Warck - Survivre

36.

Nous venions de quitter la route que nous suivions depuis une dizaine de minutes pour nous enfoncer dans la forêt. Nous avions aperçu une légère fumée par-dessus les arbres, depuis quelques minutes à peine. Ce léger détail dans le paysage de la nuit nous avait indiqué le chemin à prendre et nous avait également fait comprendre que le médecin était tout à fait réveillé, prêt à me soigner en bonne et due forme. Mais mon système nerveux ainsi que mon cerveau se dégradait au fur et à mesure du temps et mes yeux me demandaient une intense concentration pour rester ouverts.

On traversa un instant la forêt avant d'arriver devant une petite maison d'une élégance que j'approuvai fortement — je ne fis aucun commentaire sur le fait qu'elle soit au beau milieu des bois et qu'il n'y ait pas une seule autre demeure au kilomètre à la ronde. Elle était éclairée par de joyeuses bougies et une succulente odeur de soupe se répandait dans l'air. Malgré cet accueil des plus chaleureux, je ne pus m'empêcher de me demander avec le plus grand des sérieux : qui cuisinait encore à une heure pareille de la nuit ?!

À peine arrivâmes-nous face à la porte qu'elle s'ouvrit sans que nous eûmes à frapper, ce qui était plutôt suspect dans ce cas-ci. Je ne connaissais rien de ce jeune prodige de la médecine et pourtant j'étais passée dans les environs des centaines de fois par le passé.

Une femme sortit de son humble demeure, et nous accueillit avec un sourire tout aussi professionnel que chaleureux. Ses cheveux châtains se trouvaient être de la même couleur que ses yeux. Elle ne devait pas avoir plus de quatre ans de plus que moi et aucune fatigue ne pouvait se lire sur son visage aux traits digne de la perfection.

Elle nous regarda tour à tour pour se familiariser avec ses nouveaux visiteurs avant que Nese ne demande d'une voix claire :

— Vous êtes bien le Dr. Kcraw ?

— En effet, répondit-elle avec une grande aisance. Entrez, je vous en prie, faites comme chez vous, je ne veux pas que ce froid vous fasse plus souffrir que nécessaire.

Elle lisait dans mes pensées.

Je savais que Nese croyait que le Dr. Kcraw était un homme, mais il avait l'air de plutôt bien digérer son erreur, car celle-ci n'avait rien de problématique. On entra rapidement dans la maison réchauffée, et Nese me coucha à côté du feu dans la cheminée, ce qui me fit rapidement grimacer, mais je le rassurai d'un sourire. La chaleur de cette habitation me fit reprendre contenance un instant et j'évitai de penser aux hurlements qui me tiraillaient le corps.

— Je vous ai préparé de la soupe, nous dit notre hôte. Quelque chose de chaud vous fera sûrement du bien avec pareille chaleur.

— Vous nous avez préparé ? demanda Line, plutôt curieuse pour une fille de sa trempe. Comment pouvez-vous avoir connaissance de notre venue si tardive ?

Elle lui offrit un sourire chaleureux.

— Oui. Les hêtres de cette immense et belle forêt qui la peuplent m'ont prévenue de votre arrivée bien avant que vous ne rentriez dans leur domaine. À vrai dire, je crois que c'était quand vous vous êtes réveillée, Diane Warck.

Cette révélation me laissa sans voix. Mais malgré toute l'étrangeté que contenait cette phrase, quelque chose me frappa encore plus que le reste.

— Vous me connaissez ?

— Si je te connais ? s'exclama-t-elle.

Elle eut un petit rire en secouant la tête de gauche à droite, tout en servant la soupe qu'elle avait gentiment préparée. Je fronçai les sourcils face à sa réaction. Avais-je dit quelque chose de drôle ?

— Je vois que vous êtes arrivés pour différentes raisons que celles que je prévoyais...

L'était-ce vraiment ? Je comprenais de moins en moins ce qui m'arrivait. Nous étions là pour me soigner avant que je m'éteigne pour de bon. D'ailleurs, je me demandais ce que je faisais encore là. Ne devais-je pas être soignée des plus rapidement possibles ? Si mes blessures n'étaient pas graves, alors qu'était-elle ? Si elle attendait ma venue pour une tout autre raison que de faire son métier, quelle était-elle ?