𝖻𝗋𝗎𝗆𝖾 𝖽'𝖾𝗌𝗉𝗈𝗂𝗋 ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐮𝐧

quarante

ken ;

Je suis seul dans cette chambre où Jade aurait dû être avec moi, avec nous.

Ça fait trois heures qu'elle a été transférée, et je sens que je vais pas tardé à câbler.
J'ai juste eu le temps de bondir du siège sur lequel j'étais installé, en encerclant ma fille au maximum, et je l'ai vu, blanche comme un linge, semblant être morte, sur ce lit où elle venait à l'instant de donner la vie.

Ma vue s'est brouillée, mélangeant les larmes de bonheur à celles de tristesse, j'ai serré ma fille dans mes bras, et suivis la sage femme jusqu'ici, dans la chambre qui est normalement destinée à Jade.

J'ai donné le biberon tant bien que mal à Danaë, et rien qu'en faisant ça je me suis remis à chialer encore plus, car je sais que le souhait de Jade est d'allaiter, et mon esprit ne fait que de me répéter que peut-être elle n'aura jamais la chance de le faire.

J'ai peur, je suis mal, j'en veux à tout le monde, je berce ma fille comme je le peux en essayant de faire au mieux.

Jusqu'à présent elle est calme, elle pleure quelques fois, mais ne fait pas trop parler d'elle.

Comme si elle sentait.

L'attente est insoutenable, j'envoie chier toutes les personnes qui entrent pour savoir comment je vais et si j'ai besoin d'aide, ne voulant m'adresser qu'à la personne qui viendra me donner des nouvelles de ma femme.

Je veux être seul, avec ma fille, et personne d'autres.

Après quelques minutes, Danaë s'endort, j'en profite pour la poser dans son berceau.

Je me positionne alors devant la fenêtre, le jour s'est levé, mais pour moi c'est juste la continuité de cette interminable nuit.

J'ai mal à la tête, du mal à respirer, et les images de Jade ne me quittent pas. Je pleure comme un bébé dans cette chambre qui me fout de plus en plus le cafard.
Je refuse d'y rester sans elle, je refuse de vivre tout cours sans elle. Je me tourne vers ma fille, la seule raison qui fait que je me contiens, qui me permets de garder un semblant de calme, alors que putain qu'est-ce que j'ai mal.

Après un passage à la salle de bain pour me passer de l'eau sur le visage, une infirmière arrive doucement dans la chambre, pensant sûrement que je me suis endormie, alors que ça fait quasiment vingt-quatre heures que je n'ai pas fermé l'œil.

- Monsieur Sampras ?

Je lui adresse un signe de tête puis m'avance vers elle, espérant qu'elle me donne des nouvelles de Jade.

- Votre compagne arrive, ça a été très long et compliqué mais elle s'en est sortit, elle s'est bien battu, et a eu beaucoup de chance

Par réflexe, je prends l'infirmière qui a à peu près l'âge de ma mère dans mes bras, en me remettant à pleurer,

- Ça va aller, vous avez vécu un moment pas facile, reposez vous un peu, je vais vous chercher de l'eau et de quoi manger

Je la remercie et m'assois aux côtés de ma fille, j'ai le sourire aux lèvres mais je pleure en même temps, j'ai envie de la réveiller, lui faire pleins de bisous et de lui annoncer qu'elle va rencontrer comme il se doit sa maman, et que plus jamais de la vie on ne va être séparer d'elle, mais encore une fois je me retiens en restant calme, en gardant pour moi mon humeur en montagne russe.

Jade arrive une demi heure plus tard, j'aide alors les brancardiers à positionner son lit dans la chambre, en ne la quittant pas du regard, elle a l'air plus que fatiguée et surtout terrifiée, mais la seule chose qu'elle peut faire c'est de se tourner dans tous les sens pour apercevoir le visage de Danaë, non sans grimacer de douleur.

Je m'avance vers elle, et la prends le plus fort possible dans mes bras.

- Mon amour putain, putain, putain, mon amour tu sais pas comme j'ai eu peur putain

Elle pleure avec moi.

- Ken j'ai crû mourir, j'me suis vu partir

Je la serre plus fort en l'embrassant de partout, puis je pose mon front contre le sien.

- Si tu savais comment j'ai eu peur, si tu savais comme je t'aime

Jade m'embrasse, et nos larmes s'invitent en se mélangeant à notre baiser.
Puis quelques seconde plus tard, on se détache et regarde notre fille dormir.

- Putain... on l'a fait

- Elle est trop belle, et elle a été trop sage, j'avais trop peur de lui faire mal

- Merci

- Merci pourquoi ? C'est normal, j'suis son père, c'est à toi merci, tu m'as offert le plus beau cadeau du monde mon amour

- Je t'aime

- Moi aussi, repose toi, je vais appeler tes parents, les miens, et les gars

Jade hoche la tête et se positionne sur le côté, en face de Danaë, elle la contemple un peu puis ferme les yeux. Tandis que moi je prends mon téléphone pour commencer le marathon des appels, et je pleure encore quand je décris plus ou moins ce qu'il est arrivé à Jade.

Au vu de la situation, je demande à tous le monde de venir que dans quelques jours, car ma brune est terriblement fatiguée, et va rester environ deux semaines ici à cause des complications post-partum qu'elle a rencontrées.

On s'adapte à notre nouveau rythme au cours de la semaine qui suit la naissance et on fait connaissance avec Danaë de jour en jour.
Je dors à l'hôpital auprès d'elles, j'aide Jade comme je peux car elle n'a pas le droit de marcher à cause de l'opération, puis notre fille a fait la rencontre de ses grands parents, de ses oncles et de ses tantes, j'ai appelé en FaceTime mes grands parents, pour leur présenter, et ils étaient émue en entendant le prénom qu'on lui a attribué, trouvant que c'est un bel hommage à mes racines, la Grèce.

Ma fille a du succès auprès de tout le monde, en même temps, c'est le portrait craché de son père, et même si j'aurais aimé qu'elle tienne un peu plus de Jade, j'ai été troublé par notre ressemblance.
J'ai avec elle un lien indéfinissable, peut-être que c'est à cause des longues heures qu'on a passés ensemble, dans la peur, la panique et la tristesse, mais je ressens quelque chose d'inexplicable pour elle, bien au delà du simple mot amour.

Et quand je l'observe dormir, à côté de Jade, je me fais la réflexion qu'elle a à peine quelques jours, mais qu'elle m'a fait ressentir des émotions que je n'avais jamais connu en trente ans.