La Symbiose

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16 février 2018

Cher Léo,

C'est officiel : je me suis fait un ami. Personne d'un temps soit peu sociable ne ferait une telle annonce, mais dans mon cas, ça compte beaucoup. Pour rappel, j'évolue dans un désert amical depuis... toujours, à vrai dire. Et aujourd'hui, j'ai trouvé un oasis verdoyant dont je vais te faire la description.

Il s'appelle Paul, même si j'ai tendance à le surnommer « Paul le Petit Prince ». C'est que, selon moi, il ressemble beaucoup au personnage. Bon, tu vas me dire que ce n'est qu'un bond aux yeux bleus comme on en croise partout, mais je ne sais pas, je trouve qu'il a quelque chose de spécial... une sorte d'aura onirique, avec un parfum d'enfance et de nostalgie... Mais dis donc, ne deviendrais-je pas poétesse à mes heures perdues ?

Enfin, Paul Paul Paul... j'ai du mal à le cerner. Il est très gentil, blagueur, patient, un peu loufoque, et en même temps il y a quelque chose qui cloche. J'ai toujours l'impression qu'il se force à sourire, qu'il joue un rôle en société. À mon avis, ce n'est pas de l'hypocrisie mais plutôt un masque de « tout va bien ». Moi aussi j'en porte, très souvent d'ailleurs. Tous les anxieux portent un masque avec plus ou moins de maîtrise. Paul évoque régulièrement son anxiété sur un ton léger et humoristique. C'est sa manière de porter son masque, j'imagine. Le souci, c'est que du coup je n'ai pas grand accès à son monde intérieur. Peut-être est-il trop sombre pour être exposé aux autres, un peu comme le mien finalement.

J'ai parlé de Paul à Corey et il avait l'air content que je me sois fait un nouvel ami. Corey n'est pas du genre jaloux et il a bien raison. Comme si j'allais un jour trouver mieux que lui, tiens !

D'ailleurs, en parlant de Corey (même si je parle déjà TOUT LE TEMPS de Corey !!!), lui et moi venons d'échanger des messages... comment dire... Des messages que je n'ai absolument, mais ABSOLUMENT PAS ENVIE que mon frère découvre ! C'était innocent au début, mais tu connais Corey... sur ce point, il n'a pas volé sa réputation : c'est un grand séducteur très, très, trèèèès...

Sexy.

Ça a commencé avec une photo de son délicieux torse d'olympien sortant de la douche. Alors bien sûr, j'ai voulu riposter, lui clouer le bec, ha ha ! J'ai donc pris en photo mes jambes nues, dans un short qui, j'espérais, les mettait en valeur. En temps normal, je ne suis pas très à-l'aise avec mon corps, mais quand Corey me regarde, j'ai l'impression d'être une tout autre fille, belle et désirable.

« Quelle jolie paire de gambettes <3 Les miennes sont moins gracieuses » m'a-t-il envoyé, suivi d'une photo de ses propres jambes tout en muscles. Celle de droite avait beau être plâtrée des orteils au genou, elle n'en restait pas moins élégante. J'ai immédiatement répondu :

« Tu te moques de moi ? Toutes les parties de ton corps sont gracieuses !!»

« Toutes les parties de mon corps hein...?~ ;) »

C'est à cet instant précis que la pudeur s'est volatilisée de notre conversation ! Après le torse et les jambes, j'ai eu le droit à son cou beaucoup trop appétissant, auquel j'ai répondu par une photo de mes épaules dénudées. De toute façon, nous avons déjà couché ensemble, alors pourquoi se montrer encore timides l'un envers l'autre ? Corey me provoquait avec toutes ces photos de son corps irrésistible, mais seulement par partie, alors que je le voulais tout entier ! Plus excitants encore, les messages qui les accompagnaient étaient de plus en plus... torrides.

« ... Je te prends par la taille en te soulevant doucement. Plaqué contre un mur, on s'embrasse et je sens ta langue se mêler à la mienne... »

Rien que de le recopier, mon cœur refait un tour de montagnes russes !! La suite, tu t'en doutes, j'ai enfilé mes plus beaux sous-vêtements pour prendre ma faible poitrine en photo. Encore un complexe, sauf aux yeux de Corey. Il a le fantastique pouvoir de faire en sorte que je me sente bien dans mon corps et parfois même dans ma tête. Je ne sais pas si je m'y suis bien prise pour me photographier, il faut dire que c'est la première fois que je fais des selfies en culotte pour les envoyer à mon amoureux...

Les petites filles modèles ne feraient certainement pas ça ! Corey me répondrait : « C'est entre toi et moi, les autres n'ont aucune importance » et je le crois, il a raison.

Avec lui, je ne veux plus être la gentille Aimée sage et innocente que tout le monde connaît, mais quelqu'un d'autre. Je veux lui plaire, qu'il me trouve attirante et sexy. Je veux qu'il me voie comme une vraie femme et non comme la petite fille fragile qu'il faut protéger à tout prix. Je veux qu'il me désire autant que moi je le désire...

Tu sais, parfois quand je suis dans mon lit, ou même sous la douche, ça m'arrive de rêver de sa présence et d'imaginer que cette main que je laisse courir entre mes cuisses lui appartient. J'avais terriblement honte de faire ça avant, et encore un peu aujourd'hui, mais Corey m'a assuré que se toucher était une pratique saine et normal, très utile pour découvrir son propre corps. C'est certes agréable sur le coup, mais une fois le plaisir passé, je me sens toujours envahie par la honte et la solitude.

Enfin de toute façon, ça ne remplacera jamais une nuit d'amour passée avec lui, lui envoyer des photos sensuelles et des messages lascifs, lui chuchoter des passions au téléphone et me caresser moi-même en rêvant de ses mains sur ma peau. J'ai envie de le voir, là, ce soir, sans en informer personne. Le retrouver à l'ombre du saule pleureur, au bord du lac miroitant du parc. Ce serait l'été, je porterais une robe légère qu'il enverrait valser dans les hautes herbes, et on se prendrait dans les bras en frissonnant, avec pour seule source de chaleur nos corps nus pressés l'un contre l'autre...

Je ne devrais pas écrire ça. Ça ne se dit pas, ces choses-là...

Loni a sûrement raison : je ne suis pas assez mature pour les relations sexuelles...

Depuis une semaine, j'ai l'impression qu'on parle de moi à ce sujet. Je crois que tout le monde a deviné que j'ai couché avec Corey. Lui, on ne lui dit jamais rien de dégradant là-dessus, au contraire : il va bientôt avoir dix-huit ans, il prend du bon temps, il fait « des trucs de mec ». Moi, j'ai quinze ans, c'était ma première fois, et surtout, je suis une fille. Ça change tout, d'être une fille. Je suis certaine que si j'avais été un garçon du même âge, on m'aurait plutôt félicitée. Mais je suis née avec un utérus, et pour ce crime odieux, on me dira plutôt que je n'ai pas su garder les cuisses fermées, que je devrais avoir honte et que je finirai fille-mère ou pute...

Pourquoi ?

C'est vrai, j'ai fait l'amour avec le garçon que j'aime, j'étais consentante, j'en avais envie, j'y ai même pris du plaisir. Qu'y a-t-il de mal à ça ? Parce que je suis une fille, je n'ai pas le droit de désirer les mêmes choses que les garçons ?

Quand j'y pense, ça me donne d'autant plus envie de quitter ce monde de merde.

• Raison n°150 de vouloir mourir : être une femme.

Pardon, Léo... Je dois te déprimer, je suis désolée...

Je vais essayer d'oublier tout ça en rappelant Corey. C'est le seul qui parvient à me redonner goût à la vie.

• Raison n°3 de continuer à vivre : les fraises Tagada

• Raison n°2 : le rare sourire de mon grand frère

• Raison n°1 : Corey Meyer

Signé Aimée
Une femme qui a fauté

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Un chapitre très intime que j'aime beaucoup, car je trouve Aimée super touchante dedans ^^

Et vous, qu'en avez-vous pensé ?

Merci pour votre lecture !

À bientôt !
MayaOnyx