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La clochette tinte lorsqu'il pousse la porte du café. « Doux & Corsé », ses tables rondes, ses chaises colorées et ses serveurs souriants... Corey aimait cet endroit, avant. Mais avant n'est plus. Avant est mort. C'est comme ça. Aujourd'hui, il ne s'est jamais senti aussi mal en ce lieu.

En l'apercevant, assise seule dans son aura de tristesse habituelle, son cœur se serre. Il a soudain envie de faire marche arrière, de s'enfuir pour ne pas se confronter à elle ni à personne d'autre. C'est sûrement cette angoisse oppressante qu'elle doit ressentir à chaque instant de sa vie. L'anxiété à perpétuité. Corey la comprend un peu plus maintenant, et pris de compassion, il met sa lâcheté de côté puis s'avance jusqu'à sa table.

- Salut, Aimée. Comment tu vas, aujourd'hui ?

La jeune fille relève la tête, comme tirée de son apathie cérébrale, et ouvre de grands yeux brillants. On dirait qu'elle ne croit pas à sa venue et qu'elle se demande si son esprit torturé ne lui joue pas encore des tours. Elle s'apprête à lever la main pour le toucher, mais se ravise en entendant les voix dans sa tête lui chuchoter de ne rien en faire.

- Salut, Corey... Je vais bien, je crois...

Il s'assoit en face d'elle avec lourdeur. Elle ne peut détacher son regard de lui. Elle meurt d'envie de lui prendre la main, de l'étreindre, de l'embrasser, comme avant. Mais avant n'est plus. Avant est mort. C'est comme ça. Aimée semble être la seule à ne pas avoir tourné la page.

- Pour tout t'avouer, je pensais que tu n'allais pas venir... murmure-t-elle finalement.

- Désolé du retard, bredouille Corey. Je... j'avais...

- Non, ce n'est rien, ça. Avant même d'entrer ici, quelque chose me disait que tu ne viendrais pas tout court... Pas par retard, ou par oubli, juste... que tu ne viendrais pas. Tu comprends ?

La gorge de Corey se noue dans une horrible sensation de nausée. Il est assis en face d'une fille à l'air fantomatique, regard vide, teint pâle, cernes sous les yeux. Une fille qui essaye de lui dire « je sais que tu ne m'aimes plus et que tu n'as plus envie de me voir du tout ». Lorsqu'il ouvre la bouche pour répondre, sa voix s'étrangle :

- Je voulais venir, Aimée ! C'est pour ça que je suis là, pour te voir !

Elle lui sourit tristement, l'air de dire « je vais faire semblant d'y croire », sans rien ajouter. Corey est écrasé par son malaise et sa culpabilité. Il se rend brutalement compte de tout ce qu'il a infligé à Aimée : ses absences, sa négligence, ses paroles qui déviaient sans cesse vers son frère : « oh Loni est tellement ci, tellement ça... » « tu sais où il est ? » « tu crois qu'il m'aime bien, lui aussi ? », pour finir par la souffrance de sa rupture avec elle, quand il lui a brisé le cœur une première fois. Ajouté à cela ce qu'il s'est passé avec Loni au festival, et Corey risque très certainement de la détruire à nouveau.

Je ne veux plus te faire de mal, Aimée. Alors pour ton bien, tu ne dois rien savoir. Comprends que je vais devoir te mentir encore une fois, une toute dernière fois...

Aimée reste droite comme un piquet lorsqu'il s'assoit à côté d'elle et l'enlace avec maladresse. Son étreinte transpire la culpabilité et elle le sent. Ne rien lui rendre. Feindre l'indifférence. Lui montrer qu'elle n'éprouve plus rien pour lui. Mais c'est faux. Elle ne tient pas cinq secondes et finit par s'effondrer mollement dans ses bras. Faible.

- Aimée, dis-moi que ça va...

- Ça va.

Puisque c'est ce que tu veux entendre.

Corey s'écarte en sentant qu'il la serre un peu trop fort. Son regard reflète une pitié lourde qui accable Aimée plus qu'autre chose.

- J'ai un cadeau d'anniversaire pour toi, déclare cette dernière d'une voix éteinte.

La Symbiose Où les histoires vivent. Découvrez maintenant