Ma première idée est de prendre mes jambes, de prendre mon cou et de m'enfuir d'ici. Je n'ai aucune envie de rencontrer sa mère. Je n'en ai pas spécialement peur, mais je ne sais pas vraiment comment me comporter avec les parents. Le seul qu'il me reste n'est jamais là et de toute évidence, nous n'avons pas de relation normale entre un père et son fils. Avec Heather, c'était simple : j'ai moi-même une grande sœur, et elles sont pareilles. Elles ont surtout la même opinion sur nous ; elles trouvent que nous faisons ressortir tout le bien présent chez l'autre.
— Elle ne va pas te manger, Curtis. Je crois juste qu'elle veut voir à quoi tu ressembles, étant donné que tu viens de débarquer chez nous en courant comme si tu étais poursuivi par ton pire cauchemar, et ce, sans le moindre préavis.
— Certes.
Je me tourne enfin vers Samuel, et cherche ses yeux. Ça me rassure presque ; ils sont dans le même état que les miens. Complètement paniqués.
— Et elle avait quelle tête ? l'interroge-t-il.
— La bonne. T'inquiète.
Il acquiesce et me saisit la main. Nous avançons d'un seul pas, en refermant bien la porte derrière nous, accompagnés d'Heather, à qui il manque clairement un pot de popcorn pour nous observer. J'imagine aisément qu'elle n'a jamais eu affaire à ce genre de chose.
— Maman ?
Je serre les doigts de mon petit ami, et je me raidis, le dos bien droit. Je n'ai aucune envie qu'elle pense que je suis un garçon mal élevé qui ne sait pas se tenir dans une maison.
— Je suis à la cuisine !
Nous passons l'arche qui fait office de porte, et je découvre Madame Robertson en train de poser un pichet de limonade sur le centre de la table. Quatre verres ont été dressés, avec des pailles et des ombrelles. Je ravale un cri, parce que j'adore ce genre de trucs. Quand l'été arrive, Adil propose du thé glacé au salon de thé, et il met toujours des petits parasols. Leur couleur flashy et le kitch assumé de ces décorations me fascinent. Il ne s'est jamais moqué de moi, et m'en a même offert toute une collection. Je les ai dépliés dans un pot à crayons pour faire comme une jardinière de fleurs.
— Je suis désolée, c'est de la limonade industrielle. Je ne suis pas assez classe pour la faire moi-même avec des citrons bio.
— Oh, ne vous inquiétez pas. C'est ma faute. Je débarque de nulle part et je m'invite à moitié. En plus, j'adore la limonade. Et... hum... les parasols.
Je baisse un peu les yeux, honteux. M'exposer ainsi devant la mère de mon petit ami est légèrement risqué, mais je ne souhaite pas qu'elle se sente mal à l'aise en ma présence. J'ai envie de la rassurer. Je ne sais pas ce que Samuel lui a raconté sur moi, mais elle doit être au courant que je viens des quartiers riches. Je ne veux pas qu'elle ait le sentiment d'être inférieure à moi à cause de ça.
— Les parasols ?
— Je comprends que c'est ridicule, mais les petits parasols qu'on met dans le verre comme décoration, j'adore ça. Je les collectionne.
Les yeux bruns de Madame Robertson se dirigent vers ceux de Samuel et je réprimande un frisson. Elle doit se demander d'où je sors.
— Moi qui avais peur que tu sois prétentieux au possible parce que tu viens de la belle ville, je suis rassurée. Tu apprécies aussi les petits plaisirs de la vie.
Elle m'offre un grand sourire et je sais soudainement d'où Samuel tient le sien. Ce sont de vrais copiés-collés, mais pas dans le mauvais sens. Ils sont tous les deux chaleureux au possible.
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Ciel d'hiver [BxB]
Teen FictionCurtis est un con depuis qu'il a dix ans. Trahissant son meilleur ami pour intégrer le groupe des enfants populaires (sans succès), il a tout fait pour rentrer dans les cases que lui impose la société, quitte à nier sa propre identité. Mais bien mal...