11.

122 24 50
                                    

J'aperçus Nese parlé au loin avec un soldat, mais il ne me parut pas nécessaire de les déranger. Je continuai donc ma route en direction des anciens quartiers royaux placés il y a peu. Route brève où je pris soin de saluer les anciens camarades que je croisais.

Je ne pus m'empêcher de respirer l'odeur qui survolait encore à l'intérieur. Une commode, une table, un bureau. Ils ne s'étaient pas décidés à faire abstraction d'un tel encombrement en prenant la route hier matin. Ses administrations, lettres et signatures étaient encore étalées sur le bois sans grand ordre. Les nombreux plans du château de son frère roulaient encore non loin sans avoir été ouverts. J'en trouvai de chaque pièce et ne pus m'empêcher de sourire tristement en repensant à sa détermination infatigable pour renverser son frère une bonne fois pour toutes.

Rien de plus ; de vieux dessins des généraux ou de lui et Athéna plus enfuis derrière son boxon.

Rien qui pourrait justifier cette mort si brusque dans les bois.

Rien qui l'accusait ou innocentait Dieugo. L'avait-il tué par simple satisfaction ? Cela m'étonnerait. Telle absurdité ne pouvait se lire chez un homme apparemment si puissant.

Je me dirigeai vers l'infirmerie à grands pas, frustrée par la situation qui m'échappait des mains.

Arrivée devant, j'inspirai longuement en vue de me calmer, puis entrai sans un bruit.

Je jetai un coup d'œil rapide aux deux infirmières penchées sur mon amie et me dirigeai vers la salle arrière de l'infirmerie, là où l'on mettait les morts en attendant de les enterrer et de leur dire au revoir comme ils le méritaient. En parlant de cela, je ne comptais pas aller à l'enterrement de mon ami si personne ne m'y forçait... car je n'avais pas l'intention de commencer à pleurer devant les gens qui m'ont toujours aimé et respecté. Cela coûterait sûrement à la perte de mon ego et de mon autorité.

J'observai attentivement la forme sous le drap à nouveau blanc et m'en approchai calmement. Je sortis le dessin des deux amants et les regardai attentivement sans faire attention à la larme qui se mit à couler le long de ma joue. C'était l'époque heureuse, celle où je ne regrettais pas encore mes choix ou mes actes... celle où nous étions encore unis et où personne ne pouvait nous séparer.

Je posai le dessin sur le tabouret en bois, contre le bouquet de fleurs placé ici en sa mémoire. J'avançai ensuite d'un dernier pas vers mon ami et observai attentivement le creux des yeux ainsi que le relief du nez et de la bouche formés sous le drap blanc. J'effaçai mes larmes du revers de la main et attrapai le coin de l'étoffe qui le recouvrait.

Je ne l'avais pas encore vu depuis la dernière fois et je tremblais de peur face à ce qui allait suivre.

Je dégageai le linge.

J'avais vu de nombreuses blessures au cours des années de guerre précédentes, mais aucune pareille à celle-ci. Les tremblements de peur s'étaient changés en tremblements de colère et j'ouvris de grands yeux d'horreur. Un simple linge blanc recouvrait ses hanches et je pouvais enfin apercevoir tout son corps.

Celui-ci n'était plus que blessures et cicatrice. Certaine d'hier, d'autre de plus loin. Mais le plus dur à encaisser était les brûlures, plus marquées sur son visage, son ventre et ses jambes. Elle n'était pas rouge, mais blanche ou mauve. Elles étaient gonflées et les marques ne laissaient aucun espace de peau vivant.

Je serrai les dents, serrai les poings. Je fermai les yeux, laissai libre cours à mes larmes ; remis ensuite le linge brusquement sur son corps et fis demi-tour pour sortir de l'infirmerie en bousculant accidentellement celle ou celui qui se trouvait agenouillé près du corps d'Athéna.

Warck - SurvivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant