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Bip... Bip... Bip...

C'est comme un retour deux ans en arrière. Loni a cette horrible impression de déjà-vu. Même fauteuil rêche et inconfortable. Même odeur âcre de désinfectant. Même note sourde de l'électrocardiographe qui le ronge depuis plus d'une heure maintenant. Plus que des tremblements, il grelotte d'angoisse, le dos courbé, recroquevillé sur lui-même, le cou brisé, les yeux gonflés de larmes et grand ouverts comme maintenus par du ruban adhésif. Ils fixent le corps dans le lit. Ce corps inerte, silencieux, petit funambule sur le mince file entre la vie et la mort. Les paroles des médecins résonnent encore dans sa tête :

« Elle a fait une overdose de benzodiazépine »
« Entailles profondes aux bras »
« Heureusement que vous l'avez trouvé à temps, un peu plus et elle était... »

Elle était...
Aimée, comment tu as pu faire ça ?

- Loni ?

Il sursaute dans le fauteuil. Michelle et un infirmier viennent d'entrer dans la chambre et posent sur lui des regards mêlant compassion et pitié. Après un rapide coup d'œil, Loni se retourne vers le lit sans leur prêter attention.

- Loni... reprend l'éducatrice d'une voix douce. Ça fait plus d'une heure que tu attends là. Tu devrais te reposer, manger quelque chose...

- Pas besoin, lâche-t-il automatiquement.

Michelle soupire.

- Comme tu veux. La cafétéria se trouve au rez-de-chaussée.

Le soignant approuve d'un hochement la tête. Encore un regard doucereux. Loni a envie de lui faire ravaler ses bonnes manières.

- Tout ira bien, lui assure-t-il d'une voix posée, comme s'il disait ces mots à longueur de journée. Les médecins sont très compétents, vous pouvez leur faire confiance.

Comme si j'allais faire confiance aux putains de médecins soi-disant compétents qui n'ont pas réussi à réanimer ma mère...

- Ouais, c'est ça... maugrée Loni.

L'infirmier s'apprête à quitter la chambre lorsque soudain, les yeux du jeune homme détectent du mouvement. Une paupière battante. Un signe de vie. Loni bondit du fauteuil.

- Aimée ! s'écrie-il. Elle se réveille ! Elle est vivante ! Elle est vivante !

Des larmes de joies remplissent ses yeux, mais comme toujours, il les essuie avant qu'elles ne coulent. Vieux réflexe.

L'infirmier parti prévenir un médecin, Loni s'agenouille au bord du lit et saisit délicatement les doigts fragiles de sa sœur. Une petite pression suffit à lui répondre. Il étouffe un hoquet d'émotion, profondément soulagé. Cette fois-ci, la mort ne triomphera pas. Aimée est vivante, et Loni fera tout pour qu'elle le reste encore longtemps.

- Aimée, je suis là... tu es en sécurité... respire, je suis avec toi...

La pression se fait plus forte sur les doigts de Loni. Les paupières de la jeune fille éclosent comme des fleurs. Deux yeux couleur chocolat apparaissent, les mêmes que ceux de son frère, en plus épuisés, plus lourdement chargés de chagrin et d'horreur. Un médecin et quelques infirmiers arrivent, vérifient la tension, la respiration, rechargent la perfusion, lui prodiguent les soins qu'une personne qui vient de frôler la mort doit recevoir. Après plusieurs minutes d'examen, on décide de lui ôter le respirateur artificiel. Fébrilement, Aimée tente de se relever, mais la médecin, une femme entre deux âges à l'air sérieux, l'arrête dans son élan.

La Symbiose Où les histoires vivent. Découvrez maintenant