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Bip... Bip... Bip...

L'électrocardiographe joue toujours la même partition. Récurrente, monocorde, rassurante d'un côté... l'interminable refrain d'une berceuse. À l'inverse, le corps dans le lit d'hôpital est bien silencieux. C'est encore un petit funambule avançant sur le fil de la vie.

Bip...

Il vacille.

Bip......

Il glisse.

Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii.............

Il chute.

Plouf !

Fin de la berceuse. La partition s'est achevée.

Dans le lit d'hôpital, le corps est sage comme une image. Il ressemble au drap qui recouvre désormais son visage.

Froid. Muet. Sans vie.

On peut entendre la pluie couler sur deux paires de joues.

***

Aimée se réveille en sursaut, couvertes de ses habituelles sueurs froides. Il lui faut plusieurs secondes pour qu'elle se reconnecte à la réalité, tâtant la couette et l'oreiller de petits coups nerveux. Tout est tangible, visible, elle ne rêve plus. Encore ce cauche­mar, pense-t-elle une fois calmée. Seule différence notable : le son de l'électrocardiogaphe s'est confondu avec celui d'un réveil matin.

Biiiiiiiiiiiiiiiiiip.... Biiiiiiiiiiiiiiip....

Tout à coup, le bruit s'interrompt. Quelqu'un se recouche derrière le dos d'Aimée. Il glisse sa main dans sa chevelure brune, la caresse un instant, puis noie ses doigts dans la myriade de boucles. Comme si son alarme de 6h30 ne s'était jamais déclenchée, il se rendort. De toute façon, il lui reste celles de 6h35, 6h40, 6h45...

Avec précaution, Aimée se retourne aux creux de ses bras. Elle relève la tête pour attraper ses lunettes posées sur la table de chevet et les repousse sur son nez. Ses yeux gourmands dégustent le visage du garçon. Une mèche caramel s'est faufilée entre ses lèvres et termine sa course en arabesque, contre la peau laiteuse de sa nuque. Le son paisible de sa respiration et des battements de son cœur rassure Aimée : sa partition à lui n'est pas prête de s'arrêter.

Elle s'approche silencieusement et effleure sa paupière d'un baiser.

— Corey, lui chuchote-t-elle. Corey, il est l'heure de se réveiller.

Du mouvement, un léger grognement, une main qui passe devant des yeux endormis... Les pau­pières s'ouvrent au ralenti. Deux billes d'émeraude apparaissent, aussi claires et scintillantes que l'eau d'une rivière. Elles attrapent les prunelles d'Aimée avec cet éclat joueur qui les rend si irrésistibles. Les iris vert pâle de Corey Meyer sont décidément un paysage bucolique dans lequel on aimerait se promener rien qu'une heure, si ce n'est rien qu'une vie entière.

Son sourire s'élance pour embrasser le sien. Aimée a toujours du mal à réaliser que ses lèvres touchent les siennes, que tout ceci n'est pas un énième songe et qu'elle se réveillera seule et sans personne pour l'aimer. Mais la voix de Corey lui paraît trop réel pour ne pas exister hors de son esprit.

Hi, Amy, la salue-t-il comme d'habitude. Bien dormi ?

Un hochement de tête un peu maladroit suffit à lui répondre. Aimée ne lâche pas Corey des yeux lorsqu'il éteint tous les rappels de son téléphone. Soudain, le drap glisse sur son corps nu, les sou­venirs de la nuit passée ressurgissent, les joues d'Aimée s'embrasent.

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