Juillet - 8

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Je fais tourner mon téléphone dans tous les sens. Je suis effroyablement stressé, mais je sais que je dois le faire. Il faut juste que je trouve les mots. Si je m'écoutais, je taperais quelque chose ressemblant trait pour trait à ça.

> Bon, écoute, on n'est pas doué pour parler, mais on doit y passer. Alors, faisons-le au skatepark en jouant au foot, parce qu'on est doués pour ça, justement.

Le monstre, qui a tenté un retour, essaie de marchander avec moi.

Mais t'as déjà parlé avec lui. Plusieurs fois. Après que tu aies foutu ton coup de poing, après votre rendez-vous chez la directrice, même sur ton lit d'hôpital ! Faut que tu arrêtes de te faire passer pour un gentil avec ta discussion officielle. Ça ne changera pas ta nature.

Et bizarrement, c'est ce qui me donne l'énergie. J'envoie le message tel que je l'ai écrit dans ma tête — de toute manière, Rio sait que je ne suis pas littéraire, et lui non plus. Ensuite, je laisse mon téléphone dans un coin, et je retourne sur mon ordinateur.

À la base, j'étais en train de jouer aux Sims, tout en réfléchissant à ce que je viens de faire. C'est pour me concentrer sur cette tâche que je me suis transporté sur mon lit, mon téléphone en main.

Maintenant que c'est fait, je peux revenir sur ma partie, et envoyer un de mes personnages dans l'espace. Il est dans la carrière d'astronaute et il a récemment terminé de construire sa fusée. Je suis très fier de cette réussite, parce que je mets un point d'honneur à jouer sans codes.

Certes, les Sims n'est pas forcément un jeu qui se veut réaliste ; on ne se marie pas après trois heures de relation. Mais sur cet aspect là du jeu, je veux que ça le soit. Dans la vraie vie, on n'a pas de motherlode ou de catching. On ne peut pas remonter ses besoins si on a faim. Et on ne peut malheureusement pas supprimer les personnes de la surface de la Terre par un malencontreux coup de tonnerre sauvage.

La seule chose que j'ai faite avec les codes, c'est tuer en boucle un personnage à l'effigie de Rahim. J'en avais mis huit dans la même maison, numéroté pour que je ne les confonde pas. Et je les ai tous tués, un à un, avec une joie incommensurable. Ça m'a fait beaucoup de bien, même si je ne suis pas celui qui a été touché par ses paroles affreuses.

J'ai montré à Curtis ma maison de la mort, et il a participé. Lui aussi, ça l'a déchargé de quelque chose. Je n'avais jamais vu quelqu'un pleurer devant les Sims, mais il m'a assuré que ce n'était rien. Certaines personnes hurlent dans des coussins quand elles sont en colère, nous, nous tuons nos ennemis dans un jeu vidéo.

Alors que mon Sims est en pleine exploration spatiale — dont j'espère qu'il rentrera indemne et avec une femme extraterrestre —, mon téléphone vibre sur mon bureau. Je l'attrape, le cœur battant à mille à l'heure.

> Ça me va. Dimanche, c'est bon pour toi ?

Ça sera après le bal, qui se tient demain, et après la remise de diplôme de Curtis. Je serais donc libre comme l'air.

> Tout à fait. On se retrouve là-bas ? Et prends un ballon de foot avec toi, on va en avoir besoin (les miens ont été volés par mes petits voisins).

J'obtiens un pouce levé pour toute réponse, et je souffle de soulagement.

— T'inquiète, Caleb, on va y arriver.

Et je ne dis pas ça uniquement pour son exploration spatiale.

***

Ce soir, c'est le grand soir. Ce n'est que le deuxième bal de ma vie, mais celui-ci est important. C'est le premier du nouveau moi.

Je suis accompagné et non en groupe, je ne traîne pas les pieds à l'idée de m'y rendre et je ne suis pas stressé parce que je vais retrouver certaines personnes. En réalité, je suis excité comme une puce.

Ciel d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant