Partie vingt-neuf

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Un nœud sous ses côtes comprime sa respiration, le stress fait trembler ses mains sur la poignée de la porte d'entrée et sa gorge est abominablement sèche. 
Ochaco n'était pas sur place quand il est arrivé, il n'a pas pu lui parler et tout le plan qu'il avait pris le temps de préparer semble s'écrouler comme un château de carte, soufflé par cet imprévu. 
Il a demandé à son nouvel amant de lui passer le message, mais si elle tarde trop à l'appeler, Kota le devancera, il lui dira avec ses mots d'enfant, sans tact, et il n'aura plus aucun contrôle sur la suite.
Il sait combien elle peut être sensible, il la connait suffisamment pour ça, sous ses airs joyeux ses réactions sont parfois imprévisibles. 
Mais elle n'a rien d'une fillette fragile, il l'a déjà vu perdre son sang froid, son visage a cette incroyable capacité à devenir sombre et dur en une fraction de seconde, il a toujours été excessivement expressif. 

Alors, en sentant que la situation est en train de lui glisser des mains, il ne sait plus à quoi se raccrocher pour ne pas se laisser emporter par la panique, il devrait peut-être appeler quelqu'un mais il n'y arrive pas. 
Il ne peut pas admettre qu'il a bêtement creusé sa propre tombe en prenant le problème dans le mauvais sens, qu'il a laissé l'écho de ses espoirs naïfs parler à sa place au point d'en oublier les risques qu'il prend. 

Il avale sa salive en entrant dans le salon encore éteint, Katsuki n'est pas encore arrivé, le silence de la pièce est anormalement glauque et seul le tambourinement de la pluie sur le double vitrage résonne entre les murs. 
Sa gorge se serre d'une sensation désagréable, l'impression d'avoir une boule de billard dans le larynx, il connaît ce sentiment, tout le monde l'a déjà ressenti au moins une fois. 
Le mauvais pressentiment. 
Quelque chose lui a échappé, il a accordé trop d'importance à sa petite voix amoureuse et a perdu les rennes, il a commis une erreur, et maintenant son cœur cogne dans sa bouche, contre ses tempes et jusque dans les pointes de ses cheveux. 

Il avait prévenu Katsuki qu'il prévoyait de parler à Ochaco et qu'il pouvait arriver plus tard que d'habitude, il ne sera pas là avant un petit moment. 
Ca ne le rend qu'encore plus nerveux, tout seul près du plan de travail, il aurait besoin d'une main tendue ou d'un mot de réconfort pour alléger le poids de la peur qui pèse derrière ses reins. 
Il ferme les yeux en se penchant en avant, appuyant ses coudes sur le stratifié, il essaie de maitriser sa respiration pour faire ralentir le rythme détraqué de son cœur mais l'air a du mal à traverser sa trachée. 

Dans la poche de son jean, son portable demeure monstrueusement muet, mais ses muscles se contractent brutalement au moindre froissement de ses vêtements, à chaque petit craquement de la charpente au-dessus de sa tête, tout les bruits autour de lui semblent l'agresser comme autant de menaces sous-entendue. 
A l'abri derrière son cadran, l'heure continue de tourner narquoisement, les aiguilles se moquent de lui, il pourrait presque les entendre ricaner. 
Plusieurs fois, il bouge dans sa maison et tente de s'asseoir sur le canapé ou d'occuper son esprit dans ses réseaux sociaux, mais il n'y parvient pas et finit systématiquement par revenir prendre appui sur son plan de travail, les yeux fermés.
Sous ses vêtements, il a chaud et froid en même temps, sa peau frissonne et transpire, il se fait grignoter de l'intérieur par les dents acérées de sa propre angoisse.  

Il se sentait prêt, il était sur le point d'y parvenir, il y croyait. 
Mais maintenant, quand l'acidité corrosive des doutes remontent son œsophage, il ne sait plus. 
Il essaie de réfléchir, de raisonner, de se préparer, rien y fait, il ne sait plus ce qu'il doit faire quand elle appellera. 
Il ouvre les yeux d'un coup, ses cheveux trop long se piègent dans ses cils, ses jambes se raidissent, ses bras sont pris de crampes et sa mâchoire tremble.
Son portable vibre. 

Ses épaules sont crispées, il a du mal à redresser son dos pour plonger sa main dans sa poche et les vibrations de l'appareil s'impriment dans ses doigts, tordent ses phalanges quand l'écran lui confirme que c'est bien elle qui est en train de l'appeler. 
Sa langue est poreuse, elle colle à son palais, il a du mal à ouvrir la bouche quand il décroche en portant le téléphone à son oreille. 
Il voudrait parler le premier, mais sa voix est tombée tout au fond de son ventre et, de toute manière, il n'a pas le temps d'aller la chercher, il se fait instantanément agresser par la colère d'Ochaco de l'autre côté de la ligne, il aurait dû s'en douter. 

Être nous [ KATSUDEKU ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant