La Symbiose

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En se trémoussant dans son fauteuil en osier, Aimée bafouille des morceaux de phrases n'ayant ni queue ni tête. Ses mains s'agitent dans les airs, repoussent ses lunettes sur son nez, avant de tripoter un pan de son gilet. Sandrine, sa psychiatre, parvient enfin à la calmer après tout de même plusieurs exercices de respiration.

- Si j'ai bien compris, ton frère et ton petit-ami se sont battus au lycée, clarifie-elle, stylo en main.

- Ou... Oui ! Et ils ont fini à l'hôpital ! À l'hôpital, vous vous rendez-compte ? s'alarme Aimée. Corey s'est cassé la cheville et Loni le poignet en tombant dans les escaliers ! Je savais que mon frère ne supportait pas Corey, mais pas au point de se battre avec lui !

- Sais-tu pourquoi il le déteste autant ?

Aimée ramène ses bras contre sa poitrine. Elle bredouille, contrariée :

- Loni est persuadé que Corey va me briser le cœur, comme il l'a fait avec ses précédentes petites-amies...

- Et toi, qu'en penses-tu ? demande Sandrine sans lever le nez de ses notes.

- Je pense qu'il juge Corey beaucoup trop vite, réplique aussitôt Aimée. Loni ne se base que sur sa prétendue réputation de « bourreau des cœurs ». Il ne le connaît pas, mais moi, si. Corey est tendre, drôle et compréhensif. Il m'a dit que j'étais différente des autres filles. Il m'a dit qu'avec moi, ça allait marcher...

Sandrine se retient de pousser un soupir peu convaincu. Cependant, elle ne laisse rien transparaître devant sa patiente et demande d'une voix douce :

- Et tu le crois quand il te dit cela ?

- Bien sûr ! répond Aimée sans l'ombre d'un doute. Pourquoi est-ce que je ne le croirais pas ?

- Le mensonge, ou du moins l'exagération inconsciente, sont des mécanismes humains, même venant des personnes en qui on a le plus confiance, explique la psychiatre. Avait-il l'air sincère ?

- Corey « n'avait pas l'air », il était sincère ! rétorque la jeune fille avec véhémence. Vous pensez qu'il ne l'est pas ? Qu'il dit seulement ça pour me charmer ? Vous êtes d'accord avec mon frère, c'est ça ?

Sandrine repose son stylo avec un calme olympien.

- Je ne dis pas que ton petit-ami se joue de toi, Aimée. J'essaye simplement de comprendre quel genre de personne il est, en me basant sur ce que tu me dis. Tout comme ton frère, je ne le connais pas. Toi seule est capable de savoir s'il t'apporte de bonnes ou de mauvaises choses.

Aimée ravale son emportement en se recroquevillant dans son fauteuil. Malgré ses sentiments, elle peut concevoir qu'aux premiers abords, on puisse penser que Corey n'est qu'un Don Juan en recherche de femmes à conquérir pour compléter son palmarès. Cependant, il suffit d'apprendre à le connaître pour découvrir qu'il vaut bien mieux que sa réputation, qu'il est un homme sérieux et engagé lorsqu'il pense avoir trouvé la bonne personne. Selon ses dires, ce serait le cas : Aimée serait cette bonne personne. Corey y croit, alors elle aussi. C'est aussi simple que cela.

- Corey ne m'apporte que des bonnes choses. Avec lui, je me sens tellement bien... Il trouve toujours les bons mots pour me faire rire et sourire. Ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps...

Les émotions envahissent Aimée telles un poison bienheureux. Auparavant prisonniers, ces quelques mots lourds de sens s'évadent de sa bouche :

- Avec lui, j'ai l'impression de ne plus être malade.

Sandrine s'empare de son stylo et se met à écrire frénétiquement.

- Tu n'as plus d'idées noires en sa compagnie ?