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Pas furtifs, tête baissée, Loni slalome entre les différents groupes d'élèves qui pullulent dans la cour du lycée. Direction le CDI, seul endroit où il peut assouvir sa soif de calme et de connaissances. C'est alors qu'il aperçoit au loin Martin Dulard, adossé seul contre un mur du bâtiment A. Lorsque ce dernier croise le regard de Loni, sa lèvre supérieure se courbe de dégoût. Il quitte le mur et s'avance avec sa démarche de prétendu « mâle alpha » qui, à défaut de le rendre imposant, le fait paraître encore plus stupide qu'en temps normal.

— Eh, la tafiole, lance-t-il en guise d'ouverture. Arrête tout de suite de me mater, c'est dégueulasse.

Une habitude. Loni ne sourcille pas. Depuis le temps, son indifférence a grandi et sa répartie s'est aiguisée, à tel point que renvoyer les attaques est maintenant pour lui un jeu d'enfant.

- Ce n'est que du dégoût et du mépris dans mon regard, certainement pas du désir, pauvre con.

La haine sur le visage de Martin déforme ses sourcils blonds. Il s'approche encore et lève la main vers la boucle d'oreille en forme de croix que porte Loni. Ce dernier a un mouvement de recul, craignant qu'il tire dessus pour lui arracher le lobe. Martin émet un grognement qui tourne bien vite aux paroles cassantes.

- Les détraqués comme toi n'ont pas le droit de porter ça. Dieu te déteste, alors n'ose même pas le...

- On ne doit pas croire au même Dieu, le coupe Loni. Le mien aime tous ses enfants, sauf peut-être les salauds dans ton genre qui ont un comportement odieux envers leur prochain.

Pour toute réponse, Loni reçoit un crachat sur ses chaussures. Il doit se faire violence pour ne pas lui coller une droite dans la figure, retenu par son plâtre au bras et ses récents antécédents de bagarre qu'il ne vaudrait mieux pas aggraver. Ne t'abaisse pas à son niveau, ne lui réponds pas, ce crétin ne vaut même pas la peine que tu t'énerves, se répète Loni en défiant les yeux noisette de Martin.

- On verra bien quand tu brûleras en Enfer, siffle ce dernier avec un coup d'épaule.

- Je préfère de loin aller en Enfer plutôt que te retrouver au Paradis ! rétorque sèchement Loni.

L'autre se retourne pour le traiter encore de fou, d'erreur de la nature, mais se tait net lorsque d'autres personnes se retournent en l'entendant. Il s'empresse de partir après avoir lancé un dernier regard furieux à Loni. Pas étonnant qu'il passe son temps à le harceler : il n'a que ça à faire, n'ayant aucun ami.


***

- Mec, prends une photo !

- C'est pas un peu abusé ? J'ai pas envie qu'on m'accuse...

- Pff, mais non... C'est pas toi qui as écrit ça, on fait que passer, nous. Et puis ça va, c'est marrant...

- Pas tant que ça... Pense à ce type, Loni Kancel. C'est pas cool pour lui, on devrait plutôt effacer les insultes...

- Si tu essayes d'effacer, là on pensera que c'est toi qui les as écrites.

- Alors qu'est-ce qu'on fait ?

- Rien. C'est pas notre problème.

Les deux garçons sortent des toilettes au moment où Loni y entre. Le mur d'en face s'étale devant ses yeux, recouvert de ce qui semble être un texte écrit au feutre indélébile. Loni s'approche. Brutalement, il lit, trésaille. Et son cœur s'arrête.

La Symbiose Où les histoires vivent. Découvrez maintenant