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Je sortis de table le cœur léger.

La fraicheur de la nuit transperça mes vêtements avec douceur. Libérée de tous poids, c'est vêtue d'un simple vêtement ample que j'entamai une marche lente à travers les arbres vivant entre les tentes.

C'était un choix que j'avais longtemps négocié avec Hémon ; la nature à l'intérieur du campement ne dérangeait nullement, inutile donc de la saccager pour aérer notre espace de vie. À l'extérieur, nous avions vite conclu qu'il était impérial de garder une vision claire des alentours, rasant ainsi arbres et buissons sans regret.

Je passais par la suite mes promenades nocturnes entre les feux illuminant des hommes et femmes à proximité dans un silence complet. Seuls leurs rires joyeux venaient perturber ma tranquillité intérieure, contrastant au calme et la lenteur de mes pas.

Le vent guidait souvent mes pas vers les murailles en bois qui nous entouraient. Je venais alors frôler sa surface avec affabilité, comme une amie de longue date. Puis je longeais son allégresse un bon moment avant de m'écarter des tentes à la recherche de davantage de solitude.

Une habitude que j'avais rapidement trouvée suite à notre entrée dans l'armée avec Athéna. Habitude que je risquais de perdre dès demain, c'était certain.

Nous y étions.

Trois années de loyauté transmise à Hémon.

Peut-être pourrais-je trouver avoir perdu mon temps, gâcher les plus belles années de ma jeunesse.

Il n'en était rien.

J'avais tant appris parmi ces hommes et femmes qui m'avaient tous ou presque transmis une partie d'eux.

Parfois par confession, parfois par affection ou même estime.

La boucle était à présent bouclée ; une nouvelle porte pouvait s'ouvrir sur mon passage.

Ne me restait-il plus qu'à la passer...

La lune et ses étoiles éclairaient mes pas. Avec tendresse et délicatesse, leur rayonnement se posaient sur mon visage telle une caresse. Un réconfort plus qu'un appel.

Comme la muraille ; une connaissance, une amie.

Elle faisait partie de mes journées, à quelques pas, à proximité. Elle, pourtant, je ne la quitterais pas demain.

Demain n'était pas la fin, seulement un autre jour. Je ne les quittais pas, je m'éloignais seulement d'eux.

Pourtant je pouvais ressentir une certaine amertume au plus profond de moi. Cela me pesait tel un nœud invisible au ventre et à la gorge, de ceux qu'on ne peut ni avaler ni refouler. Seulement accepter.

Mon berceau de solitude et de pensées restait traître. Si Athéna ne m'accompagnait pas dans notre reconquête du monde extérieur, si l'armée ne vivait pas une totale démolition, peut-être alors que l'amertume serait remplacée par de la douleur de la désolation. De la tristesse, même.

Mais je n'étais pas seule.

Nous ne l'étions jamais vraiment.

Peut-être mon cœur pouvait-il saigner de temps à autre, mais jamais je ne pourrai me permettre tel songe.

Je me l'étais promis dès lors où j'avais vu mon père mourir sous mes propres yeux. Sous mon regard passant de la fierté à l'horreur en l'espace d'un instant.

Je revoyais encore sa main se plaquer contre sa bouche afin de contenir le crachat de sang qu'il rejeta lorsque la lame adverse transperça son dos avec lâcheté.

Warck - SurvivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant