Juillet - 3

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Avec les A-Levels qui arrivent à grands pas, les profs nous lâchent la bride quant à notre présence en cours. Nous avons le choix de réviser en classe sur des morceaux spécifiques des programmes, ou nous débrouiller à la maison, gérant ainsi notre temps comme bon nous semble. Et j'avoue que cette particularité est très pratique pour moi. Parce que je suis chargé d'une mission.

Au fond de mon sac en toile se promène une lettre très importante. Celle que Curtis a adressée à Kohei, que je connais bien plus sous le nom d'Eliot. Il me l'a lue le soir même du rendez-vous avec la psychologue, assis en tailleur sur son lit, les yeux plantés sur l'écriture de Madame Row. Il l'a un peu retravaillée, avant de la réécrire lui-même. Je lui ai proposé de prendre aussi en charge cette partie-là — en plus de mon rôle de postier. Mais il a refusé. Je l'ai aperçu ravaler ses larmes plusieurs fois, et j'en ai eu le cœur brisé. Nous avons encore dormi ensemble — et simplement dormi — et je l'ai serré dans mes bras, lui embrassant successivement le haut du crâne et le cou.

— Avec toi dans mon lit, je ne vais pas vouloir me lever. Rester entre tes bras, c'est bien mieux, m'a-t-il dit au moment où nous avons ouvert les yeux.

Et en effet, nous avons eu du mal à nous décoller l'un de l'autre. J'ai même osé faire une petite blague sur notre avenir.

— Si ça se trouve, nos week-ends vont ressembler à ça en septembre. De longues heures au lit avec toi. Juste à nous regarder, à nous embrasser et à passer délicatement nos mains dans nos cheveux.

— Ah, mais totalement. Surtout chez moi. Personne pour nous déranger. Personne pour nous sommer de venir manger tant que c'est chaud. Personne pour nous surprendre dans une position compromettante. Ça va avoir un goût de liberté.

Son sourire était lumineux à souhait quand il m'a déclaré ces mots. Moi, j'avais encore un peu de mal à y croire, parce que j'ai passé un peu moins de deux mois à entendre que les relations à distance sont faites pour échouer. Alors j'ai laissé ma curiosité parler, au risque de me râper le cœur dans l'exercice.

— Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ? Je suis super heureux que tu veuilles continuer avec moi, hein.

J'avais attrapé sa main pour la poser contre mon cœur qui battait la chamade.

— Mais, avais-je repris, je ne comprends pas ce retournement de situation.

— C'est à cause de la Pride. Je... je sais que ce genre de phrase est super cliché, surtout dans la bouche d'adolescents comme nous. Peut-être que je me moquerais de moi dans dix ans en disant que je suis plus mielleux que le miel. Mais... quand tu m'as soutenu après l'attaque de Rahim, j'ai su que je ne savais plus quoi faire sans toi. Que tu es un pilier. N'aie pas peur, je ne te donne pas tout le crédit du fait que je vais mieux et que le monstre a appris à se taire. Il y a l'association qui m'aide énormément et le travail avec la psychologue. Mais tu en fais partie, Samuel. Je t'aime. Et je sais que je devais te rencontrer à ce bal horrible, pour que tu m'aides à m'aimer.

Il en a eu les larmes aux yeux en me disant cela, les mains collées sur mes joues. À travers les larmes, sans doute présentes dans ses pupilles à cause de l'évocation de son frère, il a continué.

— Alors je ne peux décemment pas te laisser partir parce que j'ai peur de la suite de cette histoire, parce que j'ai peur de quitter Belfast et toutes mes petites habitudes, et que j'ai peur de ma gestion du manque. La peur engendre le monstre. Et comme dirait quelqu'un que je respecte beaucoup : la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance.

— Asra est super philosophique, dis-moi.

Il en avait ri, avant de me planter un baiser sur les lèvres. Ça me faisait tellement de bien de le voir comme ça, presque heureux.

Ciel d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant