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L'ambiance entre nous avait fini par reprendre son cours habituel. Nos pensées respectives bien moins. Cet homme aux allures anciennes n'apaisait pas nos esprits. Un coup d'œil dans ma direction l'affirma à mon amie qui marchait toujours à l'allure du pas à mes côtés.

— Tâchons de l'oublier un instant, reprit-elle. Nous ne le reverrons pas de sitôt.

Peut-être avait-elle raison. Nous étions pour le moment parties pour un isolement dans les montagnes après notre détour à Méryme ; comment pouvions-nous recroiser sa route ?

Le hasard ou le destin, je comptais sur l'un d'eux pour que cela se fasse.

— Je n'arrive cependant pas à comprendre la raison de sa présence. Qu'est-ce qu'un dieu possédant d'immenses pouvoirs en supplément de l'immortalité irait faire dans une auberge aussi banale que celle de la bonne Biair ?

Elle secoua sa tête doucement, se perdant un instant dans le fil de son intellect.

— C'est homme m'est tout aussi intriguant, mais maugréer sur son compte ne nous avancera pourtant en rien.

— Tu as pourtant paru si surprise et si craintive lorsque tu as cru entendre un autre nom, que je n'arrive pas à me délaisser de la prestance dont émanait cet homme.

— Dieugo ? m'interrogea-t-elle.

Son corps se tendit subitement à l'annonce de cet homme.

— Exactement.

— Il fait référence à la légende que nous avons tous entendus au moins une fois lors de notre enfance. Pour ceux qui avaient des parents en tout cas.

Une perche supplémentaire que son manque d'appel m'incita à laisser passer, comme souvent.

— Celle du premier dieu sur terre ? m'étonnais-je. Tu crois vraiment à ces foutaises ?

Mes questions laissèrent à penser que je laissais ces contes de côté sans plus m'y préoccuper. La passion de mon père pour la vérité que laissait souvent paraître ce genre de récit m'avait pourtant bien obligée à y croire.

— Diane, nous possédons tellement d'écrits différents racontant cette histoire ; que ce soit d'époques ou de lieux différents, il a été longuement prouvé que cette légende est bien réelle.

Son regard assuré me défia de proférer le contraire.

Je ne m'y essayai pas.

— Je la connais par cœur, m'apprit-elle. Tant de fois l'ai-je entendue d'un voyageur errant ou d'un fou issu d'un potentiel meurtre de sa famille entière.

— J'ai croisé quelques parchemins dans la bibliothèque de mon père, mais certainement pas assez pour que je m'y attarde réellement...

— Ton père avait l'air de posséder tellement de vieux bouquins que ça ne m'étonne pas qu'il soit tombé entre les autres mythes qui l'entouraient !

Et elle avait raison, une fois de plus.

— Nous parlons bien de cet homme qui a tué l'entièreté de son village, m'assurais-je.

— Ça dépend toutefois du récit, évidemment. Certains parlent de suicides, d'autres de manigances.

J'eus un ricanement.

— Rien que ça ?

Elle me sourit, heureuse de pouvoir parler de cette passion qu'étaient les vieux contes pour elle.

— Quelle version crois-tu s'approcher le plus de la vérité ?

Question dont même la plupart des grands historiens ne pourraient se permettre de répondre. Son œil professionnel avide de connaissances m'assura néanmoins qu'elle me répondrait, quoi qu'il lui en coûte.

Warck - SurvivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant