Partie trente quatre

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Le dos raide contre le dossier du siège passager, Izuku regarde défiler le paysage urbain autour de lui, les yeux à travers la fenêtre fermée et les mains crispées sur ses genoux. 
Les remous de la voiture lui secouent l'estomac et son souffle tremble à chaque inspiration profonde qu'il prend à mesure qu'il se rapproche du palais de justice. 
Son crâne lui fait déjà mal, sa bouche affreusement pâteuse tire une grimace à son visage quand il essaie d'avaler sa salive et il ferme ses paupières en fronçant les sourcils. 

C'est la dernière ligne droite avant la fin, mais c'est sans doute la plus pénible, son cœur bat si fort qu'il l'entend résonner entre ses tempes et cogner au bout de ses doigts.
Sur la route pavée, le véhicule vibre et il doit retenir la nausée qui remonte sa gorge en bloquant son souffle pendant que, à côté de lui et les mains sur le volant, sa mère lui jette quelques regards inquiets entre deux secousses. 
Définitivement, il ne pouvait pas faire ce trajet tout seul, l'angoisse le saisissait trop et il ne serait sans doute pas arrivé entier s'il avait dû conduire lui même avec ses mains tremblantes et ses jambes crispées au maximum. 

Elle n'a pas hésité une seconde quand il lui a demandé de l'accompagner, en venant chez elle hier matin.
Dans sa douceur habituelle, elle l'a pris dans ses bras et, en s'installant ensemble sur le canapé de la maison familiale, elle l'a bercé comme quand il était encore un enfant. 
Il s'est laissé aller contre elle, enfonçant son visage dans son épaule, il a fermé les yeux et calqué son souffle au rythme des balancements de son corps. 
Comme quand tout était facile, quand un câlin de sa mère suffisait à apaiser son esprit blessé, il s'est mordu la lèvre en espérant ne pas se mettre à pleurer et, doucement, il s'est endormi, la joue sur son bras.

Il dort si peu en ce moment qu'il ne s'est réveillé que deux heures plus tard alors qu'elle n'avait pas bougée, malgré la crampe de son épaule et le fourmillement dans ses jambes immobiles, elle est restée là pour le porter contre elle aussi longtemps qu'il en a eu besoin, comme la mère qu'elle a toujours été.  
Et ce matin, elle est venue le chercher chez lui en avance pour l'aider à vérifier sa tenue, qui se doit d'être irréprochable. 
Patiemment, elle a vérifié les plis de sa chemise, attaché les boutons de ses manches et rectifier son col avant de passer ses doigts dans ses cheveux, désormais raccourcis, pour replacer quelques mèches. 

Les yeux encore brûlants de sa fatigue, il lui a sourit autant qu'il l'a pu avant de sortir de la maison en vérifiant une dernière fois qu'il n'avait rien oublié, et elle lui a ouvert la portière de sa voiture en embrassant son front. 
Personne n'aurait pu prendre sa place aujourd'hui, on ne remplace pas une mère, encore moins une maman, et Izuku avait besoin d'elle pour passer ce moment. 
Tout le long du trajet, elle a maintenu aussi souvent que possible une conversation à peu près stable pour l'empêcher de perdre son calme même si, à l'approche du tribunal, il a perdu le fil de ses pensées en pinçant les lèvres. 

- Respire, je suis là. 

Il tourne les yeux vers elle et, suivant ses instructions silencieuses, il gonfle ses poumons et souffle lentement l'air par la bouche, son menton tremble mais il se concentre à garder le dos droit en continuant de respirer doucement. 
La boule de nerf du fond de son ventre lui fait mal, elle comprime ses côtes et fait tressauter ses paupières mais, malgré tout, il garde les yeux rivés vers sa mère, qui alterne son regard entre lui et la chaussée. 

Entre deux rapports, elle lâche le levier de vitesse pour prendre sa main dans la sienne et la porter à sa bouche en déposant un baiser sur ses phalanges sans lâcher la route des yeux. 
Son cœur s'emballe quand la voiture se gare sur l'immense parking et il secoue frénétiquement la tête sans ravaler ses larmes. 

- Je veux pas y aller maman. 

L'angoisse lui fait perdre ses moyens, comme un enfant, il s'accroche à la poignée intérieure de la portière et un sanglot bruyant passe entre ses dents. 
Il ne veut pas sortir de cette voiture, il ne veut pas se retrouver tout seul dans la salle d'audience, son cœur bat déjà trop fort, il va éclater s'il bouge. 
Avec toute la délicatesse dont elle sait faire preuve, Inko pose sa main sur sa cuisse après avoir serré le frein à main et coupé le contact, et fixe son regard dans ses yeux mouillés. 

Être nous [ KATSUDEKU ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant