jade ;
Face au miroir de ma salle de bain, je me fige en ayant du mal à me reconnaître,
J'ai toujours été plus ou moins satisfaite ce que mon reflet renvoyait de ma personne, pourtant aujourd'hui, je n'arrive pas à l'affronter pleinement.
L'appartement baigne dans un silence lourd de sens depuis de longues heures, Maël n'a pas décroché un seul mot après avoir retourné le salon. Moi, je suis resté assise, en écoutant le bois des meuble craquer, la voix de la télé a grésillé jusqu'à s'éteindre après avoir reçu un choc trop violent, puis plus rien. Le silence le plus complet que j'ai pu connaître de toute mon existence.
C'est tellement silencieux que ça me fait mal, mes oreilles sont éprises de bourdonnements, mes yeux me piquent, mon souffle tente tant bien que mal de se réguler.
La silhouette de l'homme qui partage ma vie apparaît, il entre dans la salle d'eau puis s'arrête à quelques centimètres de moi, en me regardant à travers le miroir.
- Avec qui ?
Je baisse la tête, ne sachant même pas comment lui annoncer, ce n'est pas quelqu'un de lambda, c'est un nom qu'il a toujours plus ou moins entendu depuis qu'il est avec moi.
Je vais encore plus le détruire en lui disant, mais en même temps je veux qu'il le sache.Je veux lui donner l'honnêteté qu'il mérite.
- Je le connais ?
Je le regarde, toujours à l'aide du miroir en face de nous, puis hausse les épaules avant de les laisser aussi vite retomber. Maël pose ses mains sur ces dernières et me secoue, et c'est ce qui déclenche encore une fois mes larmes, mais aussi les siennes.
- C'est qui putain ? ton collègue ? ton patron ? putain Jade si tu me dis pas je casse tout ici, c'est clair ?
Je me retourne pour enfin lui faire face, en essayant d'essuyer les perles salées sur mon visage.
- Il s'appelle Ken
Il me regarde, en jonglant entre mes deux yeux, il veut sûrement percevoir ma sincérité, mettre un prénom sur une situation la rend plus que réelle et doit faire tellement de mal.
- Mais c'est qui lui ?
Au bout de quelques secondes je le vois perdre patience face à mon silence, puis il quitte les lieux, et moi je le suis, de peur qu'il aggrave la situation déjà catastrophique. Mais je crois mourir sur place quand je le vois attraper mon téléphone, et naviguer dedans.
Puis ce qui devait arriver arriva, et j'entends un rire mauvais, mélangé à des sanglots, puis le bruit de mon téléphone se heurter contre un des murs du salon.
- J'espère que t'as pris ton pied, ça aurait pu être n'importe qui mais c'est tombé sur ce petit fils de pute... tu croyais quoi hein ? Vivre le rêve américain avec lui ?
J'ouvre les yeux que j'ai fermé quelques secondes avant.
- Ça t'a plu j'espère ?
- J'ai pas couché avec...
Il rit nerveusement.
- Mince... t'aurais bien voulu hein ?
À cet instant, je sais que j'ai plus à faire à l'homme que je connais, mais à un homme brisé.
- Ne me réponds même pas, tes yeux parlent pour toi, tu me dégoutes. Pendant que moi je t'attendais, tu faisais ta pute avec ton vieil écrivain de merde, qui a sans doute dû te prendre pour son attraction du mois, et toi, tu viens de briser dix ans de confiance pour un mec qui a sûrement déjà oublié ton prénom
- Je-
- Ferme ta gueule Jade, vraiment, ferme la... je vais prendre quelques affaires et partir, t'as bien trop de chance que j'sois encore calme. Toi, reste bien dans ta merde
Ne voulant pas en rajouter, je le laisse me contourner, pour pouvoir faire ce qu'il m'a annoncé, et lorsque j'entends la porte d'entrée claquer, signe qu'il est bel et bien parti, je prend tout ce qu'il me passe par la main, pour finir le travail qu'il a bien entamé, en commençant par casser tous les miroirs,
Il y en a bien trop.
Et je ne supporte plus de me retrouver face à mon portrait.Je déchire et casse la moindre chose, facture, papier, photo, vase, vaisselle. Puis je quitte l'appartement pour marcher, pendant je ne sais combien de temps, jusqu'à arriver dans un parc éloigné du centre, qui en temps normal m'aurait fait peur, et m'aurait dissuadé d'y entrer, car il est grand, sombre, et ça ne me fait ressentir rien de bien rassurant.
Mais j'y entre quand même, et longe le chemin qui mène je ne sais où, puis j'arrive devant une sorte d'aire de jeux, entouré d'immenses arbres qui rendent l'endroit deux fois plus sombre, et je me met à crier, de toutes mes forces, pour essayer de libérer ce qui est enfouis en moi, je crie à m'en faire mal à la gorge et à la tête.Et comme si la nature avait décidée de me répondre, le vent accompagne ma voix.
En quittant le parc, l'impression de m'être libérée s'empare de moi, et en rentrant dans mon appartement complètement détruit, je me mets par terre pour ramasser le moindre éclats de verre.
Ça dure toute la nuit, je range, tri, remets en place ce que je peux, je remplis des sacs poubelles de ce qui n'a pas survécu au carnage.
Et quand je clôture ma tâche, j'ai l'impression de retrouver un peu l'âme de notre chez nous. Puis je fais le tour de chaque pièce qui ne ressemblent plus du tout à ce qu'elles étaient auparavant, car elles manquent toutes cruellement de décoration, de personnalisation, d'amour.Je réalise alors que finalement, je viens d'essayer de recoller les morceaux, de quelque choses qui s'est brisé à jamais.

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𝖻𝗋𝗎𝗆𝖾 𝖽'𝖾𝗌𝗉𝗈𝗂𝗋 ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐮𝐧
RomantizmIl y a plusieurs catégories de personnes : celles qui font des promesses, et celles qui refusent de les entendre. Jade fait partie de la première, et a promis l'éternité à son amour de jeunesse, en pensant sincèrement pouvoir honorer son acte jusqu'...