Décembre - 1

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CURTIS

Dark Vador : méchant emblématique de la première saga Star Wars, créateur de la célèbre phrase "je suis ton père", a obtenu sa rédemption par la mort.

(Alcool)

Je me sens con. Incroyablement con, assis là sur mon banc. Je me les gèle, je n'ai pas pris mon téléphone portable et la seule chose censée que j'ai trouvé à faire est grignoter les bords de mon verre en plastique, quitte à me blesser les lèvres dans l'exercice. Oui, je me considère vraiment comme quelqu'un de très très con.

Et puis tout d'un coup, un autre con arrive. Je ne fais pas de jugement de valeur, je décris seulement ce que je vois devant moi. Un costume débraillé, une tête de six pieds de long, et un verre à moitié mangé sur les bords. Il passe une aussi bonne soirée que moi, à ce que je peux deviner. Bien. Je me sentirais moins seul à broyer du noir.

— Tiens, je pensais que j'étais l'unique con ici, commence-t-il en s'installant à mes côtés, de la même manière que moi.

Ses mocassins de cours couinent sur le fer du banc lorsqu'il monte sur le dossier pour s'assoir sur le dessus. C'est une habitude que j'entretiens depuis le collège. Ça me donne une forme d'importance. Mes potes me disent que ça fait vaniteux.

— Bah non. Bienvenue dans le groupe des cons anonymes. Ici, on ne fait rien, tout en ne se posant pas de questions. Une belle activité en somme.

Je lui arrache une sorte de rire et je tourne les yeux vers lui. Je suis surpris. Je pense que c'est le punch alcoolisé qui fait ressortir mon ironie et mes pensées qui ne sont pas bien formulées. Je n'en ai rien à faire. La soirée est tellement chaotique qu'un peu plus, un peu moins, ça ne sera pas fondamentalement différent.

— D'accord. Ça me va.

Je recommence à grignoter mon gobelet en fixant le vide droit devant moi. Présentement, sa présence ne change pas grand-chose à ma vie. Même si une partie de moi se sent moins seule et souhaite soudainement se mettre à parler. Je ne suis pas comme ça, d'habitude. Je suis quelqu'un de timide, de réservé. Je déteste par-dessus tout me faire remarquer, pour quoi que ce soit — sauf peut-être le jour où j'ai décidé de me teindre les cheveux.

— Et si j'ai envie de causer ? Tu vas me virer du groupe des cons anonymes ? reprend-il, me fixant droit dans les yeux.

Je capte ses iris noisette et je souris discrètement. C'est à mon tour de me retourner vers lui. Je pense qu'il devine la couleur qui habite mon regard, parce que le sien s'écarquille joliment. Ça fait souvent ça, la première fois. Apparemment, et d'après ma sœur, mes yeux sont si translucides qu'ils font peur et fascinent en même temps. La dernière fois qu'on m'a observé de cette manière, c'était en plein été, près d'une plage. Et je n'ai pas spécialement envie de me souvenir de ce moment.

— Je ne te virerais pas. Mieux encore, je t'écouterais. Enfin, si ça ne te dérange pas.

— Non. C'est bon. De toute manière, faut que ça sorte. Alors, avec un parfait inconnu, c'est plus facile.

Je peux comprendre, même si je n'en ai jamais fait l'expérience. Quoique. Je pourrais commencer aujourd'hui. Avec lui.

— Je me présente, Samuel, con depuis six mois environ. C'est à cette date-là que je me suis rendu compte que je regardais peut-être un peu trop un de mes coéquipiers de foot et que ça m'a fait flipper. Parce que je ne veux pas être comme ça, je ne veux pas m'intéresser aux gars comme je le fais avec les filles. Ça m'énerve. Ça me met en rogne. Alors je lui ai fait des trucs horribles. Vraiment horribles. J'ai toujours été un gentleman avec mes copines, et voilà que je me transforme en parfait connard dès que je m'approche des garçons. Et lorsque j'ai pensé que c'était fini, que ce n'était qu'une petite passade, ça a recommencé, avec un autre. Et moi, j'ai retrouvé mon costume de con. Et je ne suis même pas capable de demander pardon, parce qu'on aurait sans doute l'impression que je me trouve des excuses, que j'essaie de me dédouaner. Crois-moi, quand je te dis que je me déteste, c'est vrai. C'est moi qui suis dans l'impossibilité de me pardonner en fait.

Ciel d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant