13.

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Voyager le restant de la journée était déjà fortement exagéré pour Athéna, alors dormir en forêt, je n'y pensai même pas. Nous préférâmes nous diriger vers le village d'une trentaine de maisons qui se dessinait au loin. La nuit tombant déjà, les premières lumières avaient été éclairées dans les maisons. Les ruelles avaient été désertées depuis un moment déjà, laissant derrière le passage des enfants déchets et empreintes de petites bottines dans la boue.

— Installons-nous ici.

Un groupe de voyageurs nous précéda dans l'auberge face à nous, pressé de trouver logis. La peur sur leur visage n'échappa cependant à aucun d'entre nous. Si leurs gestes étaient si brusques et maladroits, c'était bien à cause de la présence de Nese.

Des bêtes aussi imposantes ne couraient pas les rues, encore moins dans de tels villages aussi écartés du monde. J'hésitai à couvrir Nese d'une cape, mais cela me gênait de lui demander pareille chose.

Se cacher. Cela reflétait de nombreux souvenirs de mon enfance. Souvenirs associés à la douleur et la solitude ; je ferais mon possible pour lui faire endurer pareille sottise.

— Ne t'en fais pour moi.

Je sentis les muscles de Nese se contracter sous mon poids.

— Pardon ?

— Dissimuler une différence n'a jamais tué personne.

Je descendis de son dos en tâchant de ne pas le salir. Sa voix avait retrouvé sa supériorité et sa fraicheur hivernale. Il était blessé et tentait de se le cacher en me le proposant avant que je ne sois forcée à le faire. C'était brave de sa part.

Je n'osai pas croiser son regard et allai prendre une cape dans les cendres de Lunaire.

Ridicule, mais nécessaire.

Arrivés aux écuries où l'on installa le grand étalon noir, le silence fut maître. Nese se taisait par simple lassitude, Athéna par refus et moi par crainte. Laisser un majestueux tigre des montagnes au stade de simple monture futile ?

C'était impensable.

Mais encore une fois, c'était nécessaire.

Jamais il ne rentrerait ; jamais nous ne rentrerions en sa compagnie.

— Ne t'inquiète pas pour moi ; les sacrifices sont nécessaires pour se fondre dans la masse.

Je me rappelai la raison de sa présence parmi. À contrecœur, presque forcée. Peut-être ne ferait-il jamais partie intégrante des nôtres, peut-être refuserait-il tout simplement de l'être. Cela ne dépendra que de sa personne.

— Évite de manger les chevaux, si tu veux bien, tentais-je avec un haussement d'épaules en essayant de calmer l'ambiance tendue qui régnait dans le groupe. Je vais te rapporter de quoi manger le plus vite possible.

Il grogna.

Faire profil quand on vous offrait la chance de fuir vos problèmes pour une nouvelle vie ; il décida de le faire.

— Ne t'inquiète pas pour moi, répéta-t-il ; je me tiendrais tranquille.

Je me retournai et suivis Athéna sur cette note finale. Je refermai doucement la porte en bois derrière moi et on se dirigea ensemble vers la taverne.

Je ne pus m'empêcher de regretter mon geste, de me dire qu'il y avait une autre solution... mais après tout, ce n'était pas comme si je l'avais jeté dans la fosse aux Lions, j'avais juste donné un léger coup de poing dans sa fierté.

J'avais confiance en lui. Il ne pouvait rien lui arriver.

Mes pensées m'étonnèrent moi-même. Qui était-il vraiment ?

Warck - SurvivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant