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Le matin fut aussi léger que la veille. Chacun procéda à sa routine habituelle : certains rajoutèrent quelques bûches sur le feu, d'autres allèrent remplir les gourdes à la rivière qui traversait le champ et j'en profitai pour respirer une bouffée d'air de ce matin si calme. J'avais procédé au dernier tour de garde et avait été heureuse de reprendre connaissance du terrain. Tout simplement parfait, comme dans mon souvenir. Éparpillés à travers le champ, de nombreux rochers peuplaient les alentours. En supplément de la rivière se trouvait un marécage dans un coin. Je me souvins que derrière ces montagnes qui nous protégeaient des dangers se trouvait cette même nature paisible.

Lorsque chacun fut entièrement réveillé, on se lança dans une expédition sur la montagne la plus haute pour observer les alentours. Cette idée folle allait nous permettre de garder un œil sur nos ennemis en toute discrétion. Nous ne devions pas tarder à prendre l'avantage du terrain, sinon il serait trop tard pour y penser.

Notre ascension n'empêcha pas certains de continuer sur le ton plaisantin des mauvaises expériences des uns et des autres.

— Et toi, Line ? avait demandé Ariana qui s'intégrait de plus en plus dans la troupe. Qu'en est-il de tes expériences amoureuses pendant tes années de service ?

Ce sujet délicat ne me plut guère, mais tant qu'il ne se tournait pas vers ma personne, je n'avais rien à craindre.

Line rougit jusqu'aux oreilles et tout le monde éclata de rire. Cela devait être un sujet sensible pour la guerrière.

— Une. Secrète. Tout cela était interdit dans notre armée, car notre seul code d'honneur était le combat. C'est ce qui faisait notre force.

— Il était interdit d'aimer ? demanda Tiral, horrifié.

— Et tout ce qui s'en rapproche. Deux de mes amis s'aimaient avec passion et prenaient des risques bien trop inutiles et dangereux pour faire plaisir à l'autre. Si audacieux qu'un matin, ils ne sont jamais revenus dans la salle commune.

— C'est triste, tout le monde devrait avoir le droit d'aimer, nous certifia Ariana.

— C'est ce que j'ai fait, répondit Line avec un sérieux inattendu. Mais je l'ai amèrement regretté par la suite.

— Pourquoi ? demanda Nese plus attentivement.

— Parce qu'il m'aimait au point de prendre tous les risques, contrairement à moi.

Elle éclata d'un rire nerveux. Tout le contraire de nos regards horrifiés. Sa peine avait l'air d'avoir disparu depuis un certain moment déjà. Elle avait accepté ce fait, peut-être même plus que l'autre.

— Je n'ai pas sa mort sur la conscience, c'est déjà ça.

Personne n'eut le courage de contredire ses dires. Line s'était pardonnée, ce que j'étais totalement incapable de faire. Je hochai la tête face à cette qualité qu'elle avait, contrairement à moi.

— Et toi, Diane ? m'interpella la guerrière. J'imagine bien que tu n'es pas sans expérience. Mais, avec qui était... (elle réfléchit un instant au sujet dans lequel elle pourrait me lancer) ta première fois ?!

Ce fut à mon tour de rougir. Pas pour la question, non. Mais, parce que lorsque je jetai un coup d'œil par-dessus mon épaule, je remarquai Tiral, souriant jusqu'aux oreilles. Mes mots allaient devoir être choisis avec soin.

— Alors ? demanda Ariana, impatiente d'en savoir également plus.

Je n'osais pas répondre et je ne réussis qu'à lâcher une suite de mots inintelligibles. La question était bien trop directe pour annoncer la situation.

Warck - SurvivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant