𝖻𝗋𝗎𝗆𝖾 𝖽'𝖾𝗌𝗉𝗈𝗂𝗋 ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐮𝐧

quarante-huit

jade ;

Je sors de la voiture pour ouvrir la portière arrière et je m'assois à côté de Danaë. Ken détache sa ceinture et tourne sa tête vers nous avant que je débute :

- Dadou, aujourd'hui comme prévu, on va voir un monsieur. Je te promets qu'il est gentil, il va pouvoir t'aider à apprivoiser ce qu'il se passe ici

Je dépose mon index sur sa tempe.

- Il va écouter ton silence, et j'suis sûre qu'il va l'adorer, comme nous. Reste toi même, reste la grande fille que tu es, il est juste là pour t'aider et si tu en as marre, tu nous le fait comprendre d'accord ? Que ce soit à moi, ou à papa ?

La main de ma petite brune se pose sur la mienne et je souris.

- Je t'ai ramené de quoi dessiner, j'espère que tu va t'appliquer et que je vais pouvoir accrocher ton œuvre sur le frigo en rentrant, hein ?

Elle tourne sa tête vers la fenêtre et je tente de regarder Ken qui tend sa main pour la poser sur les genoux de Danaë.

- On peut y aller mon bébé ?

La brune ne répond pas tandis que moi, j'hoche la tête avant de détacher sa ceinture.

Une fois devant la porte du cabinet, la main de Danaë se crispe dans la mienne, alors en faisant mine de rien, je caresse sa peau avec mon pouce.

Je souris poliment quand je vois le pédopsychiatre s'approcher de nous pour nous accueillir. Il nous sourit à son tour en serrant fermement la main de Ken avant de faire de même avec la mienne, puis avec toute la bienveillance du monde, il se baisse pour s'accroupir devant Danaë qui joue avec le tissu de son t-shirt.

- Salut toi, tu dois être Danaë ?

Ken pose sa main sur les cheveux de Danaë pour libérer les mèches qui tombent sur son visage.

- Moi je m'appelle Philippe, je suis docteur. Mais attention, moi je donne pas de médicaments qui sont pas bons. Si tu veux, et si tes parents sont d'accord, je pourrais te donner des bonbons, c'est mieux, non ?

Je souris et le docteur Moret se redresse pour s'adresser à nous.

- Venez suivez moi, on va s'installer dans mon bureau

J'hoche la tête et regarde Danaë avant de l'inciter à nous suivre. Une fois dans la pièce destinée au rendez-vous, j'installe ma brune au petit bureau en sortant de quoi l'occuper avant de m'assoir aux côtés de Ken, face au bureau.

- Bon alors, dites moi en plus. La dernière fois madame Sampras, vous m'aviez dit qu'elle avait débuté un suivi en Grèce, ça a donné quoi ?

Je me racle la gorge avant de répondre :

- Eh bien, déjà, pour commencer, on a remarqué petit à petit le fait qu'elle a du retard. Danaë est notre premier enfant, et on était collé à son rythme, ça ne nous a pas plus interpellé que ça au début, on pensait qu'elle prenait son temps, ça arrive parfois. En fait c'est plus quand elle commencé à grandir qu'on a compris qu'il y avait quelque chose qu'on ne saisissait pas

Je regarde Ken avant de reprendre.

- Sans vous mentir, ça fait bien trois ans qu'on cours après toutes sorte de docteurs, au début ils avaient décrété qu'elle avait un simple retard, après selon eux, elle était seulement introvertie, timide, réservée. Sauf que oui, mais non, toutes ces hypothèses ont été rejetées au fil du temps. Elle ne nous regarde que rarement dans les yeux, ne nous parle pratiquement jamais. Pourtant elle communique et demande beaucoup d'attention, mais à sa manière...

Je baisse la tête et reprends un peu mon souffle, alors que Ken lui, prend le relais :

- On veut juste qu'elle vive sa vie du mieux qu'elle le peut. On veut pas la changer, lui faire faire des trucs bizarres. On veut juste qu'elle soit apaisée. Elle... souvent elle fait des sorte de crises, et la plupart du temps on sait les gérer et on sait que c'est parfaitement normal. Mais j'crois qu'on a besoin d'aide pour gérer le truc, ça fait trois ans qu'on avance sans personne, on sait pas si on a bien fait les choses, ou si on les a empiré... on a fait comme on a pu

Le docteur hoche la tête avant de regarder un moment Danaë qui n'a pas touché à ses feutres, mais qui a les yeux rivés vers la fenêtre.

- Je suis désolé d'apprendre que vous avez été délaissé par mes confrères. Vraiment. Ça ne devrait pas arriver, jamais

Il sourit et nous regarde tour à tour avant de continuer.

- L'autisme, c'est vague. Ça fait souvent très peur. Et je suis assez satisfait de savoir que vous avez conscience qu'elle ne changera pas, parce que c'est bien le cas et je préfère insister la dessus. Beaucoup de parents me consultent pour guérir leur enfant, alors que l'autisme ne se guérit pas

J'hoche la tête.

- Le travail que je fais avec les enfants que je suis et avec leurs parents, c'est d'aider les deux parties à communiquer ensemble, à comprendre l'autre. D'installer un dialogue continuel dans la famille

Ken sourit pendant que moi je laisse échapper quelques larmes de soulagement. Il ne me parle pas de maladie, de malformation, il me dit tout ce que j'espérais, ce que je rêvais d'entendre depuis toutes ses années.

Ken pose sa main sur ma cuisse et la serre légèrement.

- Je ne connais pas encore votre fille, mais je peux vous dire que malgré vos inquiétudes, elle a l'air d'aller bien. De ne manquer de rien, et vous semblez être à l'écoute de ses besoins, c'est super important et je me permets de vous féliciter vous ça

Je souris avant de pleurer à nouveau et quand je tourne ma tête vers Ken, et que je constate que ses yeux sont eux aussi épris d'une certaine émotion, j'me rends compte qu'on forme une bonne équipe pour notre fille qui, malgré notre manque de connaissance en la matière, semble ne pas avoir subit nos lacunes.

Docteur Moret se lève et s'avance pour s'assoir à côté de Danaë, tout en continuant de nous poser des questions :

- Dites moi en plus sur elle ?

Ken me regarde avant de répondre.

- Elle adore les animaux, elle a une sorte de fascination pour eux. Elle peut passer des heures à regarder par la fenêtre... elle préfère le sucré au salé. Elle a une certaine sensibilité au froid, j'ai l'impression que ça la calme et que ce lui permet d'oublier le temps d'un moment la torture que parfois, son esprit lui inflige

Il s'arrête un moment et j'en profite pour poursuivre :

- Elle adore les câlins, c'est furtif mais c'est assez quotidien. Elle est profondément attachée à son doudou qui n'en est pas un. Je sais pas pourquoi mais depuis bébé, elle est collé à mon foulard en soie, celui que je portais le jour de sa naissance. Je ne lui ai jamais enlevé, je trouve ça mignon, et aujourd'hui elle l'a toujours avec elle

L'homme sourit en posant ses yeux sur le carré de soie, qui est sur la table face à lui.

- Elle aime bien se promener, mais elle se lasse vite. Alors on le fait pas très souvent et malheureusement à Paris c'est plus compliqué... mon mari est assez médiatisé, c'est justement pour ça qu'on était en Grèce. Ici, tout est calculé, c'est ce qui nous freine le plus aujourd'hui

Il hoche la tête et se tourne vers nous.

- On va trouver des alternatives, ne vous inquiétez pas

Il penche sa tête vers Danaë qui miraculeusement, tourne aussi son visage vers lui pour le regarder un quart de seconde dans les yeux avant de détourner le regard et de porter son doudou à ses mains pour le serrer contre elle.

- En tout cas vous pouvez être fier de vous, vous êtes des parents formidables pour elle.