Soraya, Raffie et moi brûleront à tout jamais dans les flammes de l'Enfer pour notre vile perfidie.
Gamins, lorsqu'on s'ennuyait dans la cour de récré, on s'amusait à piquer les billes des copains, à poursuivre les filles pour soulever leurs jupes ou on cherchait la bagarre. Une fois diplômés – et sans emploi ! –, des d'jeunes dépourvus d'illusions, on glandait dans le hall des immeubles, on se la racontait entre potes de la cité-ghetto. Pour meubler nos trop longues journées de zonards en bande, nous dégradions le bien commun ainsi que l'environnement public, vu que nos propres ambitions se voyaient elles aussi dégradées. Pour anesthésier notre putain de foutue réalité de chômeurs qui percevaient le R.S.A., on s'injectait des substances illicites dans le corps. Au pire, on terrorisait le quartier par des agressions verbales riches en grossièretés fleuries et/ou physiques sur des plus faibles que nous. A présent rentrés dans le droit chemin du fonctionnariat, on paresse encore et toujours à un degré paroxysmique. Cependant, le choix qui s'offre à nous est désormais limité. Inenvisageable de dégrader encore plus un matériel et un mobilier déjà en piteux état (d'ailleurs à ce niveau de changement, on ne parlerait plus de dégradation mais de rénovation.). Quant à nos frêles corps de trentenaires, ils montrent leurs premiers signes de vieillissement. Comme on tient à notre santé, on a arrêté la drogue et sur conseils et directives de l'Inpes*, on mange bio et ion avale cinq fruits et légumes par jour. On opte alors pour la solution ultime : emmerder son prochain ou plus exactement... sa prochaine.
En ce dernier jour de l'année, les services sont désertés : aucun chef présent et un personnel réduit en deçà du minimum légal requis. Plus les heures avancent, plus l'ardeur recule. A 14h30, nous nous retrouvons tous trois dans le bureau de Soraya. Malgré de délicieux biscuits marocains que nous grignotons avec une tasse de thé Lipton ou de café Jacques Vabre, malgré nos récurrentes et méchantes anecdotes sur nos cons respectifs qui nous lassent, malgré la connivence qui nous lie, nous ne cessons de soupirer et de bailler. Affalés dans nos fauteuils, nous contemplons les minutes s'écouler. Bref, nous nous ennuyons royalement. Tant et si bien qu'il ne nous restait qu'à trouver la cible potentielle pour divertir nos malsaines enveloppes charnelles. Nous avons jeté notre dévolu sur... am, stram, gram, pic et pic et colégram... Animaux Morts. Les trois vautours de mauvais augure que nous sommes avons fondu sur l'accroc aux photos de cadavres animaliers.
Sans aucune préméditation, Soraya avec sa gouaille naturelle s'est métamorphosée en un Jean-Pierre Foucault, version Rachida Dati : « Bienvenue à toutes et à tous dans votre jeu préféré : Qui veut gagner des millions ? Non stop attendez. Des millions ? On est fonctionnaires, on n'gagne pas des mille et des cents. On va rebaptiser le jeu. Géraldine, ho hé (Soraya émettait des claquements de doigts pour attirer l'attention de notre victime), es-tu parmi nous ? ou planes-tu vers un univers que toi seule a découvert ? Allô Animaux... Euh allô Géraldine. La Terre appelle l'autre bout de la galaxie.
- C'ta moi qu' vous m'parlez ?
- Soraya propose que l'on joue un peu, ça te dit ?, j'ai proposé.
Animaux Mort hoche de la caboche et Soraya reprend :
- Bienvenue à toutes et à tous dans votre jeu préféré : Qui veut gagner des clopinettes ? J'entends déjà la foule venue en masse qui scande : des clopinettes !, des clopinettes !, des clopinettes ! (Soraya nous enjoint d'un mouvement appuyé de la tête à participer.) Allez la foule en délire ! On manifeste son enthousiasme. (Raffie et moi battons des mains et marmonnons sans conviction.) Très bien, la foule semble faiblarde aujourd'hui. Auraient-ils déjà arrosé le Nouvel An avant l'heure ? Que cela ne déstabilise pas notre première candidate : Madame Géraldine Lesieur. Jeune maman de 33 ans, fonctionnaire au sein de La Collectivité, qui bosse à la Direction de Solidarité aux Gâteux et Séniles. Madame Lesieur, prête à taper sur le buzzer dès que vous aurez la bonne réponse ?... C'est parti.
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CHRONIQUES DE BUREAU
HumorEn parallèle de la "SAGA DES SIRÈNES" ancrée dans le monde antique et la mythologie, je t'invite à découvrir une fiction très différente qui s'inscrit dans notre société actuelle. Jérémy (quelle coïncidence que le prénom du héros !), agent administr...