Chapitre 31

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Elara était fourbe. Il aurait dû s'en souvenir. Ce n'était pas comme si c'était une nouveauté. Pourtant, il se fit avoir bêtement. Il n'avait pas songé qu'elle trouverait une excuse pour esquiver le déjeuner en famille et apparaîtrait sur le seuil de sa chambre, un plateau dans les mains. Le sourire qu'elle lui envoya était victorieux.

- Enfin je vous trouve éveillé ! lança-t-elle, ouvertement moqueuse.

Elle savait depuis le début qu'il faisait semblant de dormir. C'était désormais une certitude. Elle l'avait su et l'avait bercé dans une fausse sécurité en venant toujours aux mêmes moments pour pouvoir le prendre par surprise.

Il se retint de grimacer pour ne pas lui donner de semblant de victoire. C'était la dernière chose dont elle avait besoin. Elle était déjà bien trop fière d'elle.

- Être vidé de mon sang toutes les trois heures a tendance à m'épuiser, rétorqua-t-il, la voix aussi neutre que possible.

Elle posa le plateau à côté de lui et s'assit dans le fauteuil, comme à son habitude. Elle avait fait plus d'efforts qu'il n'était naturel d'en faire pour une simple visite de courtoisie. Sa robe était blanche et tombait sur ses pieds. Ce qui l'habillait était le drapé bleu roi brodé de motifs floraux et du traditionnel dragon blanc qu'elle portait par-dessus. Une large ceinture assortie marquait sa taille et une cape bleue bordée d'un motif blanc couvrait ses épaules. Elle avait relevé ses longs cheveux noirs en une coiffure compliquée ornée d'un peine en ivoire d'où pendait l'une des breloque en jade que tout le monde associait à la confrérie du Dragon Blanc. Il n'osa lui prêter plus d'attention que nécessaire mais il était certain qu'elle s'était maquillée. Son visage paraissait plus pâle et ses yeux, proéminents.

Si elle pensait qu'il suffirait de beaux habits et d'yeux de biche pour lui faire oublier son comportement, elle était une idiote. Aryeh garda son visage fermé, les yeux froids. Il ne lui donnera pas la moindre chose à laquelle s'accrocher. Il la voyait comme l'un de ces poulpes de la Mer de Jade dont les longs tentacules s'enroulaient autour des victimes au premier signe de faiblesse et serraient toujours plus jusqu'à presser la vie hors de sa proie.

- J'ai appris que le poison se faisait moins virulent, ces jours-ci, dit Elara pendant qu'il mâchait une bouchée de poisson.

Il haussa les épaules en guise de réponse. S'il pouvait éviter d'avoir à lui répondre, il le ferait. Elle comprendrait rapidement qu'il n'était pas intéressé et se ferait une raison.

Enfin, ça, c'était ce qu'il espérait. Il doutait qu'elle soit suffisamment censée pour ça, cependant. Elle allait s'accrocher jusqu'à ce que quelqu'un d'autre y mette un terme. Peut-être que s'il intercédait auprès de Amsden Belka...

- Ce n'est pas très poli de ne pas répondre.

- Ce n'est pas très poli de fixer quelqu'un pendant qu'il mange, rétorqua-t-il froidement. Ou d'imposer sa présence lorsque celle-ci n'est clairement pas la bienvenue.

Elle balaya sa remarque d'un gracieux geste de la main. Il ne put s'empêcher de la comparer à son frère. Ils possédaient la même grâce dans leurs mouvements, chaque geste devenant le pas d'une danse connue d'eux seuls. Et pourtant, il y avait quelque chose de délibéré chez Elara qui était absent chez Lixian.

- Je ne me fais pas de souci à ce sujet. Vous prendrez l'habitude.

- J'en doute fortement. Il n'y a rien de plus disgracieux chez une femme que de s'attarder là où elle n'a pas sa place. Ou d'agir comme un pilier de bar en fixant la personne en face d'elle.

Des plaques rosées apparurent dans le cou de la jeune femme. Si elle pouvait maîtriser son visage pour qu'il ne reflète pas la vexation qu'il venait de lui infliger, son corps, lui, n'obéissait pas aux ordres.

When Settles the DustOù les histoires vivent. Découvrez maintenant