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Sous le ciel noir moucheté d'étoiles, les lumières du festival s'agitent, joyeuses et animées, comme une valse d'étincelles. Peut-être est-il minuit ou trois heures du matin, qui pourrait bien le savoir dans ce lieu où l'on perd toute notion du temps ? Parmi la foule alcoolisée et bienheureuse, deux jeunes hommes dansent aussi, sans se soucier du reste qui a cessé d'exister depuis longtemps. Le premier a lâché ses longs cheveux qui virevoltent à chacun de ses mouvements, tandis que le deuxième rit comme jamais il ne s'est autorisé à le faire, les yeux remplis d'éclats scintillants.

Corey attrape la taille de Loni et l'attire contre lui pour l'embrasser avec amour. Jamais ils ne se sont sentis aussi libres de leur vie, aussi heureux et aussi aimés. C'est un rêve éveillé qu'ils ne quitteraient pour rien au monde, car même un véritable rêve ne pourrait être aussi magique que celui-ci. Et le temps, l'espace, les problèmes disparaissent pendant un baiser, une caresse, un câlin chaud et enivrant.

À force de bouger au rythme des différents concerts du festival, les deux garçons commencent à avoir soif. Fier de sa majorité toute neuve, Corey en profite pour essayer plusieurs cocktails aux saveurs farfelus et exotiques. Loni les goûte à sa suite et donne son avis, qui se résume bien souvent par : « c'est vraiment dégueulasse, l'alcool ». Corey, beaucoup moins catégorique, enchaîne les gorgées jusqu'à ce que Loni lui ôte son verre de la bouche.

- Stop, stop, stop, bel imbécile, l'arrête-t-il avec une douce fermeté. On va se calmer sur la boisson avant que tu ne finisses complètement ivre.

- Oh, allez, Loni... proteste Corey en faisant la moue. Je tiens mieux l'alcool que tu ne le penses.

Loni hausse les sourcils face à son regard de plus en plus enjôleur.

- Très bien ! finit-il par s'exclamer. Fais ce que tu veux. Mais je te préviens, si tu finis bourré...

Dans une délicatesse grisante, il fait courir ses doigts sur la cuisse de Corey jusqu'à sa ceinture, sur laquelle il tire doucement. Ce dernier déglutit en le sentant s'approcher de son cou, alors que sa main brune frôle son aine par-dessus le jeans. La voix traînante de Loni fait frémir son oreille :

- ... ce que je suis en train de te faire, là, tu peux l'oublier.

Loni s'écarte avec un petit sourire, satisfait de constater la tournure écarlate des joues de Corey. Ce dernier, sans le lâcher des yeux, pousse son verre à moitié vide et abat un billet sur le comptoir.

- J'a... j'arrête de boire, Loni ! Continue, s'il te plaît... Embrasse-moi...

Alors Loni s'approche de nouveau, effleurant son nez du bout de ses lèvres. Mais contre toute attente, il détourne la tête au dernier moment face à un Corey frustré qui s'empresse de le suivre loin du bar, avide de baisers.

Les deux garçons déambulent entre les stands et les concerts, enlacés comme s'ils ne faisaient plus qu'un, une main glissée dans la poche arrière de l'autre. Ils s'arrêtent devant un chapiteau sous lequel joue un groupe de musiciens qui reprend des slow rock'n'roll. Sur la piste de danse devant la scène, des couples tanguent au rythme des dernières notes de Hotel California des Eagles. Le regard brillant de Corey rencontre celui de Loni dans une lueur commune de complicité. Il lui tend la main.

- M'accorderiez-vous cette danse, M. Kancel ?

- Avec grand plaisir, M. Meyer, répond Loni en entremêlant leurs doigts.

Ils s'avancent alors sur la piste et Corey prend la main gauche du jeune homme qu'il place sur son épaule. Il pose ensuite sa propre main sur sa taille et l'attire doucement à lui. Les applaudissements de la foule s'estompent en un lent decrescendo afin de laisser le groupe entamer la chanson suivante. Il ne faut pas un quart de seconde à Corey pour reconnaître les premières notes. Dans sa tête défilent des images de boîte à musique violette, de boucles brunes et de fines lunettes. Il frémit tandis que Still Loving You de Scorpions envahit le chapiteau.

La Symbiose Où les histoires vivent. Découvrez maintenant