La Symbiose

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Le couloir est désert sans lui. Sans le vouloir, Loni l'attend. Comme avant. Comme lors de leur première convocation dans le bureau du directeur qui a scellé entre eux ce lien si particulier. Cette symbiose. Il va devoir la briser. L'assassiner. C'est un meurtrier. Mais il ne sait pas encore ce qu'il va réellement tuer.

- Loni, tu peux entrer, je t'en prie.

Le directeur paraît plus fatigué que d'habitude. La tristesse pèse sur ses traits, alourdit ses cernes, pâlit affreusement son teint. Loni lui ressemble sur ces points.

Il s'assoit. La chaise à ses côtés est vide.

- Bon, eh bien... débute M. Rey dans un soupir. Tu dois t'en douter, si je t'ai convoqué dans mon bureau, ce n'est absolument pas pour te punir, bien au contraire. Je... j'ai appris ce qu'il s'est passé pour ta sœur, et je tenais à... à te présenter mes plus sincères... (il soupire de nouveau) Enfin... je suis navré, Loni. Je sais qu'on a dû te le dire un millier de fois, pardonne mon manque d'originalité. Sache que tu as tout le soutien et toute la compassion de l'établissement. Tu es en train de vivre un événement... très difficile. M. Pegany, le psychologue, est là si tu as besoin de...

- J'ai pas besoin d'un psy, l'arrête Loni. Quand je vois dans quel état est ma sœur alors qu'elle est suivie depuis ses onze ans, je me dit qu'ils servent foutrement à rien...

- Je comprends... je suis désolé...

Loni déglutit devant la mine sincèrement abattue du directeur.

- Mais j'apprécie... ajoute-t-il faiblement. Le soutien, la compassion... vouloir m'aider...

Il trépigne du pied sous sa chaise. C'est le moment.

- En fait, j'ai bien une demande...

- Laquelle ? s'exclame M. Rey en relevant la tête. Tu veux rester chez-toi encore un peu ? Avoir un emploi du temps adapté ? Le matin au lycée, l'après-midi à la maison ? N'hésite pas, je ferai le nécessaire.

Les traits de Loni se figent dans une expression de profonde tristesse. Il donnerait n'importe quoi pour ne pas avoir à prononcer ces mots, des armes sur le point de tuer quelque chose. Mais il n'a pas le choix. C'est Aimée, ou leur relation.

Un dilemme, croyez-vous ?
Pas tant que ça...

- Je veux arrêter la Symbiose.

Le directeur le regarde avec un mélange de sérieux et de perplexité. Loni enchaîne brusquement :

- Ça fait un mois et demi que ça dure, je n'ai plus la force de jouer le jeu. Vous avez gagné : j'ai retenu la leçon, je ne me battrai plus. De toute façon, on va bientôt me débarrasser de mon attelle et je vais commencer la rééducation. En attendant, je peux me débrouiller avec un ordinateur pour les cours, j'ai même appris à un peu écrire de la main droite...

- Mais Loni, je ne comprends pas, intervient M. Rey avec étonnement. Corey et toi êtes devenus inséparables, pourquoi d'un coup tu souhaites...

- Parce que c'est comme ça ! rétorque-t-il brutalement. J'ai besoin d'être seul, complètement seul. Y'a rien d'autre à comprendre.

Le directeur lâche un autre soupir. Il finit par céder :

- C'est d'accord. La Symbiose prend fin en ce mardi 29 mars 2018. Je te laisse... prévenir Corey toi-même... Vous semblez avoir des choses à régler, tous les deux...

Loni se lève, salue gravement M. Rey, et quitte le bureau. Dans le couloir, il repense à ces mots douloureux :

« La Symbiose prend fin en ce mardi 29 mars 2018 »