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Six heures trente tapantes. Corey bondit de son lit avec un incontrôlable sourire aux lèvres. Cela fait une semaine qu'il se lève à la première sonnerie sans broncher, si ce n'est même avec une joie qu'il ne manque pas d'exprimer. Après avoir dévoré une tranche de brioche, le voilà en train de chanter à tue-tête les paroles de I Want To Hold Your Hand des Beatles avec sa brosse à dents dans la bouche, tee-shirt assorti bien évidemment. À ses pieds, Freddie esquive de justesse ses pas de danse improvisés pour ne pas se faire marcher sur la queue. Corey entend son père râler depuis la cuisine mais décide de l'ignorer royalement. Il monte le volume de l'enceinte branchée à son tourne-disque et chante encore plus fort qu'avant :

« Oh please, say to me
You'll let me be your man
And please, say to me
You'll let me hold your hand
I'll let me hold your hand
I wanna hold your hand »

Même si son reflet dans le miroir lui paraît satisfaisant, Corey prend le temps de s'examiner sous toutes les coutures. Il essaye plusieurs vestes, tente différentes coiffures, pour finalement laisser ses cheveux libres, et s'exerce même à sourire de la façon la plus séduisante possible. Avant de partir, il cire sa Doc Martens gauche dans l'idée de mettre ses yeux en valeur grâce à la couleur verte du cuir ‒ opération inutile que personne ne remarquera, mais cela lui fait plaisir. Sa bonne humeur le suit de sa maison au lycée, grandissant à la vue des grilles. Corey frissonne d'excitation en apercevant une petite tête bouclée dépasser de la foule.

« And when I touch you
I feel happy inside
It's such a feeling that my love
I can't hide
I can't hide
I can't hide »

Il s'élance vers lui avec l'envie délicieuse de lui parler, de le toucher... Mais le « lui » s'avère être un « elle ». Le sourire de Corey se décompose une seconde, avant de se redessiner, plus cordial, plus forcé.

- Salut, Aimée.

La jeune fille se retourne, le visage illuminé de bonheur. Elle amorce un mouvement de bras, comme si elle comptait l'enlacer sans aboutir son geste. Sa voix vibre d'émotion :

- Corey...

Elle s'approche, il anticipe. Le baiser dévie sur le coin de la lèvre, chaste et poli. Un malaise palpable s'installe lorsque les deux s'écartent. Aimée interroge Corey d'un regard un peu perdu. Ses yeux verts fuient le contact.

- Je... je voulais te parler de quelque chose, Corey...

Aimée se met à fouiller dans son sac en déglutissant. Corey en profite pour observer les environs dans l'espoir de le trouver. Personne ici. Peut-être est-il déjà rentré ?

- J'ai trouvé ça sur ma table, à mon nom. C'est... c'est une lettre...

Corey baisse les yeux vers l'enveloppe que lui tend Aimée.

- Une lettre ? répète-t-il, sourcils froncés. Une lettre de quoi ? De qui ?

- Je ne sais pas, elle est anonyme. Mais c'est une lettre... d'amour.

Contre toute attente, Aimée voit le visage de Corey se détendre. Il soupire même de soulagement.

- Ah, ce n'est que ça ! Tu m'as fait peur. J'ai cru qu'on t'avait menacée.

- Oh non, pas du tout ! s'exclame Aimée en rougissant. Au contraire, ce sont des propos très... romantiques.

- C'est plutôt mignon d'écrire encore des lettres d'amour pour séduire quelqu'un.

Aimée commence à s'impatienter. Aucun signe de jalousie dans le ton, ni dans l'expression. Elle aurait dû s'en douter : Corey n'est pas du genre possessif contrairement à elle. Encore une fois, elle n'aurait jamais dû écouter cet idiot de Paul !

La Symbiose Où les histoires vivent. Découvrez maintenant