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Elle était allongée sur le ventre, au-dessus de cette horrible grille dont je ne voulais pas savoir ce qu'il y avait en dessous. Sa sombre crinière pendait sur le côté et son regard était tourné vers moi.

Lorsque cet homme — qui allait être le premier à mourir de ma main si je réussissais à m'en aller d'ici — avait commencé à la torturer en faisant je ne sais quoi sur son dos, j'avais eu envie de lui crier de me prendre à sa place de me torturer dix fois plus fort qu'elle s'il en avait envie. Mais pas elle, pas Diane... pas ma Diane.

Et vous voulez savoir ce qui m'en a empêché ?

La peur.

Cette peur qui vous glace jusqu'à la moelle des os, cette même peur que la plupart des hommes redoutent plus que tout dans ce monde cruel.

Je n'avais pas réussi à prononcer ces mots qui auraient peut-être pu la sauver. Mais je savais qu'elle m'aurait haï si je l'avais fait. Je savais qu'elle préfèrerait mille fois être sur cette horrible grille en métal froid et rouillé que d'être à ma place, à regarder quelqu'un qu'elle, peut-être, aimait également.

Je n'arrivais pas à savoir ce que faisait ce sac de merde sur son dos, mais je ne m'autorisais pas à fermer les yeux. Je ne devais pas, je ne pouvais pas. Et pourtant, je le voulais atrocement. Il fallait que je regarde et ressente chacun de ses hurlements remplis de tristesse et de colère qui reflétaient une douleur que j'étais incapable de comprendre totalement.

Durant cette torture interminable, si nos geôliers avaient voulu que je souffre autant qu'elle, voire peut-être même plus, c'était un échec cuisant. Je savais qu'elle souffrait bien plus que moi en ce moment même. Même si le simple fait de penser une telle chose ne faisait qu'accentuer ma propre douleur. Mais garder les yeux ouverts avaient été un choix personnel, pour me punir personnellement des mauvais choix que j'avais faits, pour ne pas avoir su empêcher cette infâme torture d'arriver.

Elle criait, pleurait et tremblait de tout son corps, et moi j'étais là, me débattant de toutes mes forces contre ces chaînes qui me paraissaient invincibles, totalement impuissant face à ce qui était en train de se dérouler sous mes yeux. Pourrais-je encore dormir après cela, après tout ce qui se passait dans ce cachot pourri ? Je n'étais plus sûr de rien et cela me désarmait encore plus. Mais s'il y avait bien deux choses qui ne pourraient jamais changer malgré la situation, c'était mon amour envers elle et qu'être avec elle guérirait toutes mes blessures, même celles les plus anciennes et les plus profondes, quoi qu'ils nous arrivent.

Lorsqu'il eut enfin fini son travail, les mains ensanglantées, il se releva. Et alors, toutes les personnes encore présentes dans la cellule quittèrent la pièce sauf le second et cette mystérieuse fille qui étaient restés près de la porte du début à la fin de la séance.

Cette dernière me paraissait assez jeune, et la tresse de cheveux noir jet qui dépassait de son capuchon rabattu sur sa tête ne faisait qu'accentuer cette pensée.

Elle n'avait pas dit un seul mot de toute la soirée depuis son arrivée avec ses autres compagnons et était simplement restée planter devant cette porte. En fait, « soirée » était un grand mot, car je n'avais absolument aucune idée d'où nous étions dans la journée. Si l'opération m'avait semblé durer plusieurs heures, nous pouvions tout autant nous trouver au beau milieu de l'après-midi qu'en début de soirée. J'avais totalement perdu la notion du temps.

Mais à l'instant, ce n'était pas ce qui me préoccupait le plus. Non, ce que je voulais savoir plus que tout au monde était si la jeune femme avec des gènes humaines et des gènes de fauves couchée sur le ventre devant moi était vivante... Savoir si elle m'aimait comme moi, je l'aimais et si elle le savait, que je l'aimais par-dessus tout.

Warck - SurvivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant