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Sous les branches givrées du saule pleureur, Aimée louche sur sa montre. Soudain, elle relève la tête vers Corey, l'air complètement paniqué.

- Merde ! On est en retard !

- À quoi ? demande Corey en s'étirant. Les cours ne reprennent que dans trois-quart d'heures.

- On a le tutorat, je te signale ! Ne me dis pas que tu as oublié ?

Corey fronce les sourcils comme s'il avait omis d'informer Aimée de quelque chose.

- En fait... je ne vais plus au tutorat, avoue-t-il. Mme Alario a envoyé un mail à mon père :  apparemment je ne serais pas « apte à enseigner correctement », pff... Bien sûr, mon vieux a pété un plomb en me disant que même pour un cours optionnel, je reste un cas perdu qui ne pense qu'avec sa bite... Bref. Il veut que je reprenne des cours particuliers en maths et en physique à la place du tutorat, mais c'est pas comme s'il allait prendre le temps de me trouver un prof. Alors me voilà, avec neuf de moyenne générale et interdit de tutorat à cinq mois du bac... Youpi !...

Corey allume une nouvelle cigarette d'un geste nerveux et précipité. C'est son anxiolytique à lui, quant à Aimée, elle aimerait avoir un moyen aussi rapide pour décompresser. Au fur et à mesure des explications de Corey, son visage s'est décomposé jusqu'à s'alourdir de tristesse.

Please, don't be sad, Amy... tente de la consoler Corey. We'll keep on seeing each other.

— Mais c'est injuste ! Le cours de soutien n'aura plus aucun intérêt sans toi, je ne voudrai plus y aller.

— Tu as déjà beaucoup progressé en anglais, ne t'arrête pas sur cette lancée parce que je ne viens plus. J'ai envie que tu réussisses, O.K. ? Et si tu ne veux plus travailler pour toi, fais-le pour moi...

Aimée hoche la tête, ravalant son amertume. Elle tend la main et ôte la cigarette de la bouche de Corey pour la porter à ses propres lèvres. La fumée s'infiltre dans ses poumons, la faisant tousser. Elle pensait que cela la calmerait, mais fumer n'a visiblement pas sur elle le même effet que sur Corey.

- Amatrice, la taquine-t-il en reprenant sa cigarette.

- Je serais une pro si tu me laissais fumer, rétorque Aimée.

- C'est toujours non, je te l'ai dit : ne suis jamais mon exemple ou tu iras droit dans le mur.

Corey esquisse un large sourire puis invite Aimée à se rapprocher pour la serrer contre lui.

- Allez, file en cours. Tu diras à Mme Alario que c'est moi qui t'ai retenue, prise en otage dans mes bras.

- Dans ce cas, j'ai sûrement développé le syndrome de Stockholm.

Aimée embrasse Corey du bout des lèvres, ne lui laissant pas le temps de savourer le baiser.

- Je t'appelle dès que je suis sortie, lance-t-elle en s'éloignant.

- Tu restes toujours la bienvenue ce soir, si tu veux passer la nuit avec moi... aguiche Corey.

- Ne me tente pas : tu vas aggraver ton cas avec mon frère !

Aimée affiche un joyeux sourire en le saluant, mais une fois retournée, elle perd d'un coup toute sa bonne humeur. Ses pieds traînent sur le bitume et plus elle s'approche du lycée, plus son cœur s'accélère. Les piques d'angoisse sont assez courants lorsqu'elle s'éloigne de Corey pour se retrouver seule. Aimée se souvient, trop brutalement, de toutes ses pensées noires qui n'existaient plus pendant une heure ou deux. En même temps, elle se rappelle de ce médicament qu'elle est censé prendre pour calmer son anxiété.

La Symbiose Où les histoires vivent. Découvrez maintenant