𝖻𝗋𝗎𝗆𝖾 𝖽'𝖾𝗌𝗉𝗈𝗂𝗋 ; 𝐭𝐨𝐦𝐞 𝐮𝐧

vingt-trois

ken ;

Le retour au pays s'est fait tranquillement, j'ai doucement mais sûrement repris mes habitudes.

Je suis pas mal occupé, j'ai mon livre à peaufiner, des tonnes de rendez-vous à honorer, car je veux quelque chose de gros pour la sortie de ce projet, et j'ai vu les choses différemment.

Je suis stressé d'avance, je ne sais pas trop comment cela va prendre, c'est inhabituel et donc peu confortable pour moi de me lancer ainsi.

Au début, j'ai fait face à un syndrome auquel je n'avait jamais été confronté : la feuille blanche.
J'ai été incapable d'aligner ne serait-ce qu'une seule phrase, pourtant j'en ai des choses à dire, et avec du recul, c'est peut-être le fait d'en avoir trop qui m'a bloqué, je n'ai su par quoi commencer.

J'ai eu besoin de partir, de fuir mon quotidien, de me vider l'esprit pour trouver l'inspiration nécessaire.

Je ne suis pas prêt pour faire une quelconque promotion, j'ai jamais été à l'aise avec ça.
Mais j'ai envie de proposer quelque chose de novateur. Quelque chose qui va accompagner la sortie de ce bouquin. Quelque chose de visuel, qui plongera directement les lecteurs dans le bain.

J'ai constaté que mon absence et mon silence interrogeait, on m'a prétendu une rupture, un décès dans mon entourage, l'arrêt de ma carrière, alors qu'en fait, j'ai juste eu besoin de faire le bilan avec moi même.

Ces dernières années ont été pour moi éreintante physiquement et moralement, j'ai produit sans relâche, j'ai fait une tournée dédicace.

Je suis fatigué.

J'ai revu pas mal de gens depuis que j'ai posé un pied dans la capitale, beaucoup de la gente féminine, pour oublier la pression qui pèse lourd sur mes épaules.
J'ai aussi pas mal écrit, sur des sujets plus engagés, sur mes histoires passées, sur la société.
J'ai fait un travail sur moi même, oubliant le côté trop surfait de la célébrité, l'argent, le changement de comportement des gens vis à vis de moi.
J'ai malgré moi repris la cigarette, mais pas les joints, et j'crois que c'est la chose qui me fait le plus repenser à Jade, car elle fumait sans arrêt, dès qu'elle le pouvait.

Je suis pas fier d'avoir repris ce vice, mais il faut admettre que ça m'aide beaucoup, et que c'est plus fort que moi.

Je m'arrête net de divaguer lorsque j'entre, écouteurs dans les oreilles, dans l'appartement d'Hakim, où tout le monde est présent.

- Wesh mec, bien ?

J'enlève mes écouteurs et répond à Amine :

- Ça va... pépère

Je tcheck le reste de mes gars, puis lorsque j'arrive face à Douma, je fronce les sourcils en le sentant absent.

- Oh Doum's, ça va ?

Il ne me répond par un geste assez évasif de la main, je m'assois alors à côté de lui, et je profite du bruit général de la pièce pour lui parler plus doucement, histoire que personne ne nous entende.

- Il s'passe quoi ?

- J'me suis embrouillé avec Amel

Amel, c'est l'ex de Douma, avec qui il a eu un enfant, un fils prénommé Ibrahim.
Leur histoire a été courte, mais intense, et j'mentirais si j'disais que ces deux là ne m'ont pas fait rêver.

Leur couple était tellement improbable, que ça nous a tous scotché.
Ils sont l'opposé l'un de l'autre, pourtant quand on les a vu pour la première fois ensemble, on s'est tous demandés pourquoi ça ne s'était pas fait avant, tellement ça semblait évident.
Puis quand ils se sont quittés, aussi brutalement qu'ils se sont assemblés, tout le monde était dégouté. Et même si mon ami persiste sur le fait qu'il soit passé à autre chose, j'ai des doutes, et vu son état aujourd'hui, j'ai bien peur de ce qu'il va me dire.

- À propos du p'tit ?

- Entre autre, elle m'a annoncé qu'elle avait rencontré quelqu'un, que ça faisait plusieurs mois et que ça s'passait bien

- Je-

- C'est pas ça le problème, j'men tape de son boug, le truc, c'est que ça s'passe tellement bien, qu'elle veut le présenter à Ibra

J'essaie de me mettre à sa place, ce qui finalement relève de l'impossible, Douma a toujours été le membre le plus perché de l'équipe, et on a tous flippé quand il nous a annoncé qu'il allait être daron, mais on a encore une fois été forcé de fermer notre gueule quand on a vu comment il s'y prenait, car c'est le père idéal, présent, et attentionné.

Lorsqu'il est en présence de son fils, il est comme métamorphosé, et j'pense qu'il n'a pas envie de partager le bonheur d'avoir un enfant comme Ibra, qui est avant tout le sien, et celui de personne d'autre. Accepter qu'Amel fasse entrer son mec dans sa vie, c'est accepter que son fils ait un beau père, un jour ou un autre, et lui, a toujours voulu construire une famille uni, et non recomposée, il doit le vivre comme un échec.

- Et t'as réagi comment ?

- Mal, elle peut pas m'dire ces deux nouvelles en même temps, wesh hier j'la croyais célibataire et aujourd'hui elle me dit qu'elle a quelqu'un et qu'elle veut le faire entrer dans la vie de notre fils, j'ai la haine...

- C'est la vie gros, ça arrive à pleins de gens, c'est triste, mais c'est putain de courant...

- Je sais, mais c'est pas c'que j'imaginais pour lui, j'sais très bien que refuser maintenant, c'est accepter plus tard, j'peux pas contrôler ça, c'est sa vie, j'ai plus rien à dire là dessus, mais si y'a une personne entre elle et moi, il va falloir instaurer des règles, et j'veux pas voir mon fils une semaine sur deux

J'hoche la tête, comprenant que tout va être différent, Douma et Amel ont su garder une très bonne entente malgré leur séparation, et même si le p'tit est principalement chez sa mère, la porte a toujours été ouverte pour mon frère, ce qui lui permet d'aller le voir ou bien le récupérer pour quelques temps, quand il le souhaite, à l'amiable.

- Pas forcément gros... t'en a parlé avec elle ?

- Nan, mais c'est évident, son gars va jamais accepter que le père de son gamin se pointe n'importe quand, à n'importe quelle heure

- Tu peux pas savoir, elle est grave cool Amel sur ça...

- Ouais, mais faut pas rêver, ça arrivera. Et c'qui me rend le plus fou dans tout ça, c'est que quand j'l'ai rencontré, j'pensais vraiment que c'était elle, encore plus à l'accouchement gros, j'me voyais déjà avoir d'autres enfants, mais qu'avec elle

J'ai mal d'entendre mon ami se livrer à ce point, car c'est rare, et même s'il est joyeux la plupart du temps, c'est celui qui a le plus gros vécu, le plus douloureux, et savoir qu'il souffre encore ne serait-ce qu'un petit peu ne fait qu'augmenter la sensation d'injustice qui s'est installé en moi depuis quelques mois face à la vie.

- Un conseil mec, réfléchis bien avant de faire un enfant.