Aujourd'hui, c'est le grand jour. Celui où je commence ma toute nouvelle vie. Aujourd'hui, je vais obtenir les clefs de mon premier appartement en solitaire, dans une ville que je ne connais absolument pas.
Le rendez-vous est assez tôt dans la matinée, et je suis le seul réveillé. J'ai réussi à m'extirper des couvertures et surtout des bras de Samuel pour passer à la salle de bain et m'habiller. Et lorsque je reviens dans la pièce à vivre pour prendre mes affaires — je compte bien visiter un peu après cette sortie — je le retrouve en appui sur son coude en train de me fixer.
— Tu t'en vas comme un voleur ? Sans même un au revoir ?
J'ai pris ma décision hier soir. Celle de m'y rendre sans personne. Et maintenant, il va falloir que je m'explique avec la personne principalement concernée.
— Je comptais bien te dire au revoir, t'inquiète pas. Et je reviens. Ce n'est pas comme si je piquais le van et que je rentrais à Belfast sans personne.
— Je voulais t'accompagner. Découvrir ton appartement avec toi. Et sans doute l'inaugurer.
Je souris de travers. Ça ne m'étonne pas et je m'abstiens de dire que la même idée a traversé mon esprit.
— Je me doute. Mais j'ai besoin de faire ça seul. De franchir cette étape seul. Et puis...
Je pose une main sur sa joue, et mes doigts jouent immédiatement avec ses oreilles.
— Je dois montrer au monstre que c'est moi qui aie gagné. Que le genre de sortie qu'il a faite au début du voyage n'est plus possible. Et que j'aimerais qu'il s'étouffe bien fort dans son orgueil.
Je rapproche d'autant plus de Samuel, et mon souffle atterrit tout contre son visage. Bien malgré lui, il rougit au contact.
— Et pour l'inauguration, je compte bien la faire. Dans chacune des pièces, sans la moindre exception. Et là, j'aurais besoin de toi. Tout seul, c'est vachement moins marrant.
Je lui colle un baiser sur la joue que je tenais, et je m'en vais. Si je reste trop proche de lui, je sais que je ne vais plus vouloir décoller de la chaleur de ses bras. Au moment où je ferme la porte, je l'observe se rallonger, un sourire aux lèvres, la main posée sur le ventre.
***
Je suis en avance. Je n'ai pas pu m'en empêcher et je me suis activé en prenant le train me ramenant en ville. Sheridan a vraiment fait un très bon travail en sélectionnant cette auberge de jeunesse. Je n'avais pas beaucoup à marcher pour arriver à la gare, et elle m'amène non loin de mon futur chez moi.
Comme j'ai les moyens, je me suis permis de sélectionner un appartement dans le centre. Étant donné que je compte bien retenter l'université l'année prochaine, je suis proche de celle-ci et je pourrais m'y rendre à pied, sans dépendre de transport en commun ou de ma voiture. L'immeuble a également un garage à la location pour garer les véhicules, et ça, c'était un gros point positif.
L'agent immobilier arrive à l'heure, avec son attaché-case sous le bras. Il me salue en me serrant la main et me fait monter. Je suis au dernier étage, qui est bien souvent le logement le plus grand et plus intéressant. J'avoue ne pas avoir fait très attention aux photographies en me promenant sur le site. J'avais besoin d'une disponibilité rapide, d'un endroit où laisser le bolide et d'un emplacement stratégique face à Trinity. C'est tout.
— C'est rare que les étudiants soient seuls, m'indique le jeune homme alors que nous sommes dans l'ascenseur. Habituellement, ils sont avec leurs parents.
— Eh bien moi, non. Je prends ma vie en main tout seul.
Il sourit avec une gêne grandissante. C'est sûr qu'il ne doit pas voir des gens comme moi très souvent. À peine âgé de dix-huit ans, et avec un compte en banque assez fourni pour payer les quelque deux milles six cents euros par mois — je ne sais même pas combien ça fait en livres sterling.
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Ciel d'hiver [BxB]
Teen FictionCurtis est un con depuis qu'il a dix ans. Trahissant son meilleur ami pour intégrer le groupe des enfants populaires (sans succès), il a tout fait pour rentrer dans les cases que lui impose la société, quitte à nier sa propre identité. Mais bien mal...