Partie trente sept

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Le vent souffle un peu derrière lui et s'engouffre entre les colonnes de pierre en sifflant, comme s'il s'impatientait lui aussi de les revoir ensemble et qu'il chantait sa délivrance à leurs oreilles. 
Aucun d'eux n'a encore rien dit et Katsuki se plonge dans ces iris verts qu'il a l'impression de ne pas avoir vu depuis des siècles. 

Quelques secondes filent dans le silence, dix, peut-être vingt, et il promène ses yeux sur son visage pour le détailler. 
Ses paupières ont l'air fatiguées et il découvre pour la première fois les cernes visibles qui bordent son regard, il n'avait jamais vu ses traits aussi marqués et, soudainement, ça lui fait mal. 
A cause de l'éclat disparu de son sourire absent, du teint trop pâle de ses joues qui ternit ses tâches de rousseur et des lignes plus profondes de sa mâchoire, il se mord la lèvre en soupirant, inquiet et contrarié. 

Il lui semble, à travers le tissu de ses vêtements, que les formes de son corps ont un peu changées, plus fines, plus discrètes, il est presque certain qu'il a perdu du poids. 
Sa posture est plus incertaine, comme si ses jambes étaient devenues fragiles, et ses mains ont l'air de trembler, affaiblies par le stress, par les repas délibérément oubliés et les heures de sommeil abandonnées dans le lit de l'angoisse. 

- Salut ... 

Sa voix aussi l'interpelle, plus profonde et moins légère comme si les mots pesaient des tonnes et qu'il lui fallait faire un effort pour parvenir à les sortir de sa gorge. 
Katsuki en a le cœur retourné de le voir comme ça, et il s'avance un tout petit plus pour donner un semblant d'intimité à leur conversation. 

- Je sais que t'avais pas prévu que je sois là. Mais je suis sûr que tu m'aurais rien dit sinon.  

Il le voit baisser les yeux et enfoncer ses mains au fond de ses poches, la mine coupable.
Il ne sait pas encore ce qu'il s'est passé entre les murs du palais de justice mais l'atmosphère pesante éveille en lui un mauvais présentiment douloureux. 
Il voudrait tellement qu'il lui dise que tout est rentré dans l'ordre, que plus personne n'aura à s'inquiéter de perdre sa place et qu'ils pourront enfin se revoir aussi souvent qu'ils le souhaitent. 

- Ils ont pas donné leur réponse. 

Il soupire en passant sa main dans ses cheveux, il espérait pourtant si fort ne pas être confronté à cette situation précise, ne pas être encore dans le doute et devoir attendre toujours plus longtemps.
Une onde de colère et d'amertume remonte son œsophage et il ferme les yeux pour se contenir, s'énerver ici et maintenant ne changera rien de toute manière, mais il peine à empêcher ses mains de trembler. 

Le silence s'installe à nouveau, le malaise est presque palpable autour d'eux, et Izuku lève le visage vers le ciel alors qu'il semble hésiter à lui dire quelque chose. 
Mais Katsuki ne veut plus qu'il lui cache quoi que ce soit, et il fronce les sourcils en se raclant la gorge pour le forcer à le regarder dans les yeux. 
Il sent la gêne dans son regard, mais il ne se démonte pas et continue de le fixer jusqu'à ce qu'il finisse par céder. 

- Ils ont parlé de Monoma et de l'esclandre dans le café pour dire que t'es dangereux et instable. 

Il bloque immédiatement sa respiration, en même temps qu'Izuku détourne les yeux vers un point invisible sur sa gauche, et presse son poing serré contre sa bouche. 
Il n'y pensait même plus, à cette histoire, mais elle lui revient soudain en mémoire comme un coup de pelle dans la gueule. 
Ce jour-là, il a mit Izuku dans une situation délicate vis à vis de ses clients et de son oncle et ils ont eu de la chance que Toshinori ne leur en ait pas tenu rigueur, mais il ne pensait pas que ses actes puissent avoir une telle portée. 

Si son geste a pu donner une justification de plus à l'autre timbrée pour s'accaparer Kota, alors il s'en voudra jusqu'à la fin de sa foutue existence et, déjà, il sent la honte et la culpabilité se frayer un chemin à travers son corps et nouer sa gorge. 
Izuku ne le regarde toujours pas, il ne sait pas s'il lui en veut ou s'il se sent juste gêné, mais ça suffit à le blesser encore un peu plus. 
Il se sentait déjà responsable de la situation, et juste quand les mots d'Inko arrivaient à le soulager un tant soit peu, les remords le dévorent à nouveau. 

Être nous [ KATSUDEKU ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant