𝖻𝗋𝗎𝗆𝖾 𝖽'𝖾𝗌𝗉𝗈𝗂𝗋 ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐮𝐧

seize

jade ;

Je sirote mon sirop de pêche en regardant les alentours, je suis arrivé en avance, car je me suis dépêché d'aller au café à la sortie du travail, voulant enfin mettre un mot sur la situation désastreuse dans laquelle je suis depuis mon retour.

Néanmoins avoir mal me fait étrangement du bien.

Je crois que je veux payer pour ce que j'ai fait subir à Maël.

Quand ce dernier arrive avec le visage fermé, son blouson habituel et en tenue décontracté, je comprends qu'il n'est sûrement pas allé travailler.

Il s'installe en face de moi, tout en évitant mon regard.

- Merci d'être venu

Il m'offre un seul grognement en guise de réponse.

C'est mal parti, mais c'est nécessaire.

- Je sais que c'est pas facile... surtout pour toi, mais je pense que tu as besoin d'entendre ce que j'ai à te dire

Il ose enfin me regarder et comme pour m'inciter à commencer, il m'adresse un mouvement de tête.

- J'ai mal...j'ai mal parce que tu as mal

Il fronce les sourcils, il doit clairement se demander si je suis en train de me foutre de lui, parce qu'après tout si on en est là, c'est seulement à cause de moi.

- Laisse moi finir... Maël, je t'aime, je t'ai toujours aimé, dès l'instant où je t'ai connu je t'ai aimé. J'ai passé les meilleurs années de ma vie avec toi, et de toute mon âme je te le promets, jamais j'aurai crû en arriver là, j'aurais jamais crû être un jour perdue à ce point. Je m'en veux de te faire subir ça sans pouvoir te donner d'explications, sans te quitter en te disant que c'est fini, ou alors te dire que c'était une erreur et que je me rends compte que c'est toi, toi, et toi seul que je veux tout au long de ma vie. Le problème c'est que je ne saurais répondre à aucune question, j'ai un vide énorme dans le cœur, et je suis énervée qu'en même pas quatre mois, j'ai remis en cause dix ans passés avec toi

Maël lève immédiatement la tête, visiblement interpellé par l'invocation des quatre mois.

- Je l'ai rencontré en juillet, par hasard en sortant du travail, grâce à ça j'ai pu aller le voir lors d'une soirée dédicace, sauf que depuis j'ai jamais coupé contact avec lui... Et lorsque je suis allé à Paris, on s'est revu. De fil en aiguille, mon esprit et mon cœur se sont battus, pour finalement céder à tout ce qu'il me passait par la tête depuis que je l'ai rencontré

- Tu l'as toujours aimé, de près ou de loin, avant ou après l'avoir rencontré, c'était juste quelque chose de purement inaccessible pour toi, et là, t'as frôlé ce que tu as toujours crû ne jamais vivre

Je baisse la tête, touchée qu'il ait fait un constat si réaliste de la situation, je suis consciente d'être tombé amoureuse de ses mots avant de le connaître.

Car Ken est mon idéal masculin.

- Mais à coté de ça je t'aime, je suis déchirée, et je ne peux pas choisir, je voulais te demander de le faire pour moi, pour nous. Je voulais te demander de choisir entre partir, refaire ta vie et rencontrer une autre femme, mieux que moi, plus honnête, ou alors de continuer avec moi, sachant pertinemment que je suis paumée. Mais je ne suis pas en position de te faire subir quoi que ce soit de plus, et encore moins en position de te forcer à faire un choix, qui devrait être le mien

Maël continue de me regarder, mais il ne me réponds pas pour autant, il est comme absent.

- Je suis autant perdu que toi, j'veux pas être dans l'ombre d'un autre, mais j'peux pas te rayer de ma vie non plus...

Le constat est douloureux, on est tous les deux dépassés par les événements, mais au delà de ça, il y a un immense respect dans chacune de nos phrases, prouvant que lui comme moi, avons pris un certain recul sur la situation.

- Je vais rentrer à la maison, je crois t'avoir tout dit, et surtout je veux pas t'étouffer, saches que la porte est ouverte, t'es avant tout chez toi...

Il hoche la tête avant que je me lève pour partir, en le laissant seul sur cette terrasse de café.

[...]

Sous la douche, j'essaie de me changer les idées, j'ai passé le reste de mon après midi à bouquiner, et à cuisiner, je ne supporte pas de rester inactive, car sinon j'accorde tout mon temps à mes pensées, et je veux occuper mon esprit pour éviter cela.

En sortant de la cabine, j'entends le verrou de la porte d'entrée, puis quelques secondes plus tard, Maël entre dans la salle de bain en fonçant sur moi, avant de me plaquer contre le mur poreux de la pièce.

- Je te déteste Jade, pourquoi tu m'as fais ça...?

Je place une main sur sa joue, pour essayer de desserrer sa mâchoire, puis je le regarde, en me perdant lentement dans ses yeux qui m'ont toujours regardés avec bienveillance, et non avec peine comme ce soir.
Alors je ferme les miens, ne supportant pas de voir son malheur en pleine face, et je sens par la suite ses muscles se détendre petit à petit.

Je suis forcée de constater que dès lors que je ne le regarde plus, il semble être serein.

Mais il me prend de cours lorsque ses lèvres se posent sur les miennes, doucement, tendrement, comme si c'était la première fois, comme s'il avait peur de ma réaction, puis le baiser devient de plus en plus poussé, limite sauvage.

Jusqu'à nous mener dans le lit conjugale.