comme avec le reste de mes conquêtes d'un soir. Pensant toujours qu'elles ont le même but que moi, s'amuser, mais j'oublie trop souvent qu'il y en a deux trois qui pensent que mes coups de reins sont l'équivalent de fiançailles.

- Non Laurie, je dormirais plus ici, tu le sais

Pas vexée pour autant, elle me pousse en rigolant fort, l'alcool aidant. Elle a plutôt bien pris la nouvelle, et c'est aussi pour ça qu'on accepte de la côtoyer, car avant tout, elle est bon délire.

Puis j'arrive ensuite à profiter, au fil de la soirée, entouré de mes frères, ce qui est de plus en plus rare à cause des nombreux projets qu'on a enchaînés.

- Bon alors gros, ton année, tu la veux comment ?

- J'sais pas, j'ai envie de mettre un frein un peu, j'ai deux trois propositions de documentaire, j'vais me pencher dessus, voir si j'me sens de relever le défi

- Si tu sens que ça peut t'apporter quelque chose, vas-y

C'est à mon tour d'acquiescer avant que mon vibreur nous interpelle tous les deux, et mon ami me regarde longuement après avoir vu de qui il s'agit.

- Mec, t'es conscient de la place que t'as dans le schéma là ?

- Ouais, mais j'ressens le besoin d'aller jusqu'au bout, et au pire... une déception, un nouvel ouvrage

Théo rit jaune, car il connait aussi l'envers du décors des livres comme les miens qui se résume à des journées passées dans le noir, à être affaibli par des mini déprimes, des pertes de confiance en moi, ou alors l'abus de soirées, de femmes, de tout.

- Fais attention, parce-que même si elle fait deux têtes de moins que toi, elle peut te mettre k.o

J'adresse un sourire à mon ami, m'estimant heureux d'avoir mes vrais autour de moi, qui ont toujours été derrière moi, que je gagne ou que je perde.

La soirée se poursuit, je suis le groupe en boîte sans grand enthousiasme, je suis cloué au canapé du carré V.I.P depuis mon arrivée, mais je suis tout de même heureux de voir que mes gars dansent et profitent.

Je sors alors mon téléphone, que j'ai pas calculé plus que ça durant la soirée, et souris en voyant le message de Jade qui m'a souhaité une bonne nuit il y a plus d'une bonne heure déjà.
Je lui réponds brièvement, tout en me rappelant du constat plus que réaliste dont m'a fait part Théo plus tôt dans la soirée.

Après avoir cliqué sur « envoyer », je décide de rejoindre mes frères, voulant me lâcher à mon tour, afin que cette soirée puisse marquer le début de mon repos, ou plutôt de mon périple.

𝖻𝗋𝗎𝗆𝖾 𝖽'𝖾𝗌𝗉𝗈𝗂𝗋 ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐮𝐧 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant