Août - 1

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J'aime d'amour ce chapitre. 


C'est pendant une chaude journée d'été que ça arrive. Cette impression de vivre dans un film d'horreur et de sursauter à quelqu'un toquant à la porte.

Je suis dans la cuisine avec ma sœur, et nous nous préparons les milk shakes les plus rafraîchissants possibles. Nous nous fixons en haussant les épaules.

— T'attends quelqu'un ?

— Non, personne. Samuel est chez sa grand-mère et Coby finalise notre superbe moyen de locomotion pour les vacances. Et toi ?

— C'est pas du style de Sheridan d'être cinq heures en avance, annonce-t-elle en riant.

Je me dévoue pour aller ouvrir, presque suspicieux. Nous ne sommes pas souvent dérangés par des inconnus. Les personnes qui viennent nous rendre visite sont toujours invitées.

Sur le coup, je pense à Rahim et mon cœur s'affole dans ma poitrine. Ce n'est pas son genre de débarquer sans prévenir personne, surtout si je suis là. La preuve, il n'a même pas averti Asra de sa venue en juin.

J'essaie de me rassurer en me disant que c'est un livreur qui s'est trompé de maison. Ça nous est déjà arrivé une fois, l'année dernière, et le pauvre bougre était tout confus. Il nous a même offert un bon de réduction pour le restaurant dans lequel il travaillait, pour s'excuser. Avec Asra, on s'est régalé et on a laissé un gros pourboire.

Je pose la main sur la poignée en soufflant et en ignorant parfaitement le monstre au fond de mon estomac, qui se réjouit d'avance de ce qui se trouve derrière cette porte. Pour lui, c'est forcément du négatif.

J'ouvre enfin et j'écarquille les yeux comme des billes. Revoilà le scénario de film d'horreur. La victime qui est choquée au possible avant de se faire trucider par le meurtrier. Sauf que ce n'est pas un meurtrier qui a toqué. C'est Kohei.

Je me fige complètement sur le pas de la porte. Une pulsion hurle en moi de la refermer avec force, en faisant comme si rien ne s'était passé. Mais l'autre la réfrène. Parce qu'il n'a pas fait tout ce chemin pour rien. Et qu'il a l'air aussi perdu que moi.

— Bonjour Adil. Est-ce que je te dérange ?

J'ouvre la bouche et je me transforme en poisson. Je ne sais pas quoi dire. Le minimum serait de lui rendre sa salutation, mais même ça, c'est bloqué au fond de ma gorge. Kohei soupire de manière presque imperceptible, avant de faire demi-tour.

— Je te présente mes excuses. Je n'aurais pas dû arriver à l'improviste. Tu dois être occupé.

Mon corps se réveille sur cette réplique, et je tends la main pour le rattraper dans sa course. Il se retourne violemment, et ses iris noirs d'encre se fondent dans les miens. Il transpire la détresse.

— T'en vas pas, s'il te plaît. Je suis désolé. Je suis juste... surpris. Je pensais que ma lettre allait finir dans un barbecue. Si je me souviens bien, il n'y a pas de cheminée chez toi. Et vu la saison...

Mais qu'est-ce que je raconte moi ? J'ai l'impression d'être sorti de mon corps et de m'observer interagir avec Kohei. Et ce que j'entends ne me plaît pas beaucoup.

Je le lâche enfin, et je redoute qu'il s'enfuie en courant. Mais il reste là, et continue à me fixer. C'est une vraie torture de soutenir son regard. Parce qu'en huit ans, il n'a pas beaucoup changé — il porte simplement des lentilles.

— Est-ce que tu veux aller te promener ? Pour...

— J'accepte.

J'attrape mes clefs sur le vestibule de l'entrée, et je la ferme derrière moi. Asra nous a sans doute entendus depuis la cuisine, si bien que je ne la préviens même pas. Je glisse les mains dans les poches de mon bermuda, et je commence à marcher. J'avale ma salive bruyamment, ne sachant pas quoi dire.

Ciel d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant