La Symbiose

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La brosse passe et repasse inlassablement sur la chevelure brune, laissant dans son sillage de beaux reflets dorés. C'est de loin l'activité préférée d'Aimée, coiffer les cheveux mi-longs de son amoureux. Cela l'apaise plus que n'importe quelle séance de sophrologie. Assis au pied du lit, Corey caresse distraitement ses jambes brunes. Il est revenu de la chambre de Loni avec cet air soucieux depuis bientôt un quart d'heure. Pourtant rien ne semble avoir changé dans ses gestes : comme d'habitude, il a embrassé Aimée, s'est assis par terre le dos calé contre le lit, et lui a demandé si elle voulait lui brosser les cheveux comme il sait qu'elle aime ça. Mais maintenant, le voilà absorbé par ses pensées. À quoi peut-il bien réfléchir ? Aux cours ? À sa musique ? À Aimée, peut-être ?

- Ton frère est vraiment difficile à comprendre. J'apprends de plus en plus de choses sur lui, mais malgré tout, il reste une énigme pour moi. J'ai un mal fou à le cerner.

Aimée sert le manche de la brosse qui s'accroche, comme un vilain insecte, aux cheveux de Corey.

- Loni est comme ça, marmonne-t-elle. J'ai beau être sa sœur, moi non plus je ne sais jamais ce qui se passe dans sa tête. Ne perds pas ton temps à essayer de deviner, il déteste ça. C'est juste dans sa nature de tout garder pour lui.

Corey ne répond pas. Il se replonge dans la contemplation du plafond. Le simple fait de savoir désormais à quoi il pense, ou plutôt à qui, fait perdre à Aimée sa concentration à la tâche. Ses coups de brosse se font de moins en moins doux.

- Il m'intrigue... murmure Corey.

La brosse tire, il étouffe un juron. Aimée s'excuse d'un ton un peu hypocrite et prétexte qu'il y avait un nœud. Elle se remet au travail, essayant de dissimuler le sentiment aigre qui lui lancine le ventre.

Elle n'est pas jalouse. Juste... fatiguée.

- Dis, ça t'énerve que je te parle de ton frère ?

La brosse s'échappe des mains d'Aimée. Elle la ramasse aussitôt, comme si de rien n'était. Finalement, Corey est comme Paul : il s'aperçoit de tout. Ou bien est-ce Aimée qui ne sait pas cacher ses émotions ? Loni, lui, en est parfaitement capable. C'est d'ailleurs ce côté énigmatique qui « intrigue » Corey. Une facette de lui qu'il doit trouver intéressante. Attirante. Séduisante...

Aimée abandonne. Elle pose la brosse sur le lit.

- Non. Non, ça ne m'énerve pas que tu me parles de Loni. C'est bien. Ça veut dire que vous vous entendez mieux, n'est-ce pas ?

Corey sourit au plafond. Pas un regard pour Aimée.

- Oui, j'ai l'impression. Je crois qu'il commence à m'apprécier.

- C'est réciproque ?

- Évidemment ! Loni est tellement...

Ses yeux croisent enfin ceux d'Aimée. Que s'apprête-t-il à dire ? Que Loni est passionnant ? Qu'il est cool ? Fascinant ? Différents de tous les autres garçons qu'il a pu rencontrer ?

- Mon frère est tellement quoi ?

Corey a toujours eu un faible pour les gens hors du commun.

- ... Rien. Oublie.

Corey s'appuie contre un coin du bureau pour se relever. Ses cheveux libres lui retombent devant les yeux, tels un voile de mystère. Lui non plus, Aimée ne parvient pas à deviner ses pensées. Que voulait-il dire à propos de Loni ? Et pourquoi Aimée redoute-t-elle autant sa réponse ?

— Je ne vais pas tarder à rentrer, il est tard.

— Ah, O.K... soupire Aimée, déçue. Tu veux que je t'accompagne jusqu'à l'arrêt de bus ?