Avril - 7

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Le Capitole n'est pas une personne à proprement parlé, mais toute une population. C'est la capitale de Panem, le "pays" de Hunger Games, où les gens les plus riches et les plus aisés vivent. Je les inscrits dans ma liste de méchants tout simplement parce que pour eux, voir des gamins se faire tuer dans une arène, c'est amusant. Ils parient sur des gens, sont tristes quand leurs préférés meurent, comme s'il s'agissaient d'une série, et non de véritables personnes derrière. 

Lorsque je passe la porte de chez moi en ce dimanche soir, il est dix-sept heures quatorze. J'ai rajouté un quart d'heure sur le timing que j'avais donné à Asra pour éviter de faire une mauvaise rencontre. Je rentre dans le vestibule à petits pas, de peur de surprendre les adieux déchirants entre un frère et une sœur qui ne se voient jamais. Fort heureusement, lorsque j'arrive dans la cuisine pour me servir un verre d'eau pétillante, Asra est seule. Elle a posé ses mains sur une tasse de ce que je devine être du thé. Elle sourit mélancoliquement, mais n'ouvre pas la bouche. Moi, toujours un peu fâché de la manière dont elle m'a parlé samedi, je décide que je ne lui ferais pas ce plaisir.

— Je suis désolée, finit-elle par déclarer, alors que je referme la porte du frigo. Pour ce week-end. Je t'ai mis dans une boîte.

— J'ai l'habitude, Asra. T'en fais pas.

Je me mens à moi-même. J'avais l'habitude, avant. J'endossais ce rôle avec joie, parce que c'est celui qui convenait à tout le monde. Curtis ou Adil, le connard de service. Celui qui finira sa vie tout seul comme un caillou, ou marié à une fille qu'il n'aime pas. Un mec qui s'est renié toute sa vie, et qui ne s'est jamais accepté tel qu'il est. Un Pakistanais bisexuel.

Mais je ne suis plus cette version de moi. Je ne veux plus être dans cette boîte. Je la hais de tout mon cœur, parce que c'est la boîte du monstre. C'est celle qu'il me balance à la figure dès qu'il sort du placard et qu'il prend ma place. Et je ne veux plus y rentrer. Parce que depuis que j'ai rencontré Samuel, depuis que j'ai accepté mes sentiments pour lui, j'ai envie de brûler la boîte. Et je sais qu'un jour, je trouverais la bonne formule pour que ça soit fait.

— Non. Tu ne dois plus l'avoir, cette habitude. Ce n'est pas normal. Tu es en train de changer. Tu as pris tes responsabilités vis-à-vis de tes actions passées et tu veux changer. Je crie ça sur tous les toits, dès que la moindre personne te catégorise sans te connaître, mais je ne suis pas capable de l'appliquer à moi-même.

— Tu as téléphoné à Sheridan ? On croirait que tu t'es fait remonter les bretelles.

Elle m'offre une moue contrariée, je sais que j'ai visé juste.

— Non. Je savais très bien ce qu'il allait me dire, alors je me suis remonté les bretelles moi-même.

Je manque d'éclater de rire dans mon verre d'eau pétillante. Il manque quelque chose pour que ça soit bon. J'ouvre à nouveau le frigo, pendant qu'Asra continue.

— Il risque quand même de me remonter les bretelles.

— Pourquoi ? Vous avez une politique d'honnêteté absolue entre vous ? Surtout qu'en soi, ça ne concerne pas votre couple.

— Bah, Sheridan est ton pote. Et tu vas sans doute te plaindre que tu as dû passer le week-end à l'hôtel parce que ta famille est en carton.

Je déniche une bouteille de sirop de menthe, et je souris de toutes mes dents. Je ne savais plus qu'il nous en restait. Il y a même de la limonade. Je vais pouvoir me faire un diabolo.

— Une partie de ma famille est en carton, comme tu dis. J'ai une sœur plutôt exceptionnelle si tu veux mon avis. Elle n'est pas parfaite, mais bon, ça serait drôlement chiant.

Ciel d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant