15. ALERTE EN SARDAIGNE

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Février 2010.

Les fesses en appui contre le bureau, nous bavardions avec Raffaella autour de son ordinateur. Le débat portait, il va sans dire, sur de nouvelles procédures relatives à notre travail*. Miss Gudu qui occupait le bureau juste en face participait de manière active à la conversation pour grappiller le maximum d'éléments sur nos vies respectives.

* Que celui ou celle qui m'a cru l'espace d'une seule fraction de seconde referme cette page pour toujours.

Lorsqu'une collègue poussa la porte :

« Tu pars où en vacances, Françoise ?, questionna Miss Gudu.

- Mon mari et moi emmenons les enfants en Sardaigne au mois d'août.

La ritale Raffaella s'anima et chanta les louanges de ce pays.

Miss Gudu s'offusqua :

« Sérieux ! Tu n'y songes pas ?

- Bah si, pourquoi ? Il paraît que c'est très beau...

- Ben vouais, c'est p'êt'e beau là-bas mais tu n'y songes pas sérieusement ?

- Bah si, comme je te le dis ; on a réservé.

Admirez ce dialogue du vide.

- Mais tu ne te rends pas compte : tu as des enfants !

- Justement ils découvriront quelque chose d'autre.

- Mais il y a des risques là-bas.

Je posai ma main sur le poignet de Raffaella afin de contenir son bouillonnement intérieur et l'empêcher d'intervenir.

- Je pars pas en Irak.

- La Sardaigne, c'est dangereux, insista Miss Gudu.

Raffaella tremblait mais parvenait à dominer son exaspération ; Françoise s'inquiétait de plus en plus, elle pressait ses mains l'une contre l'autre au point d'en blanchir les articulations et moi, j'attendais la chute.

- Dangereux !

- Bah la Sardaigne, c'est tout proche de la Sicile !

- Et alors ?

- Tu ne te rends pas compte ou tu le fais exprès, Françoise. C'est dan-ger-eux la Sardaigne je te dis.

- Y'a pas de danger en Sardaigne, aboya Raffie.

- Bien sûr que si ! Faut pas emmener des jeunes enfants dans ce genre de pays.

- Que pourrait-il arriver à mes enfants ?

- C'est bien connu, en Sardaigne, les enfants risquent de se faire enlever par la Mafia.

A ce moment-précis, Raffie explosa d'une colère toute italienne ; Françoise rebroussa chemin et quitta la pièce avec quelque part dans la tête, l'embryon d'un doute ; et moi je riais, je riais...

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