Août - 7

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Pardon. J'étais obligée. 


Nous décidons de camper non loin de l'endroit où nous avons mangé : c'est calme et il y a une douche de plage. Enfilant nos maillots de bain, nous allons nous frotter la peau avec du savon, en prenant bien garde à ce qu'il s'évacue bien dans les égouts. Notre camping n'a pas du tout comme credo de faire n'importe quoi avec la nature. L'unique problème avec cette douche, c'est que c'est froid. Nous rentrons complètement frigorifiés, et ma seule envie, c'est de m'enrouler dans mon sac de couchage. C'est ainsi que cinq asticots se retrouvent autour de la table pour jouer aux cartes et hurler les uns sur les autres.

Je l'avoue sans la moindre honte : je suis un horrible mauvais joueur. Je déteste perdre, à n'importe quel jeu d'ailleurs. Je peux même devenir assez violent lorsque j'estime que j'aurais dû gagner. Le problème, c'est que Coby est comme moi. Si nous sommes revenus bras dessus bras dessous de notre discussion sur la plage, surprenant nos camarades, toute l'émotion a été oubliée sous les cris qu'on se balance parce que l'un a volé la victoire à l'autre.

— T'es effrayant, me glisse Samuel alors que nous préparons notre lit. Franchement effrayant.

— Désolé. Je n'ai pas honte, mais c'est vrai que je ne crie pas sur tous les toits que je suis un gros mauvais perdant.

Contre toute attente, il me sourit de toutes ses dents avant de déclarer.

— Il y a une part de moi qui aime bien. Ça fait méchant.

— Tu apprécies quand je suis méchant ? dis-je en levant un sourcil.

— Non. Ça me rappelle juste notre rencontre. Et j'adore m'en souvenir. Parce que sans ça, je... je ne serais définitivement pas la même personne.

J'essaie de ne pas trop bugger, et je me glisse sur le matelas qui a été étendu. En face de nous, Coby roupille déjà comme un bienheureux sur sa table-lit, des bouchons dans les oreilles. Je baisse quand même la voix pour répondre.

— Si je suis effrayant, toi, t'es bizarroïde.

— Bizarroïde ? Carrément ?

— Tu me fais une déclaration en pointant un défaut. T'es bizarroïde.

Je me glisse comme un asticot sur le matelas et je sors un bras de la chaleur. Je pose ma main sur la joue de Samuel, qui me sourit.

— Mais t'es mon bizarroïde à moi.

Nos regards se fondent et je sais exactement ce qu'on veut. Nous n'étendons plus de bruit venant d'en haut, et Coby a déjà commencé à ronfler — nous utilisons également de bouchons. Personne ne nous surprendra si nos lèvres se joignent.

Le problème, c'est qu'il faut réussir à s'arrêter, et que ma libido ne semble pas de cet avis. C'est insupportable parce que je passe non seulement pour un obsédé, mais aussi, car je suis incapable d'embrasser mon copain sans en vouloir plus. Heureusement, il est le sérieux de notre couple et me stoppe avant que ça dérape. Je fais tourner un film d'horreur au fond de ma tête pour que la chaleur redescende.

— On se trouvera un moment, je te le promets. Juste... pas au milieu de notre groupe d'amis.

Il m'embrasse le cou pour sceller notre accord et nous fermons les yeux en même temps, les bouchons au fond de nos oreilles.

***

Nous restons un jour de plus à la péninsule d'Inishowen avant de prendre la route vers le Connemara. D'après internet, que Coby écume lorsqu'il n'est pas de conduite, cette région de notre pays aurait été mise en musique par un vieux chanteur français, et reprise par beaucoup d'entre eux.

Ciel d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant