Chapitre 29

102 27 46
                                    

Aryeh avait dû perdre connaissance car, lorsqu'il rouvrit les yeux, il était seul dans son lit, la pièce plongée dans le noir, un fin filet de lumière perçant à travers les rideaux clos. Il plissa les yeux, tentant vainement de déceler quelque chose dans ce qui l'entourait.

Tout son corps pulsait, endolori, sa cuisse étant le point névralgique de toute sa souffrance. Il pouvait sentir le gouffre que la soigneuse avait ouvert dans sa chair. Il dut lutter contre tous ses instincts pour ne pas se redresser. Il se souvenait que bouger causait l'accélération de la propagation du poison. Et s'il en croyait l'odeur métallique qui flottait toujours dans la pièce, il avait perdu beaucoup de sang. Ce qui expliquait beaucoup de choses.

Il ignorait quelle heure il pouvait être mais il sentait qu'il allait devoir attendre un bon moment avant que quelqu'un ne vienne voir son état. Lorsque la porte s'ouvrit, il s'attendit à la soigneuse ou à Lixian. Pas au capitaine. Au fond, il n'aurait pas dû être aussi surpris. Il était évident que le capitaine allait venir voir ce qui arrivait à l'héritier qu'il était supposé protéger. Sans un mot, il se dirigea vers les rideaux et les ouvrit.

L'afflux brutal de lumière força Aryeh à cacher ses yeux derrière son bras. Lorsqu'il put les rouvrir, le capitaine avait éteint sa bougie et s'installait dans un siège posé à côté du lit. Sa large carcasse fit grincer l'osier et écarta les accoudoirs. Ce n'était pas le genre d'attitude qu'il aurait dû avoir mais Aryeh ne dit rien. Lui aussi devait être fatigué de leur bataille et de sa nuit à veiller sur ses hommes.

- Comment vous sentez-vous ? questionna-t-il.

- Aussi bien que possible quand on vient de me vider de la moitié de mon sang et de me découper une bonne partie de la cuisse. Je ne suis pas près de sortir d'ici, à ce que j'ai compris.

- Son Excellence a accepté de nous loger jusqu'à ce que nous puissions repartir. Il en va de même pour les rescapés Sereins. Nous allons être quelques peu serrés dans la citadelle mais c'est mieux que rien.

Sans comprendre pourquoi, Aryeh se sentit soulagé de savoir que ses hommes restaient ici avec lui. Il avait songé à les faire repartir à Rothena pour assurer la protection de la capitale. Cependant, maintenant qu'il avait l'occasion de donner l'ordre, il demeura silencieux. Il préféra demander les chiffres, tentant d'évaluer les dégâts subits par les deux escadrons.

Ils étaient encore en train de refaire la bataille lorsque la soigneuse arriva pour sa saignée matinale. Le capitaine resta dans le siège, la main sur le pommeau de son épée, les yeux vigilants. Ils avaient beau à peine se supporter, le capitaine serait toujours prêt à le défendre.

Aryeh regarda le sang rouge foncé dévaler sa chair et tomber dans la bassine avec fascination. Le plus perturbant était ces filaments argentés qui s'échappaient en même temps que la rivière de sang. Le poison semblait posséder sa conscience propre, tentant de s'accrocher aux chairs plutôt que de tomber dans la bassine.

- Je n'ai jamais rien vu de pareil, souffla le capitaine.

- Vous allez le voir encore souvent si les Bannis sont décidés à tricher, rétorqua Aryeh, les dents serrées. Même se battre, ils ne peuvent pas le faire sans stratagème tordu.

- Récupérer le poison de la racine-de-vent argentée est une entreprise très longue et difficile, intervint la soigneuse. Ils ne l'utiliseront pas à chaque fois, c'est impossible.

- À part s'ils ont déjà fait leurs provisions. Ce qui ne m'étonnerait pas tant que ça.

- J'ignore si cela est possible. La racine-de-vent argentée est une plante très rare, même à Steelhaven. On ne peut tirer que très peu de poison d'une fleur qui meurt une fois qu'on lui a enlevé ses pétales. Donc je persiste à dire qu'ils ne doivent réserver ce poison qu'aux grandes occasions.

When Settles the DustOù les histoires vivent. Découvrez maintenant