— Je ne sais si je te l'ai dit, mais je suis incroyablement fière que tu sois là avec moi. Et qu'on se prépare ensemble.
Ma sœur est en train de me tracer des bandes de couleurs sur les joues en m'avouant cela. Nos iris, qui se ressemblent beaucoup sans être pour autant jumeaux, se croisent et elle sourit. Je peux presque déceler une larme au coin de son œil droit.
— Non, tu ne me l'as pas dit. Je suis heureux de l'entendre.
— Je sais que ces derniers jours, j'ai été un peu... comme un dragon à l'association, et que je t'ai envoyé paître quand t'as voulu faire une remarque, et j'en suis désolée. J'espère que tu as compris que je n'avais rien contre toi spécifiquement.
— T'aurais peut-être dû employer un vocabulaire différent que va te faire foutre, Samuel.
Je souris de toutes mes dents, surtout pour faire rebondir mes joues. Je ne voudrais pas que le drapeau aromantique soit raté. Il est important pour moi. Mais cette expression faciale me permet également d'être un peu sarcastique avec ma grande sœur, parce que j'ai encore notre entrevue de mercredi dernier au travers de la gorge.
Suite à la remarque que j'ai établie avec Stanislas samedi, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai demandé un rendez-vous avec l'équipe d'organisation de l'association. J'ai attendu patiemment qu'on me réponde, et j'ai exposé mes idées.
— Pourquoi les gens sont-ils obligés de se contenter d'une seule couleur ? Beaucoup d'entre nous appartiennent à plusieurs familles en même temps et ne veulent pas en favoriser une par rapport à l'autre. Certes, on peut avoir plusieurs cartons, mais pourquoi ne peut-on pas les porter en même temps dans notre arc-en-ciel géant ?
— Parce que sinon, il va être dénaturé. Ça ne dure pas longtemps, juste au début, m'avait répondu Liam. Après, tu es libre de faire ce dont tu as envie, je te le certifie.
— Mais justement, ce n'est pas le but de cette association ? On est loin d'être parfaits, d'être tout lisses. Donc, pourquoi ne pas proposer un arc-en-ciel un peu déstructuré, pour montrer que malgré nos couleurs différentes et nombreuses, nous sommes capables de nous assembler et d'être fiers de nous ?
— Certes, mais... tout le monde n'est pas un Arc-en-Ciel Anonyme, Samuel. Certaines personnes... ne sont pas pour qu'on soit connus uniquement à cause de cette particularité.
C'est à ce moment-là que j'ai compris que ma sœur était à l'origine de tout ça. Elle, qui le jour où elle a compris qu'elle était lesbienne, me l'a immédiatement annoncé, sans la moindre peur ni la moindre honte. Tout l'opposé de moi.
— Mais...
— Va te faire foutre, Samuel. Si tu voulais exposer tes idées, il fallait t'engager dans l'organisation. C'est ta première Pride, et au début de l'année, tu n'étais même pas capable de franchir le pas de la porte, parce que tu avais trop honte. Alors s'il te plaît, ferme-là et laisse-nous bosser. T'es le seul à te plaindre, m'avait répliqué Heather avec toute sa gentillesse.
J'en avais hoqueté de surprise, soufflé par le vocabulaire employé et j'avais hoché la tête, acceptant mon sort. Ensuite, j'avais envoyé un SMS incroyablement salé à Curtis, et je l'avais supplié de m'accueillir pour la nuit. Heather ne s'est excusée que le lendemain soir, après son travail. Je n'ai pas eu l'impression qu'elle était sincère.
— Certes. Mais j'étais stressée. Je le suis toujours. Si tu étais à ma place, tu comprendrais.
— Oui, je sais. Tu me l'as déjà dit.
Je retiens ma remarque sur le bout de ma langue. Je sais que sur cette question-là, on ne sera jamais d'accord avec Heather. Inutile de remuer le couteau dans la plaie.

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Ciel d'hiver [BxB]
Teen FictionCurtis est un con depuis qu'il a dix ans. Trahissant son meilleur ami pour intégrer le groupe des enfants populaires (sans succès), il a tout fait pour rentrer dans les cases que lui impose la société, quitte à nier sa propre identité. Mais bien mal...