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Nous avions doucement repris la route, dans un silence complet, chacun englouti par ses pensées. J'avais de temps en temps engagé la conversation et Nese s'était également forcé de temps en temps, comme pour garder un contact humain avec Athan et ne pas le laisser se faire dévorer par la haine envers lui-même. Mais à chaque essai, le silence retombait après avoir échangé quelques mots à peine. S'il relevait parfois la tête pendant le voyage, c'était pour regarder derrière lui, comme s'il avait oublié quelque chose.

Mais il n'osa plus mot dire, depuis son remerciement pour l'idée des fleurs.

On arriva au village suivant, peu de temps avant que le soleil n'ait dépassé son point culminant dans le ciel. Ce village était un peu plus spécial que les autres, car c'était l'avant-dernier avant la ville vers laquelle nous nous dirigions depuis notre départ de la terre des Lions.

Mais on ne s'arrêta pas pour autant et sans que personne n'ose plus dire le moindre mot, on continua sans regarder les villageois autour de nous, vaguement impressionnés et intrigués par notre présence.

La route était longue et le soleil tapant. Rien ne retenait personne dans ces régions, mais je sentais malgré tout qu'Athan n'était pas à sa place avec nous, et c'est ce qui me faisait le plus de peine. J'hésitais encore quelques secondes avant de lui demander comment il allait, mais je finis par craquer et lui posai ma question en tant que bonne amie qui s'inquiétait de son état.

Il releva lentement la tête et me regarda dans les yeux. Il avait séché ses larmes pendant le voyage, et malgré son manque d'émotion, il avait l'air... dans un piteux état.

Il haussa les épaules et Nese se tourna vers nous pour me regarder et me sourire, comme pour me remercier.

Je compris pourtant bien rapidement qu'entamer une nouvelle fois la conversation frôlait l'impossible. C'était maintenant ou jamais.

— Je suis sincèrement désolée pour ce qui est arrivé, Athan.

Lorsque je prononçais son nom, il releva de nouveau la tête et je continuai sur ma lancée pour ne pas perdre le fil de cette faible connexion.

— Ça n'aurait pas dû arriver, mais...

— Économise ta salive, me coupa-t-il sèchement. Je n'ai pas envie de parler.

Si un peu plus tôt dans la journée, je serais partie dans une colère noire, je sentais que le voyage m'avait assoupie et maintenant je sentais comme une grande sérénité, comme si Athéna avait atteint son but.

— Bien, si c'est tel est ton souhait. Mais je n'ai pas envie de te voir comme ça tout le long du voyage, Athan. Tu mérites d'être heureux, et ce qui s'est passé dans cette auberge n'aurait pas dû arriver. Mais je t'en supplie, Athan, il faut que tu passes à autre chose.

Il souffla.

— Je ne sais pas si j'y arriverai.

— Le temps t'aidera.

Il fit non de la tête.

— Justement, je ne crois pas.

— Dis-nous, qu'est-ce qui pourrait te faire changer d'avis ?

— Me saouler jusqu'à mort, soupira-t-il.

Je souris.

— Alors c'est parti, on verra bien si ça nous amène à la mort, mais on ne perd rien à essayer.

Il sourit, ce qui fit grandir le mien, peut-être que j'avais atteint mon but pour la journée avec ce simple changement sur son visage. Maintenant, je n'étais pas sûr que se bourrer la gueule allait changer grand-chose à part pleurer toutes les larmes de son corps et se maudire pour tout ce qu'on avait mal fait.

Warck - SurvivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant