35.

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Mal.

Assez mal.

Vraiment mal.

Vraiment très mal.

Une horreur. Si ce que j'étais en train de ressentir était sans nom réel, je ne trouvais pas les mots pour le qualifier.

À part ce manque de permission nomination, je ne pouvais pas bouger mon corps endolori sans souffrir d'une atrocité particulière. Je ne pouvais pas faire grande chose à part espérer que ce n'était pas réel. Que comme la plupart du temps, c'était un de ces stupides rêves que je me rappelais seulement en me réveillant !

Je relevai légèrement les paupières, n'osant plus bouger ne serait-ce que le petit doigt. Il faisait nuit. Je le remarquai à travers la fenêtre solitaire à joins en bois par laquelle s'infiltrait un rayon d'une lune paisible et calme.

Des fenêtres ?

Qu'est-ce que faisaient ces étranges objets dans une prison ? Depuis combien de temps avaient-ils changé la décoration ? Et tout cela dans le plus grand des silences si je ne m'étais même pas réveillée lors de leur travail.

Je regardai autour de moi, et ma surprise fut telle lorsque je vis le parquet de bois ainsi que le tapis d'un bleu sombre qui devait être des plus agréable à côté de moi. Les goûts des décorateurs n'étaient pas mauvais, il fallait l'avouer. C'était plutôt bien choisi...

C'est bon, tout devint clair dans ma tête. J'étais donc bien dans un de ces fameux rêves qui nous tourmentent depuis notre naissance. Il ne fallait plus qu'espérer que le réveil soit moins douloureux que ces pensées qui me servaient de distraction dans mon sommeil profond.

Je regardai la table et les deux chaises assises autour, assez intriguée par ce Nouveau Monde dans lequel j'étais. Deux personnes dormaient sur ces chaises. Je reconnus tout de suite le Kusinthas qui se trouvait sur l'une d'elles, la tête appuyée sur ses avant-bras, tournée vers moi. Son visage était soucieux, ses sourcils froncés. Des bandages recouvraient ses poignets ainsi que ses mains poilues, ce qui m'intrigua fortement.

Je forçai un peu ma vue pour regarder la personne qui l'accompagnait, toujours sans bouger d'un poil, mais je ne pus reconnaitre celle-ci. Quelques-uns de ses traits me disaient vaguement quelque chose, mais je n'arrivais plus à mettre la main dessus. Cette fille aux cheveux noirs avait un visage solide et durcit par le temps. Malgré son jeune âge, on pouvait apercevoir sur ces traits tirés que la vie n'avait pas toujours été facile, tout comme pour la plupart d'entre nous. Elle avait une petite couche de poussière sur ses vêtements, ce qui me faisait penser qu'elle avait été témoin d'un écroulement de quelque chose de plutôt massif. Elle avait les bras croisés sur sa poitrine et le dos appuyé contre le dossier de sa chaise, contrairement à Nese.

Une question blessante — presque arrogante — me vint à l'esprit. Est-ce qu'il m'avait trompé ? Est-ce qu'il avait profité de mon inconscience pour se taper tout ce qui bouge dans les cent mètres alentour ? Ce n'était pas son genre. Pas de ce que je le connaissais, en tout cas. Mais après tout, tout cela n'était rien de plus qu'un rêve et le fait qu'il soit avec quelqu'un d'autre n'avait aucune raison de réellement me blesser.

Je mourrais de faim, de soif, le mal qui vivait en moi était intenable et j'étais extrêmement fatiguée. C'est pour ces nombreuses raisons que je pouvais distinguer l'irréel de la réalité. La souffrance qui m'encerclait le moindre espace de mon corps et mon manque de sommeil me prouvait que je n'étais sûrement pas moi-même en train de dormir. Lorsque nous sommes en pleine simulation, la sensation est différente. Vous avez l'impression que vous êtes dans la réalité, mais vous n'en êtes jamais totalement sûr. Vous n'avez pas cet aplomb avec lequel il n'y a aucun moyen que le monde dans lequel vous êtes n'est pas celui dans lequel vous avez toujours vécu.

Warck - SurvivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant